Intervention de Ken Armède, ouvrier de l’automobile, candidat de la liste « Pour un monde sans frontières ni patrons, urgence révolution ! » au meeting de Strasbourg le 30 mai 2024
Travailleuses, travailleurs, camarades… je suis électricien de maintenance dans l’usine automobile de Stellantis Poissy en région parisienne.
En 2023, le secteur automobile c’est une avalanche de profits :
– Toyota 29,6 milliards d’euros, un record,
– Renault, qui soi-disant va mal, c’est 2,2 milliards
– Stellantis (c’est-à-dire les marques Peugeot-Citroen, Fiat, Chrysler notamment) c’est 18,6 milliards, un record aussi.
Le PDG de Stellantis, Carlos Tavares est payé 100 000 euros par jour, samedi et dimanche compris, cela scandalise et à juste titre. Mais il n’est qu’un petit millionnaire face aux familles de milliardaires qui possèdent Stellantis : la famille Peugeot avec sa fortune de 5,4 milliards d’euros et la famille Agnelli, 12 milliards.
Tout va très bien pour ce petit monde d’ultra-riches.
Cependant les capitalistes européens de l’automobile n’arrêtent pas de pleurer : il y aurait trop d’impôts, le « coût du travail » serait trop important, et il y aurait la fameuse menace chinoise…
En réalité, les patrons se plaignent des salaires des ouvriers, pas des leurs bien sûr. Nos impôts, l’argent public, finit dans les poches des capitalistes européens de l’automobile : encore 1,5 milliard d’aides de l’État vient d’être accordé en France pour les constructeurs de voiture électrique en 2024. Et la menace d’une invasion des voitures chinoise en Europe, c’est un chiffon agité par Carlos Tavares pour avoir encore plus de subventions de la part de l’État.
D’ailleurs Carlos Tavares fait l’hypocrite, car il vient de s’allier au constructeur chinois Leapmotor pour aider celui-ci à vendre ses voitures électriques chinoises en Europe.
Tavares se moque bien de la nationalité du profit, il prend tout, et tous les capitalistes font comme lui. Le patriotisme, c’est une idée des riches qui sert juste à polluer la tête des travailleurs, à les opposer les uns aux autres.
Des politiciens d’extrême droite, de droite comme de gauche expliquent qu’il faut protéger les travailleurs avec des mesures protectionnistes : des droits de douane élevés pour les produits étrangers à la France ou à l’Europe : c’est une illusion. Le protectionnisme protège les patrons et leurs profits mais pas les emplois et les salaires des travailleurs.
En 2013, l’usine de PSA Aulnay avec ses 3000 salariés a fermé sur une décision d’un patron français : la production du véhicule C3 de PSA Aulnay a été délocalisée à Poissy à 50 kilomètres, ça a été une délocalisation interne à la France. Et il n’était pas question de menace chinoise à l’époque. Le protectionnisme, le nationalisme économique c’est une arnaque pour les travailleurs. Et quel sens cela a de renforcer les droits de douanes quand les pièces pour faire une voiture viennent du monde entier ?
Pour nous, les militants communistes révolutionnaires, la seule manière de protéger les travailleurs : c’est que ce soient les travailleurs eux-mêmes qui dirigent, démocratiquement, l’économie, et il faut en finir avec la dictature économique des capitalistes.
Et pour cela les travailleurs n’ont pas d’autres choix que de faire la révolution contre les capitalistes et contre l’État qui est à leur service.
Et les travailleurs des autres pays ne sont pas nos ennemis mais nos frères, nos futurs alliés avec qui nous devons mener la lutte contre les patrons.
L’origine de toute la richesse des actionnaires de Stellantis, c’est une exploitation qui s’accroit. Tavares se définit lui-même comme un psychopathe de la performance, une performance qu’il fait avec la santé des salariés. À Stellantis Poissy, nous sortons environ 40 véhicules finis par heure, 1 véhicule en 90 secondes.
Après les avoir bien exploités pendant des mois, la direction vient de virer 400 intérimaires. Son obsession c’est de remplacer sur les chaines de production de jeunes intérimaires de 25 ans par des salariés en CDI de plus de 50 ans, voire plus de 55 ans déjà bien esquintés (par exemple : avec des mutations internes forcées, un cariste en CDI se retrouve sur chaine à 55 ans). Le but est de briser ces anciens CDI pour qu’ils démissionnent d’eux-mêmes. Pour trois postes de travail à la chaîne tenus non correctement, selon les critères de la direction, elle envoie maintenant des lettres recommandées avec menace de sanctions disciplinaires.
Pour ceux qui restent, les conditions se dégradent, les postes sont de plus en plus durs à tenir avec des plannings de travail délirants : travail obligatoire le samedi et pendant la pause, et en même temps la direction fait chômer avec perte de salaire certains jours en prévenant moins de quatre heures à l’avance… en fonction de l’arrivée en flux tendu des pièces. La semaine dernière, les salariés n’ont été prévenus que deux heures à l’avance de l’annulation de la séance de travail, beaucoup sont venus pour repartir dans l’autre sens : quatre heures de trajet voire plus pour ne pas travailler.
Les salariés sont écœurés du manque total de considération de la direction. L’actualité à Stellantis Poissy, comme dans d’autres usines dans ce pays, ce sont les corps abimés, le harcèlement, les arrêts maladie, les dépressions, voire pire… Mais c’est aussi la volonté de se défendre, la volonté d’avoir sa revanche contre les patrons.
Les capitalistes fabriquent des super profits mais aussi de la super-colère ouvrière
Ce qui fait beaucoup discuter dans mon usine et ailleurs, c’est la grève commencée le 16 avril par les salariés de MA France à Aulnay, un sous-traitant automobile d’emboutissage de tôle. Je vais conclure sur cette autre actualité du secteur automobile.
Depuis le 16 avril, la quasi-totalité des 280 CDI de MA France, y compris les chefs, se sont mis en grève quand ils ont senti que leur entreprise allait être fermée. Ils ont pris les devants et ils ont pris en otage les stocks de pièces, les machines et surtout les moules d’emboutissage.
Le groupe Stellantis est client à 80 % de MA France et depuis 2021 Carlos Tavares a pour objectif de délocaliser la production de MA France à Rennes et en Turquie. De fait le vrai patron de MA France, c’est le groupe Stellantis de Carlos Tavares, et c’est Stellantis qui a décidé de tuer cette entreprise.
Et cette politique de destruction des emplois se fait avec la complicité de l’État, car l’État est actionnaire à 6 % de Stellantis.
La grève de MA France a mis à l’arrêt, faute de pièces pendant plusieurs jours, trois usines d’assemblage du groupe Stellantis à Poissy, Hordain en France et Luton en Angleterre, mettant au chômage technique autour de 10 000 salariés, et même encore aujourd’hui ces trois usines sont impactées. Stellantis perd des millions d’euros chaque jour avec cette mobilisation des 280 salariés de MA France.
Cette mobilisation est une démonstration de la force, du poids de la classe ouvrière quand elle relève la tête pour se battre.
Le 13 mai au tribunal, les patrons ont obtenu la liquidation judiciaire de MA France, cela n’a pas empêché les salariés de continuer à se mobiliser pour revendiquer le maintien des emplois, des primes supra-légales de licenciement de 70 000 euros, des préretraites et des reclassements. Et les salariés de MA France veulent que leur patron, mais aussi Stellantis avec ses milliards, mettent la main à la poche.
Commencée il y a six semaines, la lutte des salariés de MA France continue et attire de plus en plus de soutien. À mon usine, le syndicat auquel j’appartiens, SUD Stellantis Poissy, a fait en quatre jours une collecte de 4 700 euros auprès des ouvriers de notre usine pour la caisse de grève des MA France.
4 700 euros, c’est énorme, c’est notre record à nous, la classe ouvrière ! Un record de solidarité, pas de profit !
Jeudi dernier, il y a une semaine, à midi, au changement d’équipe, les salariés de MA France sont venus à une centaine diffuser un tract de remerciement aux portes de notre usine Stellantis Poissy, pour discuter avec les travailleurs.
Avec cette venue, la direction a paniqué : elle a mis en télétravail des centaines de salariés des bureaux du pôle tertiaire de Poissy ; à l’usine, elle a fait partir deux heures à l’avance les salariés de la peinture, et a annulé totalement comme par hasard le travail au bâtiment montage le matin. Elle a fait aussi venir des flics déguisés en robocops… La direction a tenté ainsi de limiter les contacts entre les salariés Stellantis et les salariés en lutte de MA France.
Mais ça n’a pas marché, les travailleurs des MA France ont pu se faire entendre des travailleurs de Stellantis Poissy et se mélanger dans une bonne ambiance.
Les patrons n’arrêtent de dresser des barrières artificielles entre les salariés :
– entre CDI et intérimaires ;
– entre ouvriers qualifiés et ouvriers non qualifiés ;
– entre CDI d’une entreprise donneuse d’ordre et un sous-traitant.
Ce jeudi midi, justement, cette dernière barrière se fissurait : les responsables des ressources humaines qui jouaient les vigiles au tourniquet tiraient tous la gueule et ça faisait plaisir à voir ! C’était à leur tour d’être écœurés !
Une partie des salariés de l’automobile, et au-delà, regardent avec sympathie la lutte de MA France, car ils ont compris que leur tour risque de venir, et que la solidarité est essentielle pour s’en sortir.
Avec la restructuration complète de la filière automobile, liée à la voracité des capitalistes, (le passage à l’électrique n’étant qu’un prétexte), déjà des sous-traitants ont fermé, et d’autres vont suivre dans les mois et années à venir. Même des usines de constructeurs sont menacées de fermeture ou de perte massive d’emplois : Stellantis à Douvrin, Metz, Tremery, Poissy, Hordain, Renault à Flins, Lardy, etc.
Le NPA-Révolutionnaires se présente aux élections européennes, en disant qu’il est important de voter pour notre liste, car cela fera passer de manière encore plus forte notre message politique : il faut unifier les luttes des travailleurs de tout le secteur automobile et au-delà, de toute la classe ouvrière contre les patrons, contre les patrons psychopathes, ne pas rester isolés.
C’est important de voter pour notre liste, car c’est une manière d’affirmer que la force des travailleurs, c’est la grève et qu’il y a urgence à faire la révolution, et à instaurer une société de l’égalité et de la justice sociale : une société communiste !