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« APLD-rebond » : amputer les salaires et subventionner le patronat

Les subventions au patronat font scandale au point que les artisans de cette politique eux-mêmes sont contraints de faire mine de s’en offusquer. Mais le gouvernement persiste et signe : il vient de relancer « l’activité partielle de longue durée » (APLD), un dispositif de chômage partiel qui, au prétexte de maintenir l’emploi, est une machine à subventionner le patronat. Deux jours à peine après la publication du décret, les « partenaires sociaux » de la métallurgie se sont engouffrés dans le dispositif.

Auto-exploitation à prix réduit

Copié-collé du dispositif instauré pendant le Covid, « l’APLD-Rebond » a été votée dans la loi de finances de 2025. Elle permet à un employeur de baisser l’activité des salariés de 40 % (voire 50 %) pendant un an et demi, en ne garantissant pour ces heures chômées que 70 % du salaire brut… payé par la collectivité (un tiers versé par l’Unédic, deux tiers par l’État). Bref, des salaires amputés… et financés par les salariés eux-mêmes !

Au plus fort du Covid, plus de 9 millions de salariés étaient soumis à un dispositif d’activité partielle, pour plus de 2 milliards d’heures chômées indemnisées en quelques mois. Le coût : plus de 34 milliards d’euros en deux ans, un transfert d’impôts et de cotisations au patronat.

La rengaine du maintien de l’emploi, pour mieux le détruire

Mais le gouvernement l’avait promis, cette nouvelle mouture de l’APLD devait être plus protectrice. Vendu comme un « dispositif anti-licenciements », elle devait cette fois-ci favoriser la formation. Le décret d’application vient de tomber le 16 avril, et évidemment il n’en est rien.

Côté formation, le décret n’impose en rien aux employeurs de prendre des engagements tangibles. Tout au plus, l’indemnité touchée par le salarié est portée à 100 % pour les seules heures de formation (pour lesquelles l’employeur touchera aussi un soutien financier). Et côté maintien de l’emploi : si bénéficier de l’APLD interdit de licencier pour motif économique les salariés soumis au dispositif – et eux seuls ! – cette interdiction ne vaut que le temps de l’activité réduite : rien n’empêche donc de procéder à des vagues de licenciements juste après, alors même que l’employeur a bénéficié de la prise en charge de près de la moitié des salaires par l’État pendant plusieurs mois ! Du reste, interdire les licenciements économiques n’empêche en rien les employeurs de licencier à coups de départs « volontaires », de ruptures conventionnelles, etc., comme ils le font déjà le plus souvent.

Et le ministère du Travail d’enfoncer le clou en précisant que rien n’empêche une entreprise bénéficiant de l’APLD de mettre en œuvre un PSE… à la seule condition que ça ne touche pas les salariés concernés. Ou encore que les entreprises peuvent imposer certaines périodes de chômage à 100 %, tant que sur l’ensemble de la période d’APLD la moyenne ne dépasse pas les 40 %.

Syndicats au chevet du patronat

Les confédérations CFDT et FO se sont dites déçues du décret, car elles auraient voulu encore plus de chômage partiel aux frais du contribuable… Elles ont accouru pour signer, dans la métallurgie (1,6 million de salariés), un accord de branche permettant aux employeurs d’imposer de manière unilatérale l’APLD même dans les entreprises où les syndicats s’y opposent. Et ces syndicats signataires de se vanter d’avoir obtenu qu’au-dessus de 250 salariés, l’employeur ne puisse pas procéder sans accord d’entreprise – alors que cela aurait été le cas pour tous s’ils n’avaient pas signé d’accord de branche !

Hélène Arnaud

 

 


 

 

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