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6 juin 1944 : « libération » ou dernière manche d’une guerre pour le contrôle du monde ?

L’hypocrisie était reine une fois de plus, ce 6 juin sur les côtes de Normandie, pour le 80e anniversaire du débarquement : 25 chefs d’État, Macron et Biden en vedette, le premier en profitant pour la campagne des Européennes où son parti est si mal barré et pour annoncer la livraison de mirages à l’Ukraine (une bonne affaire pour le groupe Dassault), le second pour vanter la démocratie américaine, celle qui, devenue au lendemain de la guerre la plus grande puissance, avec des bases militaires dans le monde entier, a mené presque toutes les guerres de ces 80 dernières années, en Corée, au Vietnam, en Irak, en Afghanistan, pour assurer sa domination.

« Ils savaient qu’ils pouvaient en mourir, mais ils marchaient toujours parce que chacun de leurs pas rapprochait le monde de la liberté » clame Emmanuel Macron en l’honneur des combattants américains. La liberté de qui ? Parmi ces combattants, des soldats Noirs américains, surtout maintenus dans les tâches de support de peur qu’ils se mutinent, plus nombreux sur les champs de bataille suivants en Europe ou dans les opérations américaines en Asie ou ailleurs, mais partout victimes du racisme des officiers : ils ont eu le droit de se faire trouer la peau pendant la guerre mondiale, non pour la liberté, mais pour les intérêts de cette Amérique où ils allaient retourner dans leurs ghettos et attendre les luttes et révoltes du mouvement noir américain des années 1960 pour obtenir enfin quelques droits. Parmi ces GI, un grand nombre également de travailleurs mexicains enrôlés dans l’armée américaine par un curieux accord avec le gouvernement mexicain qui faisait des émigrés sans droit des conscrits aux USA. De droits, ils n’en ont pas plus 80 ans après, alors que le même Biden, qui parle de « libération » à Omaha Beach, annonce un durcissement à la frontière mexicaine pour refouler les migrants.

Six mois après le débarquement en Normandie, l’armée allemande était pratiquement défaite grâce aux immenses sacrifices des soldats et de la population russe, et la course était entamée entre les alliés de la veille, URSS d’un côté, Occidentaux de l’autre, à qui grignoterait la plus grosse part en Europe centrale. En Allemagne même, les bombardements américano-britanniques massifs sur les villes ouvrières de Berlin, Hambourg, Brême, la ville de Dresde quasiment rasée, n’avaient pas pour but de libérer la population allemande du régime nazi qu’elle subissait depuis douze ans, mais de la terroriser pour éviter toute révolte comme l’explosion révolutionnaire qui avait suivi la fin de la guerre de 1914-1918. Bien des notables de l’appareil d’État nazi allaient retrouver leurs postes, les patrons, blanchis, sauver leurs entreprises. C’est le même but qu’avaient les bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki, en août 1945, alors que la guerre mondiale était pratiquement finie avec la capitulation de l’Allemagne trois mois plus tôt, le 8 mai, que le Japon lui-même avait déjà proposé sa reddition : l’armée américaine tenait à y débarquer non en libératrice suscitant de dangereux espoirs dans la population, mais en conquérante. Au passage, on remettait en place l’appareil d’État japonais, son armée, sa police, jusqu’à son empereur, Hirohito, grand ami d’Hitler, auxquels les chefs d’État du monde entier, Mitterrand en tête, sont allés rendre hommage à son enterrement en 1989.

Même recyclage en France du pouvoir du patronat qui avait sans vergogne continué ses affaires sous le régime de Vichy et l’occupation par l’armée allemande. Recyclage du même appareil d’État, administration, armée, police et hauts fonctionnaires qui avaient servi sous Pétain et qu’on baptisait « résistants ». Comme Maurice Papon responsable pendant la guerre à la préfecture de Bordeaux de l’arrestation et la déportation de Juifs vers les camps d’extermination, devenu plus tard préfet de police de Paris, puis ministre. « Une seule armée, une seule police » avait déclaré le chef de file du Parti communiste français de l’époque, Maurice Thorez, pour démobiliser ses partisans qui avaient cru à la « libération ».

Libération ? Il avait fallu quelques troupes à de Gaulle pour que la France, dont le gouvernement officiel et tous les hommes d’affaires étaient du côté de l’Allemagne, ait son mot à dire et son gouvernement de rechange. On était allé les chercher dans les colonies : des « tirailleurs sénégalais » (comme on surnommait tous ceux venus des colonies d’Afrique noire), des soldats marocains, tunisiens ou algériens. Le 1er décembre 1944, à Thiaroye, près de Dakar, l’armée française encerclait et tirait sur le camp où avaient été regroupés des tirailleurs sénégalais, anciens prisonniers de guerre, qui osaient demander le paiement des indemnités qui leur avaient été promises. Au lendemain de la guerre, nombre de ces soldats africains enrôlés dans l’armée française pour ladite « libération » ont été tout bonnement envoyés en Indochine où l’impérialisme français entendait rétablir sa domination après la fin de l’occupation de cette colonie française par l’armée japonaise : dix ans de guerre française contre le mouvement nationaliste vietnamien, suivis de vingt ans de guerre américaine.

Mal lui en a pris, d’une certaine façon, à la France : l’explosion des révoltes du monde colonial s’est répandue d’Asie en Afrique pour la libération, enfin, du joug colonial. Malgré tous les massacres de l’armée française en Indochine, tous les crimes, semblables à celui de l’armée allemande au village d’Oradour-sur-Glane en France, qu’elle a commis dans les villages d’Algérie.

Olivier Belin