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17 octobre 1961 : quand le terrorisme d’État s’abattait en France

Il y a 62 ans, la police française assassinait entre 200 et 300 Algériens à Paris, ou peut-être plus : leur nombre exact n’a jamais été ni connu, ni reconnu. La violence se déchainait contre une population à qui était reproché en bloc le terrorisme de sa principale organisation, le Front de libération nationale (FLN), qui combattait pour l’indépendance de l’Algérie.

Une violence policière légitimée pour donner des gages à l’extrême droite

En 1961, la guerre d’Algérie touchait à sa fin. Elle avait déjà causé la mort de 500 000 à un million de personnes, dont 25 000 soldats français, et l’armée française se montrait incapable de l’emporter face à la détermination du peuple algérien. Le gouvernement s’était résigné à engager des négociations avec les représentants du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et à organiser un référendum pour l’autodétermination le 8 janvier 1961.

De Gaulle, venu au pouvoir à la suite du coup d’État d’Alger du 13 mai 1958, était décidé à mettre fin à cette guerre trop coûteuse. Mais il lui fallait donner des gages à l’armée et à la police, gagnées à l’extrême droite des « ultras d’Alger ». Ces derniers représentaient les intérêts d’entreprises coloniales et certains secteurs de l’armée qui ne voulaient pas entendre parler d’indépendance et avaient formé une organisation armée fasciste, l’Organisation armée secrète (OAS), qui menait des attentats contre les Algériens et des personnalités favorables à la paix.
Toute latitude était donc offerte à la police pour semer la terreur parmi ceux que l’on appelait les « musulmans d’Algérie ». La police se livrait régulièrement à des descentes dans les cafés et hôtels fréquentés par des Algériens qu’elle traitait avec la plus grande brutalité. Les ratonnades, brimades, rafles étaient quotidiennes. La torture sévissait dans les commissariats.
Le FLN répliquait alors par des attaques contre des commissariats, des harkis jouant les supplétifs de la police et des policiers identifiés comme tortionnaires. Pour éviter ces représailles, la préfecture avait d’ailleurs autorisé les policiers à ne plus porter leur matricule sur leur uniforme.

Lorsqu’un couvre-feu est instauré, « conseillant » aux Algériens de ne pas sortir entre 20 heures 30 et 5 heures 30, le FLN décide d’organiser une grande manifestation de protestation le 17 octobre. La manifestation doit défiler pacifiquement sur les grands boulevards entre 18 et 20 heures. Le FLN interdit strictement d’y apporter des armes. Cela n’empêchera pas la police de lâcher toute sa haine raciste. Fusillades, matraques, coups, torture s’abattent sur les manifestants, qui sont arrêtés et entassés au palais des sports de Paris place de la Porte-de-Versailles, au stade Pierre-de-Coubertin et dans d’autres lieux où les tabassages se poursuivent sur plusieurs jours. Le nombre officiel d’arrestations atteindra 11 500 sur 30 000 à 40 000 manifestants. Les morts et des blessés sont jetés à la Seine.

Des décennies de déni

Le nombre de morts n’a jamais été établi de manière incontestable. Une chape de plomb tombe sur les événements et le massacre. Le gouvernement, de Gaulle le premier, couvre les agissements de la police. La presse dénonce « de violentes manifestations nord-africaines emmenées par des tueurs » qui auraient tiré sur les forces de police. Pour le journal Le Monde : « C’est le terrorisme musulman qui porte la responsabilité de ces drames. » La presse de gauche, L’Humanité et Libération, dénonce timidement la violence policière mais sans en mesurer l’ampleur et s’excuse de n’en dire plus en raison de la censure.

Les syndicats policiers montent immédiatement au créneau pour réclamer l’impunité policière. Aucun policier ne sera effectivement inquiété.

Il faudra près de vingt ans pour que les événements sortent de l’ombre, grâce notamment aux recherches de Jean-Luc Einaudi, éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse et militant maoïste, ou encore le roman de Didier Daeninckx, Meurtres pour mémoire.

L’État français n’a jamais reconnu l’ampleur de ce massacre et a immédiatement verrouillé l’accès aux archives de la police qui auraient permis de dévoiler le crime d’État. C’est pour cette reconnaissance, l’accès aux archives et l’enseignement des crimes coloniaux à l’école que de nombreuses associations, syndicats et partis appellent à un rassemblement chaque 17 octobre.

Maurice Spirz