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À Rouen, quinze jours après l’incendie des Pépinières : l’inquiétude et la colère sont loin de s’éteindre

Deux semaines après l’immense brasier qui a ravagé deux des immeubles « Verre et Acier » du quartier des Pépinières Saint-Julien, les riverains les plus proches sont toujours sous le choc et dans l’incertitude confrontés à de nombreuses questions angoissantes quant à leur santé mais aussi aux problèmes du quotidien, devant lesquels ils se retrouvent bien seuls.

Combien de tonnes d’amiante se sont envolées durant l’incendie ? SI des fibres d’amiante ont été retrouvées six jours après l’incendie à plusieurs endroits dans le groupe scolaire le plus proche (fermé depuis l’incendie) alors que les premiers tests surfaciques n’en avaient pas trouvé, quid de ce qui a pu se déposer dans les habitations autour, dans les commerces, les lieux publics, les entreprises du quartier… Et aussi dans le gymnase et l’école Rosa Parks qui accueillent les centaines d’enfants de la maternelle et de la primaire des Pépinières depuis le lundi 2 octobre ? En effet, les tests de prélèvement avec des lingettes n’ont pas été réalisés au-delà du périmètre en forme de triangle tracé par les autorités dans les premiers jours qui ont suivi l’incendie. Mais depuis ? Est-ce que les vents n’ont pas fait se déplacer les fibres d’amiante bien-delà de ce cône ? En fait, il aurait fallu réaliser des tests bien plus larges et sur un périmètre bien plus important, d’autant plus que les fibres peuvent mettre longtemps à retomber…

Sous la pression de la population en colère, la mairie de Rouen s’est engagée à réaliser des tests dans plusieurs domiciles autour du sinistre… Mais tout est lent et surtout, réalisé à l’économie. Nous en voulons pour exemple les opérations de nettoyage des jardins et des extérieurs des habitations réalisés par l’entreprise spécialisée depuis le 3 octobre : elle ne procède pas au nettoyage des gouttières et des toitures, car il faudrait des nacelles, de la main-d’œuvre supplémentaire… Et là aussi, évidemment, ça coûterait plus cher. Mais, de l’avis même des salariés de cette entreprise, ne pas commencer justement par nettoyer les points hauts est une aberration, puisque c’est par là que tout continue à se diffuser. Quant aux brumisateurs qui arrosent en permanence la zone de l’incendie et qui permettent de maintenir au sol les débris et les poussières possiblement remplies d’amiante, ils ne sont qu’au nombre de quatre… il en faudrait bien plus. Mais de fait, leur bruit est insupportable pour les riverains… qui de surcroît ne peuvent plus ouvrir leurs fenêtres, sauf à guetter le sens du vent au risque de recevoir chez eux des résidus de l’arrosage. Tout le monde se demande quand va être réalisé l’encapsulage provisoire par la mise en place d’un confinement étanche des débris incendiés, de manière à ce que les travaux de déblaiement et de désamiantage puissent démarrer. Cela a été annoncé pour la fin du mois de novembre par la mairie de Rouen. Techniquement, on sait faire (c’est par exemple ce qui a été réalisé pour les travaux sur la toiture de la cathédrale de Rouen) mais là encore, il faudra ensuite voir quels seront les délais pour le dégagement des matériaux… avec cette difficulté supplémentaire qu’il y a des poutrelles d’acier énormes à découper… Pour finir, il faut aussi envisager le chantier de désamiantage puis de démolition des cinq immeubles encore debout.

Ce point suscite particulièrement la colère des habitants du quartier. Car c’est depuis 2018 que ces immeubles sont vides. Propriété de Rouen Habitat, dont le maire de Rouen est président, ils ont été promis à la vente au promoteur Cogedim qui doit construire à la place « un écoquartier » (sans blague) ! Mais tant que Cogedim n’a pas vendu ses futurs logements, il ne veut pas prendre en charge le coût de la destruction évalué à plus d’un million d’euros ! Tout le monde se renvoie donc la patate chaude. La colère s’est exprimée franchement lors de la réunion organisée par le maire et le conseil municipal dans la maison de quartier Saint-Julien dimanche 8 octobre. Plus de 150 personnes étaient présentes et la langue de bois des élus a souvent été bousculée par les témoignages et l’exaspération des riverains. Ceux-ci sont en train de s’organiser en collectif, en lien et avec l’appui du collectif unitaire « Lubrizol, Bolloré and Co » qui a acquis depuis quatre ans une certaine expertise et habitude, hélas, pour faire face dans l’agglomération rouennaise à ce type de catastrophe, dont les capitalistes industriels sont responsables (qu’ils soient les multinationales de la chimie ou de l’amiante) et qui sont couverts par les pouvoirs publics. À noter que dans le dossier « Pépinières Saint-Julien » la préfecture est totalement aux abonnées absentes, arguant que le sinistre a eu lieu sur un territoire municipal alors qu’elle aurait dû diriger les opérations car les dégâts de l’incendie touchent d’autres communes de l’agglomération. Tant pis pour les riverains obligés de se loger à leur frais dans des hôtels parce que leur logement était devenu irrespirable, tant pis pour le personnel de l’éducation nationale obligé de travailler sans matériel pédagogique dans des locaux inadaptés, tant pis pour tous ceux qui ont respiré de l’air pollué, l’Agence régionale de santé n’a pas mis en place de registre sanitaire… L’État détourne le regard alors que des mesures d’urgence seraient nécessaires. L’argent pour les financer, on devrait évidemment aller le chercher dans les caisses des grandes entreprises qui ont produit et vendu de l’amiante pendant des décennies malgré son danger mortel avéré ! Des plaintes contre X pour mise en danger de la vie d’autrui vont être déposées dans les semaines qui viennent par les riverains regroupés dans le collectif naissant autour des Pépinières. Toutes celles et ceux qui vivent et travaillent dans l’agglomération rouennaise qui se sentent touchés de près ou de loin (notamment par le préjudice d’anxiété) doivent aussi le faire. C’est un des moyens pour ouvrir le droit à des indemnisations dans le futur mais aussi pour faire en sorte que l’enquête pénale s’intéresse au sort des milliers de victimes potentielles de cet incendie. Et aussi, bien sûr, que puisse être établies clairement les responsabilités du bailleur Rouen-Habitat et de la municipalité rouennaise.

Marie Darouen