Vainqueur des dernières élections générales palestiniennes en 2006, et au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007, le Hamas a eu le temps de montrer ce qu’il est : un parti à la politique antisociale, autoritaire et brutale, loin de l’organisation héroïque de résistance qu’il prétend être.
Misère, répression et argent du Qatar
Pour les classes populaires gazaouies, le gouvernement du Hamas est celui qui, l’été dernier, a imposé une taxe de 15 % sur les allocations de 100 dollars versées par le Qatar aux familles les plus pauvres. Il est celui qui, malgré les coupures d’électricité, refusait de mettre en marche l’un des réacteurs de la seule centrale électrique de la bande de Gaza, jusqu’à ce que le Qatar prenne son fonctionnement en charge. Ce gouvernement est celui qui a envoyé ses forces répressives en réponse aux manifestations contre la vie chère en avril 2015, en janvier 2017, en mars 2019 et en juillet 2023, faisant des centaines de blessés, et a fait arrêter les initiateurs des mobilisations pour les soumettre à la torture…
Dans un territoire de 360 km2, habité par 2,3 millions de femmes et hommes, soumis au blocus, aux bombardements et aux incursions militaires incessantes, dans lequel le chômage atteint 45 %, où le revenu moyen est de moins de 5 euros par jour et où 80 % des eaux souterraines sont détournées en amont par les Israéliens, les revenus du gouvernement ne peuvent être assurés que de l’extérieur. Les États-Unis et l’Union européenne réservant leur soutien au seul gouvernement de Mahmoud Abbas, c’est le Qatar qui assure les revenus du pouvoir gazaoui : 30 millions de dollars sont versés chaque mois pour financer les salaires des fonctionnaires, les infrastructures, les aides sociales… et le train de vie des dirigeants.
Le Hamas n’a en fait rien à envier à son rival du Fatah : ses dirigeants vivent eux aussi de rentes et s’accommodent d’une situation qu’ils n’ont pas intérêt à faire évoluer significativement. C’est d’ailleurs avec l’accord de l’État israélien que l’argent qatari peut leur parvenir, d’autant que cette division géographique et politique est considérée par Netanyahou comme un obstacle supplémentaire à la perspective d’un État palestinien.
Un sous-produit de l’oppression israélienne
Voyant sa légitimité écornée par l’exercice du pouvoir, et concurrencé par la surenchère de son rival du Djihad islamique, le Hamas trouve dans ses actions de « résistance », jusqu’à l’attaque du 7 octobre, la dernière justification de son existence.
Car c’est bien en se présentant comme une force de lutte sans concession contre l’État sioniste que le Hamas s’est construit à partir de la fin des années 1980, sous l’impulsion des Frères musulmans égyptiens. Disputant son influence à la gauche nationaliste, sous l’œil bienveillant des autorités israéliennes et de l’impérialisme états-unien, il a connu une croissance accélérée après les accords d’Oslo.
Durant la seconde intifada, au début des années 2000, alors que l’Autorité palestinienne collaborait, il s’est présenté comme la nouvelle force de résistance intransigeante, bien loin des compromissions et de la corruption du Fatah. C’est bien pour avoir occupé cette place, et non pour son programme religieux obscurantiste, qu’il a remporté les élections de 2006.
En dépit de ces résultats, les États-Unis et l’Union européenne ont décidé depuis de ne reconnaître que Mahmoud Abbas, élu président de l’Autorité palestinienne en 2005, comme interlocuteur. Non par horreur pour les actes du Hamas – beaucoup de leurs amis, à commencer par Netanyahou, ont encore plus de sang sur les mains –, mais bien par volonté de choisir eux-mêmes les dirigeants qu’ils estiment convenables pour un peuple colonisé.
Loin de l’hypocrisie et du cynisme des dirigeants impérialistes, notre refus de toute complaisance vis-à-vis du Hamas ne signifie pas le renvoyer dos à dos avec l’État colonial d’Israël et, encore moins, conditionner notre solidarité avec le peuple palestinien. C’est au contraire affirmer que le développement de cette organisation réactionnaire est une conséquence de l’oppression israélienne.
Jean-Baptiste Pelé
Cet article a été publié dans le numéro 7 de Révolutionnaires, dans le cadre d’un dossier sur la Palestine.
Sommaire du dossier sur la Palestine du numéro 7 de Révolutionnaires
- La cause palestinienne, notre cause, au cœur de la lutte de classe
- Les dirigeants nationalistes palestiniens et le piège d’Oslo
- Le sionisme, une politique à l’origine d’une guerre sans fin
- Pourquoi le soutien inconditionnel des USA à Israël ?
- Ni antisémitisme, ni islamophobie : union de tous les travailleurs !
- « Terroriste » ? « Résistant » ? Parti religieux obscurantiste ? Ce qu’est le Hamas
- Quelle issue pour les populations de Palestine mais aussi d’Israël ?