Nos vies valent plus que leurs profits

Brèves

L’actualité en bref

Sommé par la justice de publier ses comptes avant le 13 février, le Groupe Bernard Hayot (GBH) vient d’annoncer un bénéfice net de 227,4 millions d’euros pour 2023, en hausse de 11 % par rapport à l’année précédente et un chiffre d’affaires de 4,945 milliards d’euros. Basé en Martinique et présent dans de nombreux territoires ultramarins, ce groupe familial de békés (descendants des colons esclavagistes) jouit d’un monopole de la grande distribution qui lui permet de réaliser des marges faramineuses, dénoncées par le mouvement contre la vie chère en Martinique.

L’Assemblée nationale a adopté un texte qui limite à nouveau le droit du sol à Mayotte. Désormais un enfant né dans l’île ne pourra obtenir la nationalité française que si ses deux parents (et non plus un seul) peuvent prouver une résidence régulière sur le sol français, au moment de la naissance de l’enfant, depuis au moins trois ans (et non plus trois mois). Lors des débats, la macronie, la droite et l’extrême droite se sont livrées à une surenchère sur le sujet. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a estimé pour sa part que désormais « le débat public doit s’ouvrir sur le droit du sol » en Métropole. Bayrou a abondé dans le même sens en voulant élargir le débat à toutes les formes d’immigration. De quoi jeter de l’huile sur le feu en attisant les sentiments racistes et xénophobes d’une partie grandissante de la population. Un fléau qu’il faut combattre.

Les élections aux chambres d’agriculture, qui viennent de se dérouler dans 88 départements, ont vu une très nette poussée de la Coordination rurale (CR), une organisation syndicale qui ne cache pas ses liens avec l’extrême droite, notamment le Rassemblement national. Elle se renforce aux dépens de la coalition FNSEA-Jeunes agriculteurs, très introduite dans les milieux du pouvoir et représentant les grandes exploitations, l’agrobusiness et les coopératives liées à la grande distribution. Adepte des opérations coups de poing, des blocages des préfectures et des autoroutes, la CR se distingue des syndicats majoritaires par le radicalisme de ses actions tout en partageant avec eux un objectif : détourner la colère et le désespoir des centaines de milliers de paysans qui ne s’en sortent plus des véritables responsables de cette situation (trusts des engrais, des machines agricoles, grandes banques qui les étranglent) et la diriger vers les normes environnementales et les fonctionnaires chargés de les faire respecter. Une démagogie payante à court terme mais qui ne résoudra en rien les problèmes du monde agricole. Quant à la Confédération paysanne, classée à gauche, elle récolte en moyenne environ 20 % des suffrages et présidera les chambres de l’Ardèche, de Guyane et de Mayotte.

Dans le budget que Bayrou a fait passer au Parlement figure notamment l’assujettissement à la TVA au taux de 20 % des auto-entrepreneurs qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 25 000 euros par an. Aussitôt des organisations patronales sont montées au créneau et le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a annoncé la suspension de la mesure en attendant de rencontrer les intéressés. Interrogé à ce sujet, Bayrou a affirmé, sans rire, qu’il ne s’était pas aperçu que cette mesure figurait dans le budget en renvoyant la responsabilité à son prédécesseur, Barnier. Quant au Front national, il s’est surpassé. Il a lancé une pétition pour la suppression de cette mesure… alors qu’il y a quatre mois il avait proposé une mesure similaire encore plus sévère. Vous avez dit démagogues ?

Sans surprise le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a applaudi la décision de Donald Trump de s’en prendre à la Cour pénale internationale (CPI) en interdisant l’entrée aux États-Unis aux dirigeants, employés et agents de la CPI ainsi qu’aux plus proches membres de leurs familles. Sa déclaration accuse l’instance internationale d’avoir « engagé des actions illégales et sans fondement contre l’Amérique et notre proche allié Israël », en référence aux enquêtes sur les crimes de guerre présumés commis par des membres des services américains en Afghanistan et par les troupes israéliennes pendant la guerre Gaza. Aussitôt, l’ONU « a regretté profondément » cette décision et le Conseil européen a qualifié quant à lui le décret américain de « menace » pour l’indépendance de l’institution judiciaire internationale. Sauf que, non seulement ces déclarations platoniques ne changeront rien, mais qu’un passé récent a montré que nombre de gouvernements européens (dont ceux de la France, de la Pologne et d’autres) n’avaient nullement l’intention d’appliquer les décisions de la Cour en ce qui concerne notamment l’arrestation des dirigeants israéliens impliqués, Netanyahou et Gallant.

Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a intimé l’ordre aux militaires de ne pas critiquer le projet de Donald Trump visant à vider Gaza de sa population palestinienne pour en faire une « Côte d’Azur » du Moyen-Orient. Un projet qui avait soulevé une tempête de protestations dans le monde entier. En Israël même, des médias avaient affirmé que le chef du renseignement militaire, le général Shlomi Binder, avait fait état, au cours d’une réunion de travail, de difficultés sécuritaires liées à ce plan risquant notamment d’entraîner une escalade de la violence en Cisjordanie. Il aurait aussi évoqué des dangers majeurs de confrontation le mois prochain, au moment du Ramadan. Il a été officiellement « réprimandé ». Quant à l’état-major israélien, il peut continuer tranquillement à massacrer à Gaza et en Cisjordanie sans aucun risque de se faire taper sur les doigts.

Le 8 février 1962, alors que la guerre d’Algérie faisait encore rage, en plein état d’urgence proclamé par le préfet Maurice Papon, des dizaines de milliers de manifestants bravèrent l’interdiction de manifester pour protester contre les attentats de l’OAS. Organisée par la CGT, la CFTC, l’Unef, les syndicats enseignants, le PCF et le PSU, la manifestation pacifique est violemment réprimée par la police. Neuf militants, dont huit communistes, meurent écrasés contre les grilles du métro Charonne, et 250 manifestants sont blessés. Quatre mois plus tôt, le 17 octobre 1961, la police parisienne avait déjà massacré des centaines d’Algériens manifestant pacifiquement contre le couvre-feu imposé par le gouvernement.

Ni les coupables de Charonne ni ceux du 17 octobre ne furent inquiétés. Si des représentants politiques de la bourgeoisie française ont fini par reconnaitre ces crimes, les responsables de L’État et de son appareil de répression ne seront, eux, jamais traduits devant les tribunaux.

Alors même que certains États américains les plus conservateurs, galvanisés par le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, durcissent l’accès aux pilules abortives, d’autres résistent. Comme celui de New York, qui a passé une loi protégeant les médecins qui prescrivent à distance et envoient ces médicaments à des patientes vivant dans des États où l’IVG est interdite. Le texte a été adopté quelques jours après l’inculpation d’une médecin new-yorkaise, Margaret Carpenter, accusée d’en avoir procuré à une mineure enceinte en Louisiane. Le procureur de cet État a inculpé la jeune fille, sa mère ainsi que la Dr Carpenter. De plus les médecins new-yorkais pourront prescrire ces médicaments au nom de leur cabinet médical plutôt que sous leur identité personnelle. L’objectif est de compliquer la tâche des enquêteurs et procureurs des États anti-IVG qui tentent de traquer et poursuivre ces professionnels de santé. Depuis l’annulation en 2022 du droit fédéral à l’avortement, 18 États pro-IVG ont adopté des lois protégeant leurs médecins des poursuites engagées ailleurs. Mais au-delà de ces mesures protectrices et bienvenues, la lutte pour le droit de toutes les femmes à l’IVG se poursuit.

L’Autorité de contrôle de l’audiovisuel, l’Arcom, s’est penchée sur le temps de parole accordée aux femmes lors de la présentation des épreuves des Jeux olympiques sur les chaînes de France Télés et d’Eurosport. Le résultat est édifiant. Les femmes présentatrices n’ont occupé en moyenne que 18 % du temps d’antenne contre 82 % aux hommes. Une proportion qui tombe à 8 % aux émissions diffusées aux heures de grande écoute et à 5 % pour les disciplines vedette des JO comme l’athlétisme. À la devise olympique « plus vite, plus haut, plus fort », il serait temps d’ajouter « plus féminin ».