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À Keolis Lyon, la direction joue les primes contre le salaire de base

À Keolis Lyon, la filiale qui exploite le réseau urbain lyonnais, la direction s’applique à accorder des augmentations en dessous de l’inflation, ce qu’elle « compense » partiellement, provisoirement et sous conditions, par des primes. Illustrons avec quelques exemples les raisons de se méfier de cette rémunération à la discrétion du patron et au montant pour le moins versatile.

Depuis deux ans, on a reçu à deux reprises des primes dites de pouvoir d’achat (qu’on appelle maintenant prime de partage de la valeur). En septembre 2021, sous la pression d’une grève fulgurante, la direction a lâché quatre fois 120 euros. En septembre 2022, sûrement pour s’éviter une nouvelle grève, elle a sorti quatre fois 150 euros. À chaque fois, ces primes étaient assorties de critères de présentéisme particulièrement injustes. En 2022, à partir d’un jour d’absence sur une période d’un mois, le montant de la prime passait de 150 euros à… 50 euros.

Les autres dispositifs qui ont la cote auprès de la direction sont les primes de participation et d’intéressement. Depuis 2017, les montants versés par ce biais ont sensiblement augmenté et servent alors d’argument pour justifier le piétinement des salaires. Avec la participation, on touche directement une partie des bénéfices de la filiale. Dans l’intéressement, c’est en fonction des « performances » collectives des salariés, souvent une usine à gaz qui dépend d’indicateurs sur la qualité de service (ponctualité, information client). Bref, de quoi faire payer aux salariés les conséquences de ses propres erreurs de gestion, comme en 2023, suite aux nombreux dysfonctionnements du métro fin 2022, ainsi qu’aux baisses d’offre dues au sous-effectif, lui-même lié en bonne partie… aux salaires trop bas !

À ce petit jeu-là, les travailleurs auraient intérêt à exiger directement l’augmentation conséquente du salaire de base, notamment en lui intégrant ces primes. Car lui, contrairement à la participation et à l’intéressement, ne varie pas dans le temps. Tandis que les primes ont été respectivement de 133 euros et de 640 euros par salarié en moyenne en 2021, elles sont tombées à 0 euro et 373 euros en 2022. Une perte de 400 euros sur l’année tout de même !

Chez Keolis, certains cadres, notamment ceux qui négocient les accords, ne sont pas salariés de la filiale mais directement employés par le groupe et « envoyés » ici et là pour diriger. Ils touchent eux aussi un intéressement dans lequel leur performance est notamment évaluée à l’aune de leur capacité à… faire signer des accords d’intéressement. On comprend mieux pourquoi ces primes prolifèrent de partout et pourquoi nous avons plus que raison d’être méfiants.

Bertrand Karmann et Bastien Thomas