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Macron et la langue française : le choix du roi

Le 30 octobre dernier, Macron inaugurait à Villers-Cotterêts, dans l’Aisne, la Cité internationale de la langue française. Le lieu n’a pas été choisi au hasard : il s’agit du château, restauré pour l’occasion, où le roi François Ier, en 1539, a signé la célèbre ordonnance de Villers-Cotterêts imposant que tous les actes officiels ne soient plus rédigés en latin, mais en « langage maternel français ». Un symbole national… et royal comme les aime Macron. Mais Villers-Cotterêts est aussi une petite ville de cette France du Nord dont le président est originaire et où le RN fait des scores élevés – la mairie y est tenue par un élu RN –, l’objectif avoué de la présidence étant la « reconquête » de ce territoire.

Fidèle à son habitude, Macron a joué du « en même temps », comme l’a relevé la linguiste Laélia Véron1 : le français est à la fois la langue de la « nation » et celle de la francophonie, la langue de la colonisation et celle de l’émancipation des colonisés, langue diverse mais « une et indivisible »(mais qui décide alors ? la très française et conservatrice Académie ?). Et Macron d’aller jusqu’à chanter la liberté de cette langue « buissonnière », tout en prenant parti contre l’écriture inclusive : « Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y rajouter des points au milieu des mots ou des tirets ou des choses pour la rendre visible. » Comme si l’avis du président pouvait avoir une quelconque pertinence scientifique… ce qu’il croit sans doute, et tant pis si les scientifiques ne sont pas d’accord2 !

Or le soir même, le Sénat examinait une proposition de loi visant à interdire l’écriture inclusive. Un cheval de bataille pour la droite et l’extrême droite, dont certains membres prétendent se soucier des élèves souffrant de troubles « dys », à l’école, et des mal-voyants3 ! Il s’agit surtout d’une façon de faire peur à l’électorat conservateur – celui qui tient à ses règles de grammaire, et puisqu’il a appris à l’école de la République que le masculin l’emportait sur le féminin, pourquoi cela devrait-il changer !

Ce combat d’arrière-garde ne coûtera pas cher, ni à Macron ni aux sénateurs, en tout cas moins cher que de s’attaquer à l’illettrisme. Selon l’Insee, 16 % de la population connaîtrait des difficultés dans les domaines fondamentaux de l’écrit4. C’est assez ironique, quand on sait que l’ordonnance de Villers-Cotterêts, il y a presque cinq siècles, visait à rendre intelligibles les décisions de justice auprès de sujets de sa majesté ! Mais ni Macron, ni aucune autre vieille barbe prétendant défendre la langue, ne se préoccupent du sous-effectif catastrophique dans l’Éducation nationale, des difficultés croissantes de recrutement de personnel enseignant et périscolaire, du sort des établissements d’éducation prioritaire ou du budget des écoles déjà trop faible et grignoté par l’inflation. L’hémisphère droit de leur cerveau ne semble pas inclusif pour ce genre de problèmes !

Aldo Battaglia

 
 

1 Sur sa page Facebook.
2 « Langage inclusif : pour le cerveau, le neutre n’est pas neutre », en ligne sur le site du CNRS.
3 Victoire Lemoigne, « Peut-on (vraiment) interdire l’écriture inclusive ? », Le Figaro, 1er novembre 2023.
4 Voir sur le site du gouvernement.