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Kissinger : la mort d’un criminel de guerre

Henry Kissinger en 2009, photo de _Shankbone, source : wikimedia

 

Kissinger est mort à 100 ans, un âge bien avancé que malheureusement tous les enfants morts sous les bombes qu’il a envoyées partout dans le monde n’auront pas eu le luxe d’atteindre. Comme le rappelle le magazine Rolling Stones dans un article nommé Henry Kissinger, le criminel de guerre bien-aimé de la classe dirigeante américaine, décède enfin, la politique menée par Kissinger lorsqu’il était à la tête de la diplomatie américaine a abouti à la mort de plus de trois millions de personnes dans le monde. Présenté par la presse comme le stratège de la guerre froide, c’est en effet dans ce cadre qu’il a impulsé des guerres pas du tout froides afin de défendre, face à la prétendue menace communiste, la domination géopolitique des États-Unis permettant de garantir la défense des intérêts des capitalistes, en particulier américains, dans le monde entier.

Pendant la guerre du Vietnam, Kissinger a notamment contribué à saper le processus de paix entamé en 1968 à la Conférence de Paris où étaient assis à la table de négociation les représentants de Hanoî (Nord Viêt Nam), de Saïgon (Sud Viêt Nam), du Front national de libération et du gouvernement américain. Devenu conseiller à la Défense de Richard Nixon nouvellement élu, il impulsa la politique de « vietnamisation » de la guerre, l’armée américaine continuant en réalité à entraîner et armer celle du gouvernement de Saïgon. Les pourparlers de Paris et ce prétendu désengagement de l’armée américaine n’empêchèrent pas les dirigeants américains de bombarder en 1972 les digues protégeant, au Nord Viêt Nam , quelque quinze millions de Vietnamiens des crues du fleuve Rouge à la saison des pluies. Cette politique, menée sous la responsabilité de Nixon et Kissinger, prolongea la guerre du Viêt Nam jusqu’en 1975. Et l’armée américaine étendit le champ de bataille au Cambodge et au Laos, considérés comme des bases arrière du FNL. Kissinger fut derrière la décision de déverser sur le Laos et le Cambodge un « tapis de bombes », en particulier de bombes à sous-munition dont l’explosion provoque des morts aujourd’hui encore : « La triste réalité, c’est qu’il [Kissinger] laisse un héritage dont de très nombreux Cambodgiens paient encore le prix », a déclaré Sophal Ear, politologue américain d’origine cambodgienne, cité par le Washington Post du 30 octobre dernier. « Aujourd’hui encore, il y a des gens qui perdent des membres ou la vie en essayant de la gagner dans un pays rempli de bombes. »

Le nom de Kissinger est associé à la répression par le Pakistan des indépendantistes du Pakistan oriental, devenu le Bangladesh en 1971, qui fit plus de trois millions de morts civils et entraîna le déplacement de près de huit millions de réfugiés en Inde. Tout juste en poste au moment de la guerre des Six Jours, il porta l’entière responsabilité de la politique étrangère américaine au moment de la guerre du Kippour en 1973 (Nixon était alors englué dans l’affaire du Watergate qui a abouti à sa destitution), décidant d’organiser un pont aérien pour faire parvenir des armes aux troupes israéliennes en difficulté. Autre grand fait d’armes, il a été derrière la politique américaine au Chili, et ce dès l’élection d’Allende en 1970, lâchant la bride aux services secrets américains qui, c’est de notoriété publique, ont largement aidé à préparer le coup d’État de Pinochet et la répression féroce qui s’est abattue sur la classe ouvrière chilienne et ses organisations.

Tout cela n’a pas empêché Kissinger de se voir attribuer le prix Nobel de la paix en 1973, conjointement à Lê Duc Tho, le représentant du Nord Viêt Nam à la Conférence de Paris, pour la signature d’un accord de paix – un accord bien partiel puisque ne portant que sur l’arrêt de l’intervention directe de l’armée américaine, qui a maintenu un soutien actif à l’armée sud-vietnamienne jusqu’à la chute du régime de Saïgon. Lê Duc Tho, lui, avait eu la décence de refuser le prix, tant il était évident que la paix n’était pas assurée !1

La retraite de Kissinger, sa mort aujourd’hui, n’ont en tout cas pas empêché les fondements de la politique de l’impérialisme américain de demeurer les mêmes, de l’Irak à l’Afghanistan, en passant par le soutien indéfectible actuel aux massacres commis par le gouvernement israélien. Il ne faut donc pas être surpris de l’hommage rendu à un aussi bon représentant de cette politique par Hillary Clinton, Barack Obama et, évidemment, Joe Biden.

Emma Martin

 

 

1 Mais le comité Nobel a pris l’habitude de décerner son prix à des criminels – faut-il rappeler que le dictateur égyptien Sadate et le fondateur du sionisme dit révisionniste, le fascisant Begin, ont aussi été distingués ? Plus récemment, Aung San Suu Kyi, une dirigeante politique birmane, s’était vu attribuer ce même prix en 1991 pour avoir lutté contre la dictature militaire. Las ! Elle a fini par soutenir la politique d’épuration ethnique des Rohingyas par la junte militaire birmane, épuration qui s’est traduite par la fuite de près de 700 000 réfugiés au Pakistan voisin. Il est vrai que, si l’on comptabilise le nombre de morts dont chacun de ces prix Nobel de la « paix » est responsable, Kissinger est grand gagnant.