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Meeting du 25 juin à Paris : intervention de Selma Labib

Ci-dessous le texte de l’intervention de Selma Labib au meeting parisien du 25 juin 2024

 

 

D’abord dire que face à la crise politique ouverte par la dissolution, mais qui couvait depuis longtemps car elle est la conséquence de l’offensive patronale, dire notre détermination à y intervenir, à y faire vivre un pôle des révolutionnaires. C’est le sens de nos candidatures, c’est le sens de notre appel à voter Lutte ouvrière, c’est le sens de notre présence à toutes les manifestations et aux quelques grèves qui sont organisées durant cette campagne éclair et ce sera le sens dans lequel on orientera nos interventions y compris et surtout après le 7 juillet.
Oui, quel que soit le résultat, c’est une période de confrontation qui doit s’ouvrir, de confrontation sur le terrain de la lutte des classes. Je répète, quel que soit le résultat des urnes dimanche prochain et celui d’après, il n’indiquera en aucun cas l’issue de cette confrontation, qui ne dépendra que du rapport de force qu’on sera capable d’établir. Et je le dis aussi d’emblée, nous avons confiance dans la force des travailleurs à gagner tous les bras de fer de la lutte des classes. À la condition de ne pas se faire enfermer dans les illusions de leurs pires adversaires de l’extrême droite, qui est extrêmement patronale, ni dans les doux appels au dialogue, à la paix sociale et à la concorde entre exploiteurs et exploités de la gauche.
Oui, derrière les aspects électoraux de cette crise politique, se cache la colère du monde du travail contre une société devenue irrespirable du fait de l’offensive patronale. C’est cette colère qui a fait valser les partis qui ont géré les affaires de la bourgeoisie française pendant 60 ans d’alternance entre la gauche et la droite. C’est cette colère qui nourrit le vote pour le Rassemblement national (RN), qui est vu par certains, à tort, comme un moyen de se débarrasser de Macron.

Bardella et Le Pen nous débarrasseront peut-être de Macron et Attal mais pas de leur politique, car Bardella et Le Pen, c’est Macron et Attal en pire.

Alors soyons clairs et nets, pour les mêmes raisons : pas une voix de travailleur ne devrait aller à Bardella, à Zemmour ou à Ciotti ! Voter pour ces gens en imaginant un instant qu’ils pourraient nous venger de Macron et sa clique, c’est se tirer une balle dans le pied.

En deux semaines de campagne éclair, on a vu comment le RN a adapté son discours. Il drague les hauts fonctionnaires, comme le sinistre Leggeri, ancien patron de l’agence Frontex qui est chargée de repousser les migrants en Méditerranée quitte à les faire chavirer. Le RN drague aussi le patronat : regardez la vidéo de Bardella et Ciotti devant le Medef la semaine dernière. Le syndicat patronal a prétendu faire passer un « grand oral » aux candidats. Les représentants des trois pôles qui aspirent à gouverner ont rappliqué comme des écoliers dociles, en expliquant comment ils allaient garantir les profits des maîtres de l’économie. Au rapport, Bardella ! Et il accourt.

Il accourt pour convaincre le patronat que son heure est venue. Car il sait bien que dans cette société, c’est le patronat qui décide. C’est Bolloré qui fait sa campagne à coups de milliards. C’est avec ses contacts que Le Pen et Bardella font défiler les grands pontes du CAC 40 dans un appartement parisien loué pour l’occasion. Le RN se prétend « premier parti ouvrier » mais ce sont les doléances du patronat qu’il écoute et c’est face à lui qu’il prend des engagements.

Et ça commence à se voir.

L’allégeance au grand patronat a un coût en pleine campagne électorale. Bardella bégaye quand on lui rappelle qu’il s’était engagé à revenir sur la réforme des retraites. Bardella bégaye quand on lui rappelle que le RN a parlé de baisser la TVA. Bardella bégaye à propos des coûts de l’énergie. Les caisses sont vides, on verra plus tard… on connaît la chanson, c’est le tube de tous les politiciens qui arrivent aux portes de Matignon.

Bardella ment éhontément quand il parle d’augmenter les bas salaires de 10 %. Il l’a bien expliqué aux patrons du CAC 40 : plus 10 % sur le net… et moins 15 ou 20 % sur le brut.

Bardella prétend remplir à peine notre portefeuille en coupant les vivres de l’assurance chômage, de l’assurance maladie et des caisses de retraite. Bardella rejoint sur ce point Attal dont le décret contre les droits des chômeurs entre en vigueur le lendemain du premier tour. Bardella rejoint Attal qui, au lieu de parler des nécessaires augmentations de salaire, parle de prime Macron.

Pour nos salaires, pour nos services publics, contre le chômage, pour vivre et pas seulement survivre, il n’y a pas 36 solutions : il faut aller chercher l’argent là où il est, dans les caisses du patronat. Si les patrons disent qu’ils n’ont pas, ou pas assez, pour financer nos besoins élémentaires, qu’ils nous passent la main, on fait déjà tourner toute la société, on apprendra vite à tout décider.

Mais ça, aucun gouvernement ne le fera pour nous, non seulement car aucun des politiciens en mesure d’accéder à Matignon n’en a la volonté mais aussi parce que le gouvernement, l’appareil d’État tout entier est fait sur mesure pour défendre les intérêts du patronat. Il n’y a que nos luttes qui pourront nous permettre d’aller chercher la gagne, la vraie. Des luttes qui posent la question du pouvoir, la question de qui dirige cette société : les travailleurs qui la font tourner ou les patrons qui les exploitent ?

C’est vrai que ce n’est pas tous les jours qu’on est en lutte sur nos lieux de travail. Mais c’est la grande peur du patronat, c’est ce qui dicte sa politique. Car il sait à quel point son offensive contre nos conditions de travail mais aussi contre nos conditions de vie, une offensive qui se complète par une montée nationaliste, impérialiste et colonialiste, va forcément provoquer des réactions. Elle en provoque déjà.

Et c’est dans ce sens qu’il faut comprendre pourquoi le patronat se fait désormais à l’idée de mettre le RN au pouvoir. Car le RN est un des moyens de maintenir les travailleurs dans la passivité, la résignation et la division.

La division d’abord, car c’est bien le fonds de commerce du RN. Division raciste, antisémite, sexiste, transphobe… c’est dans l’ADN de ce parti cofondé par un Waffen-SS, qui a d’abord rassemblé tous les nostalgiques de l’Algérie française. Le père Le Pen (qui est aussi le grand-père de la compagne de Bardella) disait déjà dans les années 1980 « un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop ». Et aujourd’hui, le seul terrain où Bardella ne bégaye pas c’est la haine contre les immigrés et la préférence nationale comme fil conducteur de son programme.

Et sur ce thème, il rabâche et divague. Lors de sa conférence de presse de lundi dernier, pour flatter sa clientèle électorale, il a assuré qu’il expulserait les immigrés, et leurs gosses avec. Que parmi ses premières mesures, il y aurait la suppression du « droit du sol » c’est-à-dire la suppression du droit à la nationalité française pour celles et ceux qui sont nés en France de parents étrangers. Quant aux binationaux, qui ont une double nationalité, eux, ils seraient exclus « des postes stratégiques de l’État ». Ça veut dire quoi ? Des mesures que même sous Vichy, Pétain n’avait pas eu l’idée ou les moyens de prendre !

On a tous vu les effets glaçants de cette politique dans Envoyé spécial où un couple de retraités militants du RN déverse sa haine raciste contre leur voisine aide-soignante. Cette travailleuse n’est pas une migrante, elle n’est pas étrangère, elle est française, mais elle est noire, c’est tout ce qui compte pour les militants racistes. Et Marine Le Pen elle-même est intervenue avant-hier pour leur donner raison ! Ils font des grands discours contre l’immigration qui tirerait les salaires vers le bas, mais ils n’en ont rien à faire des salaires ni des travailleurs français, ni des salaires de nos frères et sœurs de classe étrangers. Tout ce qui les intéresse, c’est le poison de la division raciste dans le but de nous livrer aux appétits patronaux, travailleurs français et étrangers !

Cette propagande de division raciste peut rapporter quelques dividendes électoraux où chacun est livré à lui-même dans l’isoloir. Mais cela n’arrêtera pas nos luttes, cela n’a pas empêché que la solidarité au peuple palestinien s’exprime chaque semaine par des manifestations où la jeunesse, des travailleurs français, immigrés ou pas, et étrangers se sont retrouvés au coude-à-coude. Oui c’est bien parce que cette frange de la classe ouvrière et de la jeunesse, cette fraction du monde du travail que le RN voudrait voir raser les murs, a pris la rue pour la Palestine ou contre les violences policières, que dans sa campagne, le RN comme Macron et tout le système médiatique à leurs bottes salissent tout ce qui bouge à gauche de l’accusation d’antisémitisme ! Et non, cette frange des travailleurs et de la jeunesse ne se taira pas et tant mieux !

Devinette : qu’est-ce que le RN déteste autant qu’un travailleur immigré ? Un travailleur en grève !

Eh oui, le prétendu premier parti ouvrier de France n’aime pas les grèves mais alors pas du tout. Sur ce point comme sur bien d’autres, il n’a pas mis longtemps à sceller son alliance avec Zemmour et Ciotti. Nous, les travailleurs des transports, on les a entendus les Maréchal, les Ciotti, les Le Pen, nous expliquer à chaque fois qu’on est entré en mouvement qu’on était des preneurs d’otages. En voilà une promesse qu’ils tiendront : restreindre le droit de grève ! Mais là-dessus comme sur le reste, on ne les laissera pas faire. Le droit de grève ne s’use que quand on ne s’en sert pas ! Et c’est une démonstration qu’ont déjà faite tous les partis de droite ou de gauche qui se sont succédé au pouvoir pendant 40 ans et qui ont tous mis leur petite loi pour encadrer et limiter le droit de grève.

La preuve que la grève, c’est l’arme des travailleurs !

Les programmes de Macron et de Bardella sont taillés sur mesure pour protéger le patronat de nos réactions collectives. Alors oui, contre les politiques antisociales et racistes de Bardella et Macron, ne comptons que sur nos luttes !

C’est ce message essentiel qu’on tient à faire passer dans cette campagne que nous menons au nom du nécessaire pôle des révolutionnaires, en ennemis résolus de Macron et Le Pen tout en exprimant la défiance à l’égard du Front populaire dirigé par les partis de gauche qui ont tant trahi.

Mais quelles luttes et dans quel contexte dès maintenant et après le 7 juillet ?

Dans la période de plus en plus tendue que nous vivons, faite de pressions toujours plus fortes contre le niveau de vie des classes populaires, de tensions inter-impérialistes mondiales, de crise politique en France où la bourgeoisie française ne sait plus où donner de la tête, il faut que les travailleurs envisagent sérieusement de se sauver eux-mêmes, d’échapper au carcan du système capitaliste. Et d’émanciper la société tout entière, en alliance avec la partie de la jeunesse qui n’accepte pas que le profit mène le monde. Pour cela, il faut préparer une riposte d’envergure. Une mobilisation des classes populaires pour leur survie – salaires, emplois, services publics – mais aussi contre les crimes commis par les impérialismes les plus puissants contre les peuples. Dont ceux de l’impérialisme français dans ses colonies ou contre les Palestiniens par son soutien politique et militaire à Netanyahou.

Quel que soit le gouvernement qui va sortir de ces élections, il faut que dès les lendemains du 7 juillet, on se mette à un plan de mobilisation qui débouche sur un Juin 36, ou un Mai 68, mais tout autre parce que la situation est tout autre et surtout parce que cette fois il faudrait aller à une victoire. Ne pas la laisser usurper par les partis institutionnels bourgeois. Ne pas vendre la grève pour des élections, abandonner le terrain de la lutte pour les illusions électorales. Au contraire faire de la grève et de son organisation démocratique à la base, surtout si elle est massive dans les entreprises et les quartiers, peut-être aussi dans des lycées et des universités, le socle d’un nouveau pouvoir en capacité de contester celui de la bourgeoisie.
Les partis de gauche se flattent d’avoir fait l’unité sur un programme en quatre jours…

Combien de temps nous faut-il, à nous ?

Bien sûr, il faut partir de là où on en est. Des luttes, il y en a en ce moment même, à MA France ou à ExxonMobil contre les licenciements, dans le travail social et l’aide à la personne chez Onela… Il n’y en a certainement pas assez, mais il faut les encourager autant qu’on peut, les aider à se multiplier en élargissant les contacts et les implantations, par toutes les voies possibles – syndicales ou politiques… Que nos grèves deviennent contagieuses !

Des luttes, des grèves, et même des mouvements d’ensemble, il y en a eu ces dix dernières années. Des luttes d’ampleur dans le monde qui ont fait vaciller des régimes pourris en Tunisie, en Égypte, en Algérie, au Chili, au Liban, en Biélorussie, en Iran et on en passe… Mais aussi en France, des luttes qui ont été des mouvements d’ensemble : contre la loi travail de Hollande, contre la vie chère avec l’explosion des Gilets jaunes, contre la retraite à points, contre la retraite à 64 ans, et encore contre les violences policières, pour la Palestine… Et pourtant on est là avec toujours la politique patronale de Macron plus l’extrême droite à 40 %.

Oui il faut des luttes, c’est la condition indispensable. Mais des luttes qui aillent jusqu’au bout. Pour ça il faut le nombre, la détermination – ça on l’a vu souvent – mais aussi des perspectives claires et une direction qui ne cherche pas le compromis dès qu’une brèche est ouverte.

En 2018, c’étaient les Gilets jaunes. Une déferlante à laquelle personne dans les organisations syndicales et politiques n’était préparé. Vivre et pas survivre, les salaires… Pas une lutte qui a émergé par en haut, mais des millions de travailleurs et travailleuses qui ont exprimé leur colère par les voies qu’ils ont trouvées pour le faire. Et là c’était la panique, jusqu’à l’hélico pour évacuer Macron. Pas de tête à ce mouvement, personne pour aller négocier avec le gouvernement, pour entraîner les travailleurs dans des voies de garage. Une peur bleue dont on entend encore parler, « gilet-jaunisation », et comment faire si ça arrivait à nouveau, pour eux en haut.

Oui ça aurait pu, ça aurait dû embrayer dans toutes les autres fractions du monde du travail, notamment dans les grosses boîtes où le poids des syndicats reste important. Mais qu’ont dit les directions syndicales au début des Gilets jaunes ? Ils ont condamné la violence ! Pas la violence sociale des patrons, pas la violence de la répression des flics. Non, la violence des manifestants !

En décembre 2022, quand les contrôleurs de la SNCF se sont constitués en collectif, en dehors des syndicats, et ont appelé à la grève en pleine période de fêtes, là encore ça a été la panique. Qu’a dit Macron à Laurent Berger qui était alors à la tête de la CFDT ? « Plus personne ne tient ses troupes. » Rien de plus clair sur le rôle qu’ont la gauche et les grandes directions syndicales, quand elles mettent plus d’énergie à désamorcer des grèves quand elles éclatent, à aller négocier avec un gouvernement de casse sociale qui ouvre un boulevard à l’extrême droite plutôt qu’à préparer concrètement les luttes sur le terrain.

Et ne parlons pas de Hollande, président de gauche mais des patrons aussi (propulsé aujourd’hui en bonne place dans ce Nouveau Front populaire) qui non seulement avec sa loi travail de 2016 a furieusement poursuivi la casse du droit du travail, en permettant à l’échelle d’une entreprise les reculs les plus pourris pourvu qu’il y ait quelques syndicalistes dits représentatifs pour les signer ; mais qui de plus a lancé systématiquement des hordes policières (sous Manuel Valls, Premier ministre après avoir été ministre de l’Intérieur) contre les travailleurs en grève et en manifestation. C’est avec lui qu’ont commencé les affrontements violents, les gaz lacrymogènes et autres flash-balls lancés en pleine tête, une véritable guérilla urbaine que Macron a poursuivie.

Sous Macron, il y a eu aussi, et plus récemment, la bagarre des retraites… Quasiment tous les salariés de ce pays dans la rue pour dénoncer les deux ans de prolongation de travail forcé. Et une intersyndicale qui appelait à intervalles réguliers, mais toujours fonction du calendrier parlementaire, pour faire pression sur les élus. Comme si c’était eux qui décidaient et pas nous dans la rue. Et bien évidemment, à cette occasion, on a vu aussi un RN bien souligner par la voix d’un de ses porte-parole, Thierry Mariani, que « le vrai combat va se passer à l’Assemblée nationale ».

C’est tout le contraire !

On ne peut compter que sur nos luttes, mais sur des luttes dirigées de A à Z par les travailleurs eux-mêmes, avec, même dans chaque grève locale, la perspective et la conscience que nous devrons renverser le patronat pour diriger la société !

Et ça on doit le dire même, et surtout, dans des moments critiques et dangereux comme ceux-là, où la peur de cette extrême droite et de ses conséquences peut pousser certains de nos collègues vers les illusions du vote à gauche et la détestation de Macron en pousser d’autres vers le piège du RN.

On doit le dire pour que les travailleurs trouvent dans leurs rangs les militantes et militants désireux et capables d’encourager leurs collègues en lutte à s’organiser, à créer des comités de grève ou de lutte vivants et démocratiques, qui prennent conscience que l’issue politique est dans le pouvoir qu’ils représentent eux-mêmes. Pas en passant la main à des partis institutionnels qui promettent de « changer tout » à de prochaines élections.

Seule l’irruption des travailleurs et de la jeunesse pour leurs propres revendications, en toute indépendance des appareils politiques et syndicaux de la gauche, pourrait ouvrir une perspective qui rompe avec l’impasse électorale. La vraie démocratie est dans la rue, mais nous ne sommes pas que de dociles marcheurs. Elle est aussi dans nos assemblées générales, dans nos discussions et décisions démocratiques sur les lieux de travail et d’études. Nous combattons dès aujourd’hui pour parvenir à un mouvement d’ensemble, à une grève générale qui permette aux classes populaires et à la jeunesse d’imposer leurs mesures d’urgence.

La vraie démocratie, elle est ici. Dans nos luttes et leur organisation. Nous proposons l’unité la plus large pour les luttes et l’indépendance la plus stricte pour défendre des perspectives politiques révolutionnaires – et pour cela, oui, rejoignez le NPA-Révolutionnaires, construisons ensemble un pôle révolutionnaire dans le monde du travail, avec tous les militants et les organisations qui veulent s’atteler à cette tâche urgente car nous ne sommes pas les seuls !