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Annonces de Gabriel Attal : toujours plus de tri social, de mépris et de libéralisme !

Gabriel Attal a annoncé à la presse son programme concernant le collège le 5 décembre. Des annonces prévues de longue date, résultat de sa mission « Exigence des savoirs » décidée début octobre 2023, mais aussi pour allumer un contre-feu au dernier classement international des systèmes éducatifs « Pisa », où la France a encore baissé.

Il a envoyé le même jour un courriel à tous les enseignants : « c’est à vous que je m’adresse d’abord, à vous que je fais mes annonces… » Si quiconque attendait quelque chose de ce ministre très zélé à mettre en œuvre les prescriptions de Macron, c’est raté ! Ou plutôt, c’est gratiné tellement c’est à côté de la plaque et profondément réac !

Redoublement et groupes de niveaux : stigmatisation et tri social !

Pour satisfaire aux revendications des secteurs les plus réactionnaires des salles des profs qui réclament le « retour de l’autorité » à l’école, Attal annonce que le redoublement ne sera plus soumis à l’accord des familles. Le problème du redoublement, c’est que son efficacité est très discutable. D’autant plus qu’aucun moyen supplémentaire n’est annoncé pour faire que ces redoublements se passent bien : au contraire, Attal annonce de nouvelles suppressions de postes ! En France, le pourcentage des élèves scolarisés dans des établissements touchés par le manque de postes est passé de 17 % en 2018 à… 67 % en 2022, selon les chiffres de l’OCDE elle-même.

Du coup, Attal dit qu’on proposera (à la place du redoublement, c’est sous-entendu) des stages de remise à niveau pendant les vacances… une des marottes actuelles, qui fait partie du « Pacte » (la rémunération supplémentaire pour du travail en plus !) et dont il écrit que la rémunération sera augmentée.

Rien de nouveau sous le soleil donc !

Par ailleurs, les groupes de niveau en français et en maths pour les sixièmes et les cinquièmes (avant d’être poursuivi pour les quatrièmes et les troisièmes) seront désormais la règle, avec trois niveaux : bon, moyen et faible. Attal dit s’appuyer sur les résultats de la recherche et sur le fait que 80 % des enseignants qui ont répondu à la consultation en ligne organisée par le ministère (pas tous les enseignants donc !) ont dit que la trop forte hétérogénéité des classes freine la capacité à faire progresser tout le monde. Des affirmations totalement mensongères, contredites par la plupart des études, y compris celle de 2003 sur laquelle prétend s’appuyer Attal, qui ne parlait que de « groupes de niveaux provisoires pour un besoin spécifique », avec notamment l’objectif de permettre aux plus forts de coopérer avec les plus en difficulté.Au contraire, comme dit l’enseignant-chercheur à l’université Paul-Valéry de Montpellier Sylvain Connac : « Les groupes de niveaux, cela marche super bien pour les meilleurs, mais pour les plus fragiles, c’est la meilleure façon de les enfoncer. »

C’est en réalité le durcissement du tri social dès le collège. Car il faut rappeler que, selon les études de l’OCDE, en France, un élève issu d’un milieu défavorisé a dix fois plus de chances de se retrouver en difficulté qu’un élève de milieu favorisé. Pour ces élèves donc, ce sera davantage d’heures de maths et de français… mais au détriment des autres disciplines, dans lesquelles ils n’auraient pas la totalité des heures de cours dispensées ! Lire, écrire et compter : voilà qui suffit quand vous êtes destinés à des boulots considérés comme peu qualifiés, mais où l’exploitation est forte !

Sans parler de l’effet désastreux de la destruction du groupe classe que la réforme du lycée a pourtant amplement démontré (et ce, alors que les lycéens sont plus âgés) : le cadre de la classe est un repère important pour les jeunes. Désormais, ils ne seront pas avec les mêmes élèves suivant les cours.

L’idéologie libérale est à l’œuvre : chaque individu est isolé face à l’État, aux institutions, ici l’école, et les collectifs sont cassés. Chacun est responsable de sa réussite, scolaire ou autre…

Toujours plus de pression à l’évaluation et aux examens

Le diplôme national du brevet doit devenir pour Attal un examen auquel la réussite conditionne la poursuite d’études. Un changement complet de la nature de cet examen. Désormais, il sera impossible d’accéder au lycée, général ou professionnel, sans ce diplôme. Les élèves recalés seront envoyés dans des classes « prépa lycée », dont on ne sait même pas où seront leurs locaux, alors que les établissements sont déjà saturés. Et comme les procédures d’affectation donneront la priorité aux sortants de troisième, il n’y aura aucune garantie pour la suite : il y a fort à parier que l’apprentissage sera la porte de sortie pour les élèves de ces classes.

Au lycée, comme s’il n’y avait pas déjà assez de pression avec le contrôle continu, Parcoursup et les examens, Attal souhaite ajouter une épreuve de bac anticipée de mathématiques et sciences, en fin de classe de première, dont le contour est très flou. Évidemment, pour Attal, il ne s’agit surtout pas de donner des moyens aux établissements pour enseigner les maths, comme les autres disciplines, dans de meilleures conditions…

Et au cas où nous aurions des doutes sur l’efficacité de ces mesures, la réponse fuse : tous les élèves de seconde disposeront très rapidement de l’aide de l’intelligence artificielle grâce à un logiciel (français !) de remédiation ou d’approfondissement en français et en maths ! Le face-à-face prof-élève, le travail collectif dans la classe, tout cela compte peu pour les technocrates du ministère.

Caporalisation pédagogique à tous les étages

Depuis Blanquer, les prescriptions pédagogiques ne cessent de pleuvoir sur les enseignants. Après la dénonciation de mauvaises méthodes d’apprentissage de la lecture, c’est maintenant la labellisation des manuels scolaires qui arrive. Ils devront être labellisés, c’est-à-dire répondre aux marottes des instances pédagogiques qui ont été mises sous tutelle ministérielle.

De même, c’est la méthode dite de « Singapour » en maths qui devra être appliquée partout, Singapour ayant les meilleurs résultats en maths au classement Pisa. Une méthode fondée sur l’expérience ? Pourquoi pas ! Mais pas exclusivement. Car il s’agit bien de la liberté pédagogique : celle de tester des méthodes différentes, de les mixer. Pas de devoir appliquer aveuglément des méthodes supposées miraculeuses ! D’autant qu’il faut noter que Singapour est aussi un pays dans lequel la pression à la réussite scolaire est énorme et où les cours particuliers sont nombreux…

Le personnel de l’éducation sait de quoi il a besoin

Attal joue la démagogie dans son courriel, en flattant les secteurs les plus réactionnaires, et en utilisant la flagornerie la plus basse (« chaque jour vous accomplissez des miracles »).

En réalité, chaque jour, les enseignants et enseignantes travaillent dans des conditions toujours plus difficiles, dans des locaux dégradés voire insalubres, avec des classes surchargées, et des injonctions contradictoires incessantes sur les programmes et les examens.

Alors, face à ces mesures toujours plus antisociales et réactionnaires, il va falloir se mobiliser à la hauteur, aux côtés des élèves et des parents, pour imposer au contraire des moyens décents pour travailler et étudier, des embauches de personnel, et aussi de véritables hausses de salaire, sans contreparties !

Liliane Laffargue