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Hongrie : face à une attaque frontale, les profs ne se laissent pas faire

En France, le gouvernement de « démocratie illibérale » de Viktor Orbán est surtout connu pour son rôle de garde-frontière impitoyable de l’Union européenne, pour ses attaques incessantes contre les libertés démocratiques et les droits des minorités de tout genre : immigrés, LBGT, Roms. Mais il s’est aussi distingué ces dernières années vis-à-vis du patronat européen par la destruction patiente de tout ce qui pouvait ressembler à des droits syndicaux ou du travail. Dernière attaque en date : une réforme brutale du statut et des conditions de travail des professeurs.

Droit de grève, surcharge de travail, flexibilisation : tout y passe !

Depuis décembre, cette réforme suscite des résistances importantes parmi les jeunes et les professeurs. Et pour cause ! La réforme prévoit tout d’abord un changement de statut lourd de sens : de fonctionnaire, les professeurs passeront à un statut similaire à celui de policier… qui n’est pas soumis au droit du travail.

D’autres mesures « flexibilisent » au maximum l’organisation du travail : réduction du pourcentage de contrats à plein temps à 50 %, pour remplacer le reste par des étudiants en formation et des contrats à temps partiel, pendant que les enseignants à plein temps voient leur charge de travail potentielle exploser. La durée de l’année scolaire passe de 180 jours maximum à… 180 jours minimum, le nombre de cours de remplacement non-refusables triple, les horaires maximums de travail passent à 12 heures par jour, le plafond des effectifs par classe est supprimé et les enseignants pourraient être « réquisitionnés » sur des tâches ou des remplacements le dimanche ou durant leurs vacances. Cela est couplé à une autonomie plus grande des écoles en termes de rémunérations, de plus en plus dépendantes de tâches ou charges supplémentaires. Le résultat : des salaires qui pourraient aller du simple au triple (sans compter les critères d’ancienneté), et ainsi renforcer la concurrence entre collègues.

Le dernier volet de la loi concerne les libertés individuelles et le droit de grève. Ce droit de grève des enseignants hongrois est fortement entravé par un « service minimum » obligatoire de plus en plus contraignant, dont le non-respect est qualifié de « désobéissance civile ». Dès lors, en cas de grève (ou de « désobéissance civile »), les journées ratées pourront être rattrapées en allongeant l’année scolaire, et les élèves peuvent être déplacés dans une école non-gréviste. De plus, les portables et ordinateurs personnels des profs pourront être soumis à des fouilles de routine, et les enseignants perdre le droit de s’exprimer négativement sur le ministère de l’Éducation, y compris en privé (un « droit de réserve » anti-démocratique et liberticide… qui correspond exactement à celui en place, théoriquement, en France).

Des mois de bras de fer « profs et jeunes contre le gouvernement »

Les professeurs n’ont pas attendu l’annonce officielle de la réforme pour s’insurger contre leurs conditions de travail. Fin octobre, des milliers d’enseignants ont manifesté, essentiellement pour protester contre les salaires misérables : le salaire moyen dans le secondaire est de 950 euros, environ au même niveau qu’un caissier de supermarché. Pas pour dire que ces derniers devraient gagner moins que les profs, mais pour dire que toutes et tous devraient avoir un salaire au moins double. Il s’en est suivi un cycle de répression tout au long du mois de décembre : des enseignants étaient licenciés ou menacés pour cause de « désobéissance civile », révocations auxquelles ont répondu des grèves éparses et plusieurs grandes manifestations. La présentation officielle de la réforme, en mars, a relancé cette mobilisation. Le 24 avril notamment, des milliers d’enseignants ont défilé dans les rues de Budapest, soutenus par une présence massive de jeunes. Rebelote le 3 mai, avec dans les deux cas des échauffourées entre police et manifestants devant le bureau de Viktor Orbán. Notamment pour les jeunes, l’opposition à cette réforme cristallise tout le rejet de la politique raciste, liberticide et anti-ouvrière du gouvernement du parti politique d’Orbán, le Fidesz.

Ce sont essentiellement des organisations étudiantes qui ont appelé à ces manifestations et les ont déclarées. Les deux principaux syndicats d’enseignants, le « Syndicat des pédagogues » (PSZ) et le « Syndicat démocratique pédagogique » (PDSZ) privilégient les négociations. Peu combatifs et mal organisés, ils ont laissé la place à d’autres formes d’organisations, notamment sur les réseaux sociaux, mais malgré les efforts de militants combatifs, la coordination des actions, débrayages, sit-ins et manifestations éparses qui continuent à se tenir s’est révélée une tâche compliquée.

Le gouvernement lâche des miettes

La réforme prévoyait aussi d’allonger le préavis en cas de démission – nombreuses tellement les conditions se dégradent. Un professeur voulant démissionner pouvait se voir imposé un préavis de six à huit mois, l’obligeant de fait de continuer le travail jusqu’à la fin de l’année scolaire. C’est le seul aspect où le gouvernement a été forcé à un mince recul : le préavis prolongé a été abrogé, et les professeurs qui démissionnent pourront profiter des quelques avantages accumulés dans la fonction publique (alors qu’avec le changement de statut, ceux-ci disparaissent). Pour les professeurs poussés à la démission par un boulot pourri, la chute sera un peu moins douloureuse… Pas de quoi calmer la colère des profs en tout cas, qu’ils veuillent démissionner ou non !

Les deux principaux syndicats se réjouissent « qu’avec chaque amendement, nous retournons davantage vers les anciennes lois »… S’il y a en effet de quoi se réjouir, c’est que ces petits reculs montrent que la résistance des profs mobilisés dérange bien le gouvernement. Et que ce n’est pas en négociant des amendements, mais en la maintenant et en la renforçant que les enseignants pourront repousser cette attaque !

Dima Rüger et correspondants, 20 mai 2023

 


Amen pour les Molotov fascistes

La présidente hongroise, fidèle soutien d’Orbán, a décidé que la visite du pape fin avril « présentait une occasion particulière pour exercer sa grâce présidentielle ». Mais qui donc gracier ? Son choix s’est porté sur György Budaházy. Pourquoi cet honnête homme, ainsi que ses sept camarades également libérés – celui qui est pris avec les larrons est gracié avec… – était-il donc derrière les barreaux ? Il avait été condamné pour une série d’attaques au cocktail Molotov sur les locaux des partis sociaux-démocrates et libéraux, ainsi que sur le domicile de politiciens « de gauche », sur une boîte de nuit et deux bars LGBT, et enfin pour avoir tabassé et grièvement blessé un politicien dit socialiste.

Condamné d’abord à 17 ans, puis à 6 ans, il aura finalement cumulé moins de 3 ans avant de quitter le tribunal sur un cheval et se rendre au troquet le plus proche. Entre le Vatican, l’Allemagne des années 1930, et le Wild West, l’homme a le sens de l’image… On craint que les travailleurs et jeunes qui luttent contre les attaques d’Orbán n’aient, eux, ni bénédiction papale, ni grâce présidentielle !