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« Nous, on a un avenir » – scène vue sur un blocage de lycée…

C’était un matin de la semaine dernière, peu avant la prise des cours, devant un lycée de l’agglomération caennaise. L’établissement, jusque-là épargné par les blocages, se voyait rattrapé par la mobilisation. Échaudés par la répression policière des années précédentes, les lycéens à l’initiative du blocage s’étaient organisés pour avoir le nombre de leur côté.

C’est alors que certains – pas tous, loin s’en faut ! – élèves de classes préparatoires aux grandes écoles, excédés de ne pas bénéficier d’un coupe-file en forme de passe-muraille, entreprennent de passer par-dessus les grilles de l’établissement. L’un d’eux, négligeant le ridicule de sa position, se croit malin d’apostropher les bloqueurs du haut de son perchoir : « Nous, on a un avenir. »

« Nous, on a un avenir » ? C’est l’aveu involontaire que ce n’est pas le cas de tous les autres. Par exemple, les élèves de terminale qui passent lundi 20 et mardi 21 mars leurs épreuves de spécialité. Avec une année amputée de trois mois de cours, soit les programmes – dont l’ambition n’a pas été ajustée au calendrier – ont été survolés, soit ils n’ont pas été entièrement couverts. D’ailleurs, dans au moins 120 lycées, des enseignants sont ce lundi 20 mars en grève des surveillances pour dénoncer les conditions dans lesquelles on les a contraints à travailler et à faire passer ce bac à leurs élèves. Certes, cela n’empêchera pas les épreuves de se dérouler, quitte à laisser les élèves composer dans n’importe quelles conditions. In fine, ParcourSup, qui a remplacé le bac dans la fonction de tri social, se chargera d’éjecter comme l’an dernier des milliers de jeunes, y compris bacheliers, des études supérieures.

« Nous, on a un avenir » ? Encore heureux ! Le ministère dépense en moyenne 15 700 euros pour ta scolarité, jeune étudiant de classe préparatoire. C’est deux fois plus que pour tes camarades lycéens et 60 % de plus que pour un étudiant d’université ! Tu es en fait un privilégié. Et c’est précisément ce privilège d’étudier dans de meilleures conditions que 90 % de ta classe d’âge que tu défends ce matin en jouant à saute-mouton par-dessus la grille de ton établissement.

« Nous, on a un avenir » ? Est-ce si sûr ? Déjà, tu te hasardes à argumenter sur l’augmentation de l’espérance de vie, qui selon toi justifierait qu’on travaille plus longtemps. Tu négliges le différentiel entre l’espérance de vie d’un éboueur et celle de tes parents, dont tu précises – comme si cela donnait plus de poids à ta démonstration – qu’ils sont cadres, et plus encore le différentiel d’espérance de vie en bonne santé. Quant à l’augmentation de la productivité du travail, qui fait de la réduction drastique du temps de travail une possibilité, ou la crise écologique, qui en fait carrément une nécessité pour la survie de la planète, tu n’en as visiblement jamais entendu parler. Tu te contentes, en guise de savoir, de répéter comme un âne – éduqué, peut-être, mais un âne quand même – la propagande des économistes à la solde du pouvoir. Ça n’empêche probablement pas de faire carrière, mais ça n’apprend pas à réfléchir.

« Nous, on a un avenir » : mais quel « avenir » pourrais-tu avoir si la majorité de tes camarades n’en a pas ? Crois-tu que la seule contemplation de ton succès suffira à les dissuader de lutter pour leur avenir à eux ? En vérité, ce serait plutôt l’inverse. Des milliards pour quelques-uns, une vie d’esclave, de plus en plus nombreux, parmi tous les autres : c’est le carburant de toutes les révolutions que ton « avenir » alimente…

Correspondant