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VFD, transport routier de voyageurs en Isère : Nostradamus a encore frappé !

Aux VFD1, le patron est un voyant. Ou un charlatan. À vous de juger.

À la fin du mois de novembre 2022, il concédait aux travailleurs une augmentation de 6 % du taux horaire à partir de décembre, portant ainsi celui des conducteurs à 12,05 euros à l’embauche. C’est plus que dans d’autres entreprises, mais ce n’est jamais que l’inflation officielle. Et surtout, c’est moins que ce que revendiquaient les conducteurs qui avaient fait trois semaines de grève en novembre-décembre 2021 pour 8 % d’augmentation générale.

Mais surtout, ces 6 % n’étaient qu’une avance de ce que le patron allait de toute façon finir par devoir accorder. Car quelques semaines auparavant, le 10 novembre 2022, des négociations au niveau de la branche aboutissaient à un accord entre quatre syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC) et une organisation patronale jusque-là méconnue, l’Organisation des transporteurs routiers européens (Otre). Les patrons du transport routier de voyageurs sont principalement regroupés dans la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), qui représente notamment les filiales des grands groupes (Keolis, Transdev et RATP Dev). Mais d’autres fédérations patronales existent, dont le « cœur de métier » est d’ailleurs moins le « voyageur » que la « marchandise », ce qui ne les empêche pas, à l’occasion, d’aller marcher sur les plates-bandes de la FNTV2. C’est le cas de l’Otre qui, dans ce paysage patronal, se veut la représentation des PME du transport.

Cet accord comportait une augmentation en deux temps des grilles salariales dans la branche. Le taux horaire à l’embauche du coefficient 140V, celui des conducteurs, devait ainsi atteindre… 12,05 euros au 1er janvier 2023 ! Mais cet accord n’était applicable que dans les entreprises affiliées à l’Otre. Celles membres de la FNTV n’y étaient pas soumis, la Fédération n’en étant pas signataire. Or, les VFD sont à la FNTV. On pourrait alors se dire que le patron des VFD se fait passer pour généreux alors qu’il ne fait qu’appliquer dans son périmètre ce que, par ailleurs, d’autres patrons jugent être un minimum. Cela suffirait à le déjuger.

Mais il y a plus ! Car quand un accord, comme celui du 10 novembre 2022, n’est pas signé par toutes les organisations patronales, il finit très souvent par être étendu à la totalité de la branche sur décision du ministre des Transports. Et, dans le contexte actuel de pénurie de conducteurs, c’est un moyen de garantir que les salaires et les conditions de travail évoluent au même rythme (lent) dans toutes les entreprises, plutôt que les patrons ne se fassent concurrence en tirant chacun dans leur coin les taux horaires à la hausse… Alors, comme prévu, l’accord a été étendu le 24 janvier 2023.

Il ne s’agit pas de divination mais de lutte de classes. Le PDG des VFD n’a pas de troisième œil, c’est juste un patron conscient de ses intérêts, un membre du conseil d’administration de la FNTV en Auvergne-Rhône-Alpes qui a monté un coup pour s’éviter une nouvelle grève sur les salaires. Mais pas sûr que les salariés goûtent beaucoup à ces histoires de voyance !

NB : dans les négociations de novembre dernier, le patron a également promis une augmentation de 2 % pour septembre 2023. De là à prédire que les minima de branche vont augmenter à l’automne prochain, il n’y a qu’un pas…

Bastien Thomas


 

1 Les Voies ferrées du Dauphiné sont l’ancienne régie de transport du département de l’Isère. La régie exploitait initialement un réseau ferré, d’où son nom, mais s’est progressivement converti au transport par autocars à partir des années 1930. Elle est devenue société d’économie mixte en 2005, majoritairement détenue par le département qui a revendu ses parts en 2018 à un fonds de pension basé au Luxembourg nommé Cube et qui détient des parts de plusieurs entreprises de transport en Europe.

2 Outre l’Otre, il y a la FNTR (Fédération nationale des transports routiers) et l’Union TLF (Transport et logistique de France). Ces quatre fédérations sont représentatives dans la branche « Transports routiers et activités auxiliaires de transport » qui comprend, en plus du transport de voyageurs et de marchandises, les entreprises d’ambulance, de déménagement ou de transport de fonds.