Samedi 30 septembre, deux immeubles « verre et acier » du quartier Saint-Julien à Rouen ont brûlé entièrement et se sont effondrés sous l’impact de la chaleur dégagée. Ces deux immeubles, comme les autres « verre et acier » de cette cité des Pépinières étaient heureusement vides (et ce depuis 2018). Aucune victime n’est donc à déplorer de manière immédiate. Par contre, deux jours plus tard, on sait que cet incendie fera des victimes sur le long terme, car ces immeubles partis en fumée étaient bourrés d’amiante, notamment dans les cloisons et les faux plafond. Or avec l’amiante, une seule fibre respirée peut entraîner des décennies plus tard un cancer de la plèvre. Et là, des milliards de fibres d’amiante vont finir par retomber sur les sols de l’agglomération rouennaise dans les jours qui viennent. Le discours des autorités locales (mairie, métropole, préfecture) relativise scandaleusement le risque lié à l’amiante comme le font depuis plusieurs décennies tous les patrons et les pouvoirs publics qui ont continué à produire et à utiliser l’amiante au mépris des connaissances scientifiques démontrant sa dangerosité extrême pour la santé.
Les images de l’incendie, extrêmement violent, qui a duré plusieurs heures et qui a nécessité l’intervention de 130 pompiers, mais aussi de l’énorme panache de fumée qui a survolé une partie de l’agglomération ont très vite fait le tour des réseaux sociaux dans la soirée de samedi. Tout de suite, pour les riverains, le souvenir de l’incendie de l’usine Lubrizol du 26 septembre 2019 est revenu en force. Toutes celles et ceux qui connaissent des personnes habitant dans la zone se sont inquiétées sur le fait qu’elles étaient à l’abri, mais comme il y a quatre ans, les messages d’alerte de la part des autorités locales n’ont donné aucune consigne de confinement ou d’éloignement. Aucune sirène n’a retenti. Un message par SMS est tombé samedi vers 21 heures alors que le feu avait démarré vers 18 heures, disant juste qu’il fallait éviter la zone et laisser travailler les secours… Et ensuite, la métropole a communiqué que d’après les premiers relevés effectués par les pompiers au contact avec les fumées, le « seuil de dangerosité » n’était pas atteint.
Il a fallu attendre lundi en fin d’après-midi pour que le propriétaire des deux immeubles, Rouen Habitat (le principal bailleur social de la ville), mette en place un numéro « vert » pour que les riverains qui ont leur jardin ou leur pas-de-porte recouverts de débris carbonés et possiblement amiantés fassent appel à une société spécialisée pour qu’ils soient enlevés… Mais là encore, c’est bien trop tard, pour de nombreux riverains qui ont retiré eux-mêmes ces débris avec des moyens de fortune toute la journée de dimanche. Plusieurs cours d’écoles de Rouen ont été nettoyées dès dimanche après-midi des retombées de suies diverses. Avec quel matériel ? Quelles précautions ? Les deux écoles maternelles et élémentaires juste à côté du lieu de l’incendie ont été fermées jusqu’au 3 octobre, en attendant des résultats d’expertises plus poussées… Mais là encore ni la préfecture ni la métropole ne parlent de mettre en place une bulle de protection autour des immeubles incendiés qui vont continuer pendant longtemps à laisser s’échapper des fibres d’amiante.
Enfin, pourquoi ces immeubles désaffectés depuis cinq ans en raison du risque d’incendie très élevé qu’ils recelaient en raison de leurs matériaux de construction et promis à la démolition étaient encore debout jusqu’à ce samedi ? C’est le coût très élevé du désamiantage qui a paralysé les travaux de démolition. Le bailleur ne voulait pas payer, c’est la population qui va le payer cher désormais ! L’État devrait pourtant imposer aux propriétaires de tels immeubles de les désamianter rapidement en mettant le coût des travaux à la charge des industriels (Eternit, Saint-Gobain…) qui ont fait des profits exorbitants en vendant la fibre tueuse.
Marie Darouen