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Sri Lanka : un an après, un seul chemin possible, la lutte

Le 14 novembre 2023, la Cour suprême du Sri Lanka a émis son verdict concernant plusieurs membres du clan Rajapaksa (l’ancien président Gotabaya Rajapaksa, ses frères l’ancien Premier ministre Mahinda Rajapaksa et l’ancien ministre des Finances Basil Rajapaksa, ainsi que l’ancien gouverneur de la Banque centrale Ajith Nivard Cabraal) qui a été au pouvoir de façon presque continue depuis plus de vingt ans : ils ont été reconnus coupables de « violation des droits élémentaires de la population ». Mais ce n’est pas tant la répression des manifestations que la mauvaise gestion de l’État provoquant la crise qui aurait motivé la Cour. Il faut savoir que les partis qui soutiennent le clan Rajapaksa sont majoritaires au Parlement. Et les militants se demandent si le clan sera réellement sanctionné et si seront ajoutés à leur condamnation les crimes contre l’humanité (disparitions, massacres, etc.) qu’il a commis.

Un clan au pouvoir renversé en 2022 par le soulèvement populaire

Dans la première partie de l’année 2022, un hartal (soulèvement) a eu lieu au Sri Lanka. La population a occupé des places, des carrefours, saccagé des lieux de pouvoir, etc. Le népotisme et la corruption du clan Rajapaksa ainsi que la cherté de la vie ont été les principaux motifs de cette mobilisation. Si la classe ouvrière a constitué la colonne vertébrale de la « lutte populaire » (« janatha aragalaya »), c’est davantage dans la rue que sur les lieux de travail que s’est jouée la mobilisation. Le fait que les syndicats soient affiliés à des organisations politiques dont certaines soutenaient la majorité gouvernementale l’explique en partie.

Le Sri Lanka est une île de 22 millions d’habitants au large de l’Inde dont les richesses suscitent la convoitise de bien des puissances régionales et mondiales (comme l’Inde, la Chine ou les États-Unis). L’élément déclencheur de ce mouvement social avait été l’incapacité du gouvernement sri-lankais et plus particulièrement du clan Rajapaksa à gérer la crise économique combinant une inflation importante et une crise de la dette. Face à des taux d’inflation de 20 à 50 % pour les produits de première nécessité, à un manque de devises et à une incapacité à emprunter sur les marchés pour importer notamment l’énergie (pétrole), la population qui devait faire des queues de cinq à six heures, voire plus, pour avoir de l’essence, est descendue massivement dans la rue.

Le soulèvement a combiné une occupation de la place Galle Face devant le palais présidentiel à partir du 31 mars 2022 avec plusieurs milliers de personnes portant le slogan « #GotaGoHome » (« Gota1 rentre chez toi ») et des journées de manifestations qui ont été largement spontanées, fruits de la paupérisation généralisée et de la colère contre les Rajapaksa. Mahinda, qui était Premier ministre jusqu’au 9 mai, a été également président de 2005 à 2015 et a dirigé les massacres de l’ethnie minoritaire tamoule dans le nord et l’est du pays (plus de 60 000 morts en quelques mois). Les Rajapaksa sont cités dans les « Pandora Papers » comme s’étant servis dans les caisses de l’État sri-lankais et ayant mis de l’argent dans des paradis fiscaux.

Face à la détermination des manifestants, l’armée a abandonné les Rajapaksa, laissé les manifestants occuper le palais présidentiel le 14 juillet ainsi que d’autres édifices pendant que « Gota » fuyait à Singapour. Mahinda, le Premier ministre, avait déjà également démissionné et été remplacé par Ranil Wickremesinghe dont les bureaux ont aussi été saccagés par la foule. Ranil a ensuite été élu président le 20 juillet par les parlementaires.

Nouveau président, carte de rechange pour le même clan

Ce nouveau président, toujours en place aujourd’hui, est un politicien professionnel qui a été cinq fois Premier ministre dans les 40 dernières années. Au Parlement, il est soutenu par les deux partis de la majorité gouvernementale. Wikcremesinghe a un lourd bilan : en 1983 il faisait partie d’un gouvernement qui a massacré les Tamouls ; en 1989 il a également soutenu le massacre de plusieurs dizaines de milliers de jeunes du Janatha Vimukthi Peramuna (JVP), parti maoïste qui avait tenté un coup d’État. Quand Mahinda Rajapaksa avait perdu le pouvoir en 2015, c’est Wikcremesinghe qui avait été nommé Premier ministre, présenté alors comme l’homme de la réconciliation après les massacres des Tamouls en 2009 et de la « bonne gouvernance » économique libérale. Si le clan Rajapaksa a nommé Wikcremesinghe c’est pour deux raisons : la mobilisation populaire contre les Rajapaksa rendait impossible le maintien en poste de Mahinda et Gotabaya, et Wikcremesinghe est un ami personnel du clan Rajapaksa et sa nomination peut permettre à ces derniers d’éviter la prison pour corruption et violences contre la population.

À peine nommé à la présidence, le 22 juillet 2022, Ranil Wikcremesinghe avait lancé l’armée contre les occupations notamment de la place Galle Face. Il a réussi malgré la détermination des manifestants à faire place nette. Il n’est plus resté à Galle Face que quelques irréductibles. Il faut se rappeler que les gouvernements cingalais récents ont à leur actif des opérations de répression terribles. Selon le Bureau des personnes disparues (Office of Missing Persons) du Sri Lanka mis en place après le conflit de 2009 sous la pression des familles et de la communauté internationale désireuse que son partenaire économique et politique ait une façade plus acceptable, en 2021 il y a toujours au moins 21 374 disparus (ce chiffre a baissé à 14 988 personnes selon le bureau, sans explication). Selon Amnesty International, il y a eu en 2021 dix décès en garde à vue et trente en prison. Les chiffres réels sont probablement beaucoup plus élevés.

Les raisons de la colère

Du point de vue économique, le gouvernement sri-lankais approchait de la banqueroute. Le tourisme, qui apportait beaucoup de devises à l’économie du pays, s’est effondré avec la pandémie. Le gouvernement des Rajapaksa a navigué à vue, empruntant sur les marchés privés pour faire face aux dépenses courantes, liées notamment à l’importation d’énergie (pétrole) et d’engrais chimiques. Le gouvernement s’est même vanté d’être écologiste, car il n’importerait plus d’engrais chimiques, provoquant une crise de la production agricole et une mobilisation paysanne, alors qu’il n’avait en fait plus de devises pour importer quoi que ce soit.

Ce sont ces questions économiques et sociales qui ont été un facteur déterminant dans le soulèvement de 2022. Depuis un ou deux ans, l’inflation a atteint 25 %, et 50 % pour les seuls biens de consommation (blé, pétrole, etc.). Par exemple, fin mai 2022, le pays a failli ne plus avoir d’essence du tout et un créancier inconnu a permis à l’État d’acheter une cargaison de pétrole à la Russie pour 75 millions de dollars, malgré le fait que les alliés du Sri Lanka aient mis en place des sanctions contre l’importation de pétrole russe. Le gouvernement n’a plus de dollars ni de devises et a une dette de 100 % du PIB. Il a dû brader les joyaux de la couronne comme les deux principaux ports : un vendu à l’Inde, l’autre à la Chine. Le détroit entre l’Inde et le Sri Lanka est l’un des endroits les plus passants au monde et les deux ports ramenaient beaucoup de devises. Les États-Unis se battent également pour avoir une part du gâteau. Avant la crise actuelle, le gouvernement sri-lankais avait négocié l’installation d’une zone franche, la Millenial Challenge Corporation (MCC), où les entreprises américaines pourraient s’implanter sans payer d’impôts… alors même que le gouvernement est en cessation de paiement !

La mobilisation avait commencé sur des questions de vie chère avant de se tourner plus directement vers la politique. Depuis quelques années, plusieurs luttes importantes ont eu lieu. Elles ont posé les prémices du mouvement aragalaya, notamment les mobilisations pour les salaires dans les plantations de thé, les grèves d’enseignants du primaire également liées au pouvoir d’achat, les mobilisations des paysans à qui avaient été interdites des importations d’engrais vitales à la production. Le 31 mars 2022, ces mobilisations ont été rejointes par les classes moyennes urbaines sur fond de paupérisation globale de la société avec pour slogan « #Gotagohome ».

Comment s’est organisée la mobilisation ?

La mobilisation a été massive et n’a pas eu de direction politique affirmée. Impliquant de nombreux jeunes et de nombreuses femmes, elle a été en partie organisée par des comités locaux réclamant des aides économiques pour la population, l’abolition de la fonction présidentielle (le président a beaucoup de pouvoir notamment sur l’armée) ou une nouvelle Constitution qui donnerait un rôle politique aux comités locaux. Toutefois, il n’y a pas eu d’organisation centralisée. Les comités locaux organisaient eux-mêmes leurs manifestations au niveau local. De même, il n’y a pas eu de leader manifeste ou de porte-parole identifiable.

Le mouvement s’est revendiqué « sans parti » (« nirpakshika »). Et, de fait, l’appel largement partagé à un « changement de système » pour corriger les défauts structurels du système politique, n’était affilié à aucun parti politique ni à aucune idéologie. Les participants étaient issus du monde étudiant, de divers partis politiques (de gauche et de droite), d’ONG travaillant dans divers domaines comme l’écologie, de militants et de dirigeants de plusieurs syndicats, d’organisations d’agriculteurs, de pêcheurs, de femmes, et d’artistes. En fait, les participants rejetaient tous les partis représentés au Parlement.

Au Sri Lanka, quand on parle de gauche on parle des organisations révolutionnaires, soit ayant une représentation parlementaire comme le JVP, soit des petites organisations extra parlementaires trotskistes (Socialist Party, United Socialist Party, Left Voice) ou maoïstes (Frontline Socialist Party (FSP), scission du JVP). Du fait de leur petite taille, ces organisations ont eu peu de poids.

De leur côté, les syndicats des entreprises du privé sont aujourd’hui liés aux partis bourgeois classiques. Au début, ils ont été méfiants à l’égard de la mobilisation et de son caractère « anarchique » et « désordonné ». Les petits syndicats de gauche (syndicat des employés de banque, enseignants, Ceylon Mercantile Union (CMU) et United Federation of Labor (UFL), au total plusieurs milliers de syndiqués) ont eu plus de sympathie pour le mouvement et l’ont rejoint.

Leur « plan de sauvetage » du nouveau pouvoir

En 2022, à cause de la crise économique, l’économie sri-lankaise autrefois largement étatisée, a été davantage dépecée par les puissances impérialistes. En 1977 l’économie sri-lankaise était principalement étatique et diversifiée (le Sri Lanka fabriquait par exemple son propre acier), mais des partis bourgeois au pouvoir ont mis en place la politique de la « porte ouverte » des privatisations. En 1980, les syndicats sri-lankais ont lancé une grève générale qui a été perdue, puis la gauche a dû faire face à la terreur étatique et à une répression terrible lors de la tentative de prise de pouvoir par les armes du JVP en 1988-1989. Quoiqu’un peu regonflées par les mobilisations des derniers mois, les organisations de « gauche », notamment le JVP et ses organisations affiliées ainsi que sa scission le FSP, sont faibles en raison de la répression mais également du fait des politiques de collaboration de classe qui ont été menées. Sans même parler du chauvinisme anti-Tamouls qui constitue un obstacle essentiel, une partie de la gauche veut travailler avec les partis bourgeois tandis que leurs traditions antidémocratiques issues du stalinisme se maintiennent.

Le gouvernement de Wikcremesinghe, mis en place à la suite de la mobilisation de 2022, et présenté comme celui de la « normalisation » économique, essaie à la fois de négocier avec les créanciers (Inde, Chine, Fonds monétaire international (FMI), Club de Paris) mais en se payant sur le dos des classes populaires. En mars 2023, le gouvernement a négocié un plan « d’aide » au Sri Lanka de trois milliards de dollars avec le FMI contre la création par le gouvernement des « conditions propices à l’investissement », c’est-à-dire des privatisations mais aussi la stabilité politique. La dernière attaque du gouvernement, en juin 2023, contre les classes populaires a été contre les fonds de retraite des travailleurs du privé Employee Provident Fund (EPF) et Employee Trust Fund (ETF), auxquels cotisent travailleurs du privé et employeurs. Ces fonds doivent être utilisés pour rembourser la dette, en les convertissant en bons du Trésor avec un rendement plus faible (ce qui signifie une baisse de 30 % de leur valeur sur quinze ans) alors que les pensions ont déjà été très touchées par l’inflation. D’autres types de bons du Trésor possédés par les riches ne subiront pas une telle dévaluation.

Pour le premier quart de 2023, l’économie s’est contractée de 11,5 %, selon le Bureau du recensement et des statistiques sri-lankais. Le secteur industriel s’est quant à lui contracté de 23,4 %, avec notamment beaucoup de destruction d’emplois dans le bâtiment (un million selon le comité de revue sectoriel). Ces difficultés économiques sont les conséquences des politiques d’austérité. Du point de vue monétaire, la Banque centrale du Sri Lanka a baissé ses taux d’intérêt en mai 2023 (de 16,5 à 14 %) pour encourager l’investissement, mais la crise économique est tellement multiforme que même une baisse importante des taux d’intérêt ne suffirait pas à relancer l’économie.

Faire payer la dette aux travailleurs

En juin 2023, la dette atteignait 101,1 % du PIB, 84 milliards de dollars, la moitié en dette extérieure et la moitié en dette intérieure, dont vingt milliards détenus par la Chine. Le Sri Lanka avait déjà fait défaut sur sa dette en 2022. Des négociations sont en cours avec tous les créditeurs (Ranil Wikcremesinghe demandant une réduction de 30 % de la valeur de la dette extérieure) mais ce qui est sûr c’est que ce sont les classes populaires qui paieront alors que le gouvernement de Ranil Wikcremesinghe soutenu par les Rajapaksa est secoué en permanence par des scandales de corruption.

La réforme de l’EPF et l’ETF va d’abord frapper les travailleurs les plus précaires, les travailleurs des plantations et les ouvriers du textile (un million d’ouvriers du textile au Sri Lanka). Le gouvernement se félicite que l’inflation soit descendue à 12 % (4,1 % pour la nourriture), mais l’année dernière elle avait atteint 70 % (95 % pour la nourriture). Le textile s’est développé après la libéralisation de l’économie en 1977, faisant rentrer plus de 5,6 milliards de devises étrangères par an (notamment des dollars), embauchant un million de salariés, majoritairement des femmes, répartis dans plus de 400 usines. Les productions textiles sri-lankaises, qui exportent principalement en Europe et aux États-Unis, comptent toutes les marques connues : Gap, H&M, C&A, etc. Les travailleurs et travailleuses sont incapables de retrouver leur niveau de vie antérieur à la crise. Beaucoup de jeunes femmes se prostituent pour joindre les deux bouts. Le secteur avait déjà pris un coup lors du Covid. Les travailleurs sont embauchés à la tête du client : ils se massent à l’entrée de la zone franche dès 4 h 30 du matin pour être sûrs qu’un contremaitre les remarquera et les embauchera pour l’équipe de 7 heures. Les militants syndicaux sont harcelés et licenciés. Le trust du textile s’en lave les mains en disant que le secteur est en crise. Comme le dit un travailleur du textile : « Je ne sais pas quel sera mon futur. Je me bats pour rêver à nouveau, mais je dois avant tout trouver mon prochain repas. »

Les universités menacées par le secteur privé

Mais les travailleurs ne sont pas les seules victimes de la libéralisation à marche forcée et de l’austérité. Le Sri Lanka s’est toujours félicité d’avoir un système éducatif gratuit et de qualité. Cependant des réformes réactionnaires mettent à mal cet acquis. À côté du secteur public se sont développées des universités privées. Les universités privées ont des budgets plus importants, ce qui leur permet d’attirer les meilleurs enseignants. Les partisans de l’éducation privée pointent la faiblesse de la recherche dans le public, en oubliant que celle-ci est chroniquement sous-financée. Des rapports de la Banque asiatique de développement (Asian Development Bank, ADB) disent que les enseignants sri-lankais travaillent moins que leurs homologues britanniques mais les chiffres sont faussés. Le problème de l’enseignement au Sri Lanka est son sous-financement. De 2015 à 2022, la part du PIB dédiée à l’enseignement supérieur est passé de 0,16 % à 0,08 %. Le rapport dit également que les diplômés sont « inemployables » alors que le problème se situe au niveau de l’absence d’emploi sur le marché du travail. La politique mise en place par l’État ne correspond pas aux besoins des jeunes et des travailleurs, mais à l’obéissance à des plans d’austérité dictés par le FMI et la Banque mondiale. Depuis des années les étudiants se battent contre l’enseignement privé.

Les mobilisations de l’année dernière n’ont pu aboutir en raison d’un manque d’organisation et de volonté politique. Pourtant, elles ont été, jusque sur les barricades, des lieux de démocratie ouvrière, où les décisions étaient prises et appliquées collectivement. Et, comme pour Occupy Wall Street, les occupations locales et de la place Galle Face ont été des lieux de discussion et d’effervescence politique. Aujourd’hui les combats pour défendre les pensions (EPF et ETF), ou les entreprises étatiques – comme les ports – contre les privatisations par les puissances impérialistes comme l’Inde et la Chine, montrent que la lutte n’a pas disparu.

Ces mobilisations ont manqué de revendications : au-delà des Rajapaksa, c’est le capitalisme pourrissant, inféodé aux puissances impérialistes étrangères, qui doit être renversé. Quels pourraient être les éléments d’un tel programme ? Seuls les travailleurs sri-lankais le savent. Les occupations auraient gagné à s’étendre par des grèves dans les entreprises, là où les travailleurs ont le plus de pouvoir, car ils font tourner la machine économique, comme dans la raffinerie ou les ports. Il est sûr que la question de l’annulation de la dette aura son importance, dette qui n’a servi qu’à enrichir les corrompus et subventionner des patrons déjà riches. La question de l’oppression nationale que subit un quart de la population, les Tamouls, doit être également présente dans les revendications des mobilisations : la classe dirigeante cingalaise majoritaire utilise les pogroms anti-Tamouls afin de détourner l’attention de la population des vrais problèmes économiques et sociaux.

Aucune élection n’est en vue pour l’instant, mais les partis institutionnels (liés au clan Rajapaksa comme le Sri Lanka Podujana Peramuna (SLPP) et le United National Party (UNP) du Premier ministre Ranil Wikcremesinghe) sortent affaiblis de la mobilisation de l’année dernière. Le plus grand parti de gauche est le JVP qui a trois élus au Parlement (sur 225). Il se borne à réclamer de nouvelles élections et à mettre en avant un profil de bon gestionnaire. Selon plusieurs militants, le mouvement aragalaya a permis à beaucoup de personnes de se politiser et de se mettre à la recherche d’une politique pour les luttes qui mette fin à la misère économique et sociale que la population subit.

Stan Miller

 

 


 

 

La question tamoule

En 2009, le gouvernement de Mahinda Rajapaksa a lâché l’armée cingalaise sur la population tamoule et a tué des dizaines de milliers de personnes accusées de faire partie du groupe indépendantiste les Tigres tamouls (Liberation Tigers of Tamil Eelam, LTTE) actif depuis les années 1980. Depuis les années 1980 et les velléités indépendantistes d’une fraction de la population minoritaire tamoule (mais majoritaire dans le nord et l’est), les Tamouls sont le bouc émissaire permanent des politiciens cingalais. Les Tamouls seraient au Sri Lanka depuis le Moyen Âge apparemment, mais les recherches sont incertaines. D’autres Tamouls ont été importés d’Inde au 19e siècle pour travailler dans les plantations de thé. Ils sont majoritairement hindous, parlent tamoul et représentent 16 % de la population. Les Cingalais représentent le reste de la population, sont très majoritairement bouddhistes et parlent cingalais.

À travers la promotion du bouddhisme sinhala, idéologie d’extrême droite mêlant fanatisme religieux et racisme contre les Tamouls hindouistes ou musulmans, l’État cingalais a renforcé le racisme chez les travailleurs cingalais. L’adhésion au programme militaire gouvernemental a été forte et certaines organisations nationalistes « maoïstes », particulièrement le JVP, ont participé au génocide des Tamouls.

Les principales revendications du Mouvement des citoyens sont liées à l’identité cingalaise. Les racines systémiques du suprématisme cingalais n’ont pas été prises en compte et les injustices historiques subies par les Tamouls ne sont pas reconnues. Cela ne signifie pas que les Tamouls du nord et de l’est sont indifférents à l’aragalaya. Ils ont toujours voté pour le principal candidat de l’opposition aux Rajapaksa depuis 2005.


 

 

1 Diminutif de l’ancien président Gotabaya Rajapaksa.