Mercredi 30 octobre, plus d’un millier de grévistes de la chimie et de soutiens ont manifesté à Pont-de-Claix, dans la banlieue de Grenoble, contre la fermeture de l’usine Vencorex. Une grève avec piquet jour et nuit a commencé à Vencorex mercredi 23 octobre, suite à l’annonce de l’unique offre de reprise prévoyant le licenciement de 455 salariés sur 480. Cette seconde manifestation, après celle du 1er octobre, a de nouveau réuni des grévistes de nombreuses entreprises : Arkema, Suez, Air Liquide, Syensqo, Sanofi… Les travailleurs et travailleuses d’Arkema avaient aussi fait deux jours de grève la semaine précédente pour manifester leur solidarité avec celles et ceux de Vencorex et leur inquiétude pour les 340 emplois du site de Jarrie, qui dépendent de l’activité de Vencorex. Entre les autres entreprises de la plateforme de Pont-de-Claix et celles du Sud-Grenoble ou de la chimie lyonnaise, ce sont entre 5000 et 9000 emplois directs et indirects qui seraient menacés par la fermeture.
Proposée par BorsodChem, filiale du groupe Wanhua, l’offre de reprise de l’atelier Tolonate ne convainc même pas les 25 salariés visés, qui sont en nombre bien insuffisant pour assurer son fonctionnement. Les réunions se poursuivent donc à Bercy entre le gouvernement et l’inter-syndicale CGT, CFDT et CFE-CGC pour tenter de trouver de nouveaux repreneurs. En la matière, il apparaît de plus en plus clairement que l’État défend uniquement les intérêts des patrons. En parallèle de la mobilisation contre la fermeture, des négociations se sont ouvertes à propos du « plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE) chez Vencorex. Sur ce sujet aussi, PTT Global Chemical, groupe thaïlandais propriétaire du site depuis 2012, ne veut rien débourser : les primes supra-légales plafonnent ainsi à 20 000 euros, souvent moins d’une année de salaire et à peine de quoi compenser le délai de carence avec France Travail. Que ce soit pour maintenir l’emploi et l’activité ou pour ajouter au moins un zéro à l’indemnité de licenciement, le patron ne cédera rien sans qu’une mobilisation l’y contraigne. La majorité des salariés sont conscients qu’il faudra poursuivre et étendre la grève.
En effet, le patronat de la chimie, comme celui de l’automobile, a déjà annoncé son intention de poursuivre les licenciements. France Chimie, syndicat patronal du secteur, estime à 15 000 le nombre d’emplois à supprimer dans les trois ans à venir. Les capitalistes de la chimie font payer à leurs salariés la hausse du coût de l’énergie et la concurrence qu’ils se livrent à l’échelle mondiale. S’ils tentent aujourd’hui d’obtenir davantage de subventions publiques en faisant du chantage à l’emploi, les capitalistes français sont tout à fait capables de s’accorder avec leurs concurrents pour mieux exploiter les travailleurs. Ainsi l’ancien propriétaire de la plateforme chimique, Rhodia devenu Solvay, réalisait 139 millions d’euros de chiffre d’affaires en Thaïlande tandis que Suez et Air Liquide ont profité du passage de Macron en Chine en 2023 pour rafler le marché de la désalinisation et de la séparation des gaz de l’air sur la plateforme chimique de Penglai gérée par Wanhua dans une région proche de Pékin.
C’est dans les poches de ces capitalistes que se trouve l’argent qui permettrait de maintenir l’emploi et les salaires : des dizaines de millions d’euros de bénéfices pour PTT GC et 3,1 milliards pour Air Liquide en 2023, 430 millions en dividendes versés en 2023 par Solvay. C’est pour protéger ces fortunes que l’État fait miroiter aides publiques et mesures protectionnistes en espérant susciter des reprises industrielles. De la même manière que l’ex-Rhodia tente d’échapper aux multiples procès aux prud’hommes pour exposition à l’amiante et aux produits chimiques, PTT Global Chemical aimerait passer la patate chaude à un successeur pour fuir sa responsabilité dans le désastre social que représenterait la fermeture du Vencorex.
D’autant plus que les licenciements se combinent aux plans de fermeture dans l’automobile, ou à ceux provoqués par les 60 milliards de coupes budgétaires dans les services publics (4000 postes supprimés dans l’Éducation nationale, 186 000 emplois menacés dans le travail social et l’associatif…). Pour empêcher les licenciements, ou même pour arracher des indemnités de départ permettant quelques années de sécurité financière, les salariés ont tout à gagner à miser sur leur propre mobilisation, leurs grèves et leur coordination par-delà les secteurs professionnels et les appartenances syndicales. Les prochains rendez-vous annoncés, qu’il s’agisse de se rassembler le 6 novembre devant le tribunal judiciaire de Lyon ou le 7 novembre devant la plateforme de Pont-de-Claix, sont autant d’occasions de tisser ces liens indispensables pour augmenter la pression sur le patronat.
Correspondant
Les travailleuses et travailleurs de Vencorex ont ouvert une caisse de grève : https://www.leetchi.com/fr/c/soutien-a-la-greve-vencorex-et-au-blocage-de-la-plateforme-de-pont-de-claix-9285437