Que font les directions des syndicats au sujet de la préoccupation numéro 1 des travailleurs, à savoir les bas revenus et bas salaires ? Poser la question, c’est y répondre… Les « conférences sociales » avec le gouvernement (la dernière est passée totalement inaperçue !), les centaines et centaines de réunions avec les patrons, chacun de son côté, boîte par boîte, ça, il y en a à foison. Mais des appels à la grève, à une mobilisation d’ensemble, à des assemblées générales et à des manifestations sur la question la plus fondamentale : que dalle !
Pourtant le gouvernement est à la peine. Il cherche à calmer la colère en balançant quelques miettes, notamment pour les fonctionnaires, entre autres cette « prime de pouvoir d’achat » au mois d’octobre que très peu ont touchée en totalité et surtout qui sera évidemment vite retirée puisque le gouvernement a décidé que les prix avaient « cessé d’augmenter » !
Il est pourtant évident que si les directions syndicales utilisaient leurs moyens pour exiger une augmentation des salaires, pensions et minima sociaux de l’ordre de 400 ou 500 euros, pour un salaire de 2 000 euros net minimum et pour une augmentation automatique des salaires en fonction de l’inflation ; si elles encourageaient à la lutte, cela rencontrerait indéniablement un écho, et cela permettrait de regrouper les forces de notre classe, au-delà des barrières entre entreprises, entre secteurs, entre travailleurs avec ou sans emplois… Si ces directions ne le font pas, c’est un choix, celui de ne pas taper là où ça ferait vraiment mal à l’adversaire. C’est la même passivité complice que sur la Palestine ou sur les meurtres racistes de cet été : surtout ne rien faire qui puisse déstabiliser Macron et ses amis patrons !
La mobilisation sur les retraites a montré qu’il était possible de créer un mouvement social rencontrant l’adhésion majoritaire de l’opinion. Et ce n’est pas un hasard si le cartel des directions syndicales qui l’a dirigé a soigneusement évité de conjuguer la lutte sur les retraites avec celle pour les salaires, deux luttes qui se sont menées pour l’essentiel en parallèle l’une de l’autre. Un tel cocktail aurait dangereusement augmenté les risques d’explosion sociale.
On ne peut prétexter que les travailleurs et travailleuses ne se sentiraient pas concernés : des centaines de grèves ont été déclenchées ces dernières années pour des augmentations de salaire. Une partie non négligeable de ces conflits a arraché des primes voire des augmentations. Celles-ci se sont avérées rarement à la hauteur de ce qui serait nécessaire, ni même à la hauteur des objectifs fixés par les grévistes eux-mêmes. Mais si ces victoires partielles prouvent que la lutte paye, l’exemple de la lutte dans l’automobile aux USA (voir page 9) montre qu’il est possible d’organiser l’épreuve de force à l’échelle de milliers et de milliers de salariés, contre des patrons parmi les plus puissants du monde. Les grèves insurrectionnelles menées actuellement par des milliers de travailleurs et travailleuses du textile au Bangladesh, qui réclament la multiplication par trois de leur salaire sont un autre exemple d’une possible généralisation de la lutte sur cette question vitale.
Il faut mener campagne pour nos salaires, avec les directions syndicales si elles s’y décidaient, mais sans elles si nécessaire ! L’actualité est de plus en plus brûlante.
Hakim Guessou
(Article paru dans Révolutionnaires, numéro 7, novembre 2023)