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La Françafrique ébranlée, mais pas la main basse des puissances impérialistes sur l’Afrique

L’« épidémie de putschs » continue en Afrique de l’Ouest et centrale. Après le Niger, au tour du Gabon d’Ali Bongo renversé par le commandant de sa garde personnelle. Cinq coups d’État en trois ans dans les anciennes colonies françaises dotées de régimes fidèles de l’impérialisme français. Et après le Mali et le Burkina Faso, le Niger exige à son tour le retrait des troupes françaises. C’est ballot pour un pays qui devait être la nouvelle place forte de l’armée française au Sahel ! Le mépris de Macron – « on vit chez les fous ! », aurait-il déclaré devant des ambassadeurs – ne suffit pas à cacher une forme de panique en haut lieu. Que se passe-t-il au royaume pourri de la Françafrique ?

L’impérialisme français pris pour cible ? Une colère plus que légitime !

La France s’offusque de ces coups d’État et ressort la vieille carte de la « défense de la démocratie ». Certains perdent la mémoire avec la chaleur… aidons-les : n’est-ce pas Emmanuel Macron qui se trouvait en 2021 aux funérailles d’Idriss Déby, dictateur du Tchad arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1990, sauvé par les avions de chasse français il y a quatre ans et dont la France constitue l’assurance vie du régime depuis toujours, contre le fait d’être le gendarme de la région ? Lui qui a adoubé par la même occasion le fils Déby, général de son état, et approuvé son coup d’État pour prendre la succession de son père. L’uniforme militaire sent moins le souffre quand il est garant des intérêts français !

Dernier prétexte en date pour maintenir la mainmise de la France sur ce qu’elle considère son « pré carré » : la guerre « contre le terrorisme » qui a légitimé l’envoi de soldats français au Sahel depuis 2013. Une guerre avec son lot d’exactions, qui renforce le terreau sur lequel groupes terroristes ou autres milices armées se construisent pour opprimer les populations sur place, prises en étau au milieu des affrontements. Et sous couvert d’une intervention de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), c’est aujourd’hui d’une nouvelle guerre que Macron menace la population nigérienne (sans que personne ne soit prêt à le suivre, il est vrai). Une guerre prétendument pour rétablir la « stabilité » ? Mais quelle « stabilité » ? Celle de régimes à la botte de l’impérialisme, qui affament les populations locales pour enrichir les poches des dictateurs locaux, et surtout de la bourgeoisie internationale.

Et en la matière, l’ancienne puissance coloniale française et ses entreprises restent plus que bien placées. L’extraction au Gabon du manganèse ? Eramet ! La bière servie partout sous de prétendues marques locales ? Castel ! Le pillage de l’uranium nigérien ? Orano (ex-Areva) ! Quant à Total, après avoir allègrement exploité le golfe de Guinée, la multinationale lorgne maintenant sur les richesses naturelles de l’Ouganda à travers son mégaprojet pétrolier EACOP. Ce qui provoquera le déplacement de plus de 100 000 personnes et la destruction de l’environnement local. Tout cela avec le soutien appuyé de l’autocrate Museveni – au pouvoir depuis 1986 – et main dans la main avec l’ambassade française locale… remplie d’anciens salariés de Total. Et si Bolloré a vendu en 2022 ses ports et infrastructures en Afrique à un armateur italo-suisse, le groupe part avec les poches alourdies de la bagatelle de 5,9 milliards d’euros : un montant qui laisse imaginer la taille des profits réalisés pendant des années.

Quand Catherine Collona, la ministre des Affaires étrangères, déclare que la « Françafrique est morte depuis longtemps » et que la colère contre la France ne serait qu’une « tentation populiste », la ficelle est grosse… Bien au contraire, cette colère est plus que légitime. Disons-le haut et fort : troupes françaises, hors d’Afrique !

En finir vraiment avec la Françafrique et l’impérialisme !

Les militaires désormais au pouvoir au Niger, à l’instar de leurs homologues au Mali ou au Burkina Faso, cherchent aujourd’hui à prendre la tête de cette colère contre la France et les dictatures corrompues pour légitimer leur coup de force. Mais ceux qui se parent aujourd’hui des habits du changement sont ceux qui hier encore étaient les hommes forts de ces régimes détestés. Ils restent des garants fidèles de l’ordre social et de la domination impérialiste sur place… quitte à chercher l’appui d’un autre maître que l’ancienne puissance coloniale. Si la Russie ou la Chine cherchent à pousser leurs pions sur place, les États-Unis, eux, y ont déjà leurs troupes, avec plus de 1 000 hommes au Niger, en plus des 4 000 à Djibouti, leurs deux principales bases en Afrique. Dans ce grand Monopoly impérialiste et ce rabattage des cartes, alors que les dirigeants français criaient au putsch, Victoria Nusland, secrétaire d’État adjointe de la diplomatie américaine, s’est pour sa part rendue dès le 6 août à Niamey rencontrer le numéro deux du pouvoir putschiste nigérien, le général Moussa Salaou Barmou, formé aux écoles supérieures d’officiers… aux États-Unis.

Même déstabilisé, l’impérialisme français n’est pas encore « dégagé » d’Afrique : il n’aura probablement pas grande difficulté à s’accoquiner avec le général Oligui Nguema tant celui-ci incarne la continuité du « système Bongo » au Gabon. Et la France garde des alliés fidèles – de Paul Biya au Cameroun à Mahamat Idriss Déby au Tchad – et, tout en jurant à « la fin de la Françafrique », cherche d’ores et déjà à repositionner ses troupes d’un pays à l’autre.

Pour changer réellement leur sort, les travailleurs de la région auront besoin de bien autre chose que de pseudo sauveurs en treillis militaire ou d’un nouveau maître impérialiste. Les exploités d’Afrique de l’Ouest et centrale devront prendre eux-mêmes leurs affaires en main et compter sur leur propre force collective : un combat de nos frères et sœurs de classe qui est aussi le nôtre.

Boris Leto

 

 

(Article paru dans Révolutionnaires numéro 5, septembre 2023)