Alors que le bras de fer contre les constructeurs a commencé mi-septembre, ce sont près de 30 000 salariés de l’automobile qui sont en grève pour une hausse des salaires et une amélioration des conditions de travail. Certes, ce n’est qu’une partie des 146 000 syndiqués de l’UAW qui ont voté pour, car le syndicat qui dirige le mouvement le restreint encore à certains sites « stratégiques »… pour appuyer les négociations avec les patrons des « Big Three » (Stellantis, General Motors et Ford) en modulant la grève selon l’avancée des discussions. Chaque vendredi, le dirigeant du syndicat, Shawn Fain, remercie le PDG le plus conciliant en limitant l’impact de la grève dans son entreprise pour la semaine suivante… Mais ces manœuvres au sommet n’enlèvent rien à l’ampleur du mouvement, et c’est bien cela qui marque les esprits sur les sites automobiles de ce côté de l’Atlantique.
Malgré le manque de couverture médiatique, de nombreux salariés de l’auto se retrouvent dans cette lutte contre l’inflation. On sent le soutien sincère et l’admiration.
Mais les « C’est super ! Ils ont raison ! », s’accompagnent parfois de « Là-bas au moins, ça bouge », comme si une telle lutte était impossible ici. Entre autres explications : « trop de syndicats », comme si la concurrence syndicale était un frein aux luttes. C’est vrai que l’émiettement syndical est parfois exaspérant et que la grève aux États-Unis impressionne par son caractère coordonné. Pourtant, ce n’est pas tant le syndicat unique qui fait la force du mouvement, c’est surtout le fait que des dizaines de milliers d’ouvrières et d’ouvriers sont prêts à se battre. Des syndicats unis ou réunis, ce n’est pas un préalable à la lutte ou la garantie qu’elle peut gagner… D’ailleurs, ce syndicat unique UAW a une longue histoire de collaboration avec le patronat, qui tranche avec la ligne actuelle. Et en France, le mouvement sur les retraites auquel de nombreux salariés de l’auto ont participé a aussi montré les limites de l’unité syndicale.
En tout cas, cette grève américaine massive, synchronisée et déterminée, suscite le débat chez les salariés les plus combatifs. Et elle pourrait alimenter les mobilisations sur les salaires, surtout en cas de victoire éclatante. Imaginons un instant à quoi ressemblerait une telle grève en Europe, en France par exemple : les travailleurs de Renault, Toyota et Stellantis enfin ensemble pour 10 % de hausse des salaires, ou plutôt 400 euros pour tous, une coordination de la grève, des manifs et des actions tous les jours… et Macron obligé de venir avec un mégaphone soutenir les ouvriers en grève, pendant que Zemmour viendrait s’adresser au prolétariat arabe et africain de l’automobile. Ce n’est pas parce que ça se passe aux États-Unis que c’est de la science-fiction !
Branche automobile du NPA
(Article paru dans Révolutionnaires numéro 6, octobre 2023)