
Il y a dix ans, un commando expédié depuis la Syrie et la Belgique, comprenant de nombreux Français, mettait Paris à feu et à sang, dans des attentats d’une violence particulièrement sauvage et aveugle. Daech, en bout de course, décidait de frapper par ce qui reste l’acte terroriste le plus meurtrier réalisé sur le sol français.
Lors d’une semaine de commémoration, on assiste à une nouvelle déferlante de propos anti-arabes, mais aussi de propagande policière, sur les « héros », qui ce jour-là, ont empêché quelques morts de plus. Pourtant, le 13 novembre est aussi l’histoire d’un fiasco des services de police. Au-delà des opérations plus ou moins réussies par des policiers d’élite, l’écrasante majorité des auteurs des attentats étaient connus des services secrets comme religieux radicalisés ou pour des allers-retours dans la zone irako-syrienne. Sans même parler d’Abaaoud, figure internationale et recruteur du Djihad, qui sera pourtant en mesure de mitrailler les terrasses ce soir-là.
C’est d’ailleurs la question qui reviendra le plus souvent chez les rescapés et les familles des victimes lors du procès fleuve qui a eu lieu de l’automne 2021 à juin 2022. Comment des individus ont-ils pu traverser tant de pays et préparer un tel massacre sans attirer l’attention ? Elle ne trouvera pas de réponse satisfaisante, sauf à constater que pour un État impérialiste comme la France, la défense de ses intérêts compte plus que la vie d’une centaine de ses habitants…
Omerta autour des attentats d’extrême droite
La dignité devant ce massacre, dont font globalement preuve les survivants et les familles, n’est pas de mise pour les formations politiques, de droite et d’extrême droite (jusqu’à Trump !), qui n’ont de cesse depuis dix ans de récupérer l’évènement : diffusion de fausses informations sur des tortures pratiquées ; affabulations sur le « chemin des réfugiés » prétendument emprunté par les terroristes ; interdiction faite à Médine de jouer au Bataclan… Avec l’obsession du gain électoral ! D’une manière générale, la diffusion de plus en plus large et décomplexée d’un discours raciste et islamophobe trouve sa piètre justification avec les attentats des dernières années. Silence en revanche sur des projets (que les services secrets s’attacheraient à déjouer) d’attentats d’individus ou groupes d’extrême droite qui ne cachent pas leur volonté de réaliser un « Bataclan à l’envers », à l’image de l’assassinat à Christchurch de plusieurs dizaines de fidèles réunis dans leur mosquée néo-zélandaise en 2019.
Pour l’État, cette nuit du 13 novembre a également été le prétexte à un durcissement considérable de plusieurs pans législatifs répressifs (prolongation de l’État d’urgence et tentative d’instaurer une déchéance de nationalité notamment), et à un renforcement des pouvoirs de la police (en termes de perquisitions, de gardes à vue, de surveillances, etc.). Ce durcissement ne vise pas que les djihadistes. Des écologistes radicaux anti-COP21 l’avaient déjà subi quelques mois plus tôt. Enrégimenter la population dans un climat de terreur est, au fond, un objectif commun à Daech et aux États prétendument démocratiques.
Philippe Cavéglia