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Dans le Parisien — « On risque quand même cinq ans de prison » : les militants de Sud Poste 92 clament toujours leur innocence

 

 

Ci-dessous un article paru dans Le Parisien le 16 mai

 

 
Cinq syndicalistes, dont le chef de file de Sud Poste 92, Gaël Quirante, vont être jugés pour des présumés faits de violences et de violation de domicile, survenus en marge d’un mouvement social, en 2014. Ils dénoncent une répression contre leur action syndicale.

11 ans après, ils nient toujours farouchement les violences et la violation de domicile qui leur sont reprochées. À un mois de leur procès devant le tribunal correctionnel de Paris, Gaël Quirante, Yann Le Merrer et trois autres militants du syndicat Sud Poste annoncent leur ferme intention de réclamer la relaxe. Pour eux, ce procès relève de l‘instrumentalisation de la justice et apparaît comme une « atteinte à la liberté syndicale ».

Retour sur les faits : en 2014 éclate une longue grève dans les rangs des postiers des Hauts-de-Seine, de 170 jours entre janvier et juillet. Ou plutôt une nouvelle grève, après celle, déjà dure, de 2010.

Et là encore, le conflit s’enlise. Au point qu’en février, les grévistes investissent le siège du groupe la Poste, rue de Vaugirard, à Paris (XVe), ainsi que des locaux de la direction départementale, afin de réclamer l‘ouverture de négociations.

C‘est à la suite de ces occupations ou tentatives d’occupation que la responsable sécurité de la Poste ainsi que sept vigiles ont porté plainte, de même que le groupe, pour « violences » et « dégradations ». Des accusations que les intéressés ont toujours contestées.

« Un caillou dans leur chaussure »

« Je connais Gaël et les syndicalistes des Hauts-de-Seine depuis longtemps et il n’est pas imaginable qu’il y ait eu un seul acte de violences », plaide le député (LFI) Éric Coquerel, venu soutenir les militants concernés, ce jeudi, lors d’une conférence de presse organisée à l‘ombre du siège du groupe, rue du Colonel-Avia, à Paris (XVe).

Aux yeux du parlementaire de Seine-Saint-Denis, ces poursuites pénales dissimulent une volonté de la direction du groupe. Celle de se servir de la justice « pour faire un exemple » et ainsi dissuader toutes velléités syndicales.

« Gaël et les autres militants sont un caillou dans leur chaussure », lâche l‘élu, avant de confier avoir demandé l‘abandon des poursuites au PDG de la Poste, Philippe Wahl, avec qui il affirme entretenir « des rapports courtois » dans le cadre de ses missions de président de la commission des Finances de l‘Assemblée nationale. Une demande restée lettre morte. « J’ai vite compris qu’il n’en était pas question » regrette Éric Coquerel.

« Ce qui dérange vraiment, c‘est qu’on est encore là »

L‘abandon des poursuites, Gaël Quirante l‘espérait lui aussi. Car en plus de nier les présumées violences, il conteste l‘occupation de domicile. « Tout ce qu’on a fait, il y a maintenant plus de dix ans, c‘est se présenter à l‘accueil du siège pour réclamer l‘ouverture de négociations. Et on transforme ça en violation de domicile ! On risque quand même cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Vu le contexte, je prends ça très au sérieux. »

Le militant estime fallacieux les motifs qui l‘ont conduit, avec quatre autres militants, devant le tribunal. « Ce qui dérange vraiment la Poste, c‘est que malgré la révocation de Yann, malgré mon licenciement, on est encore là, comme à Antony, il y a un mois, où on est allé soutenir les collègues en grève » martèle-t-il.

Licencié par le groupe postal en 2018 — licenciement qu’il conteste encore aujourd’hui devant la cour européenne des droits de l‘homme et qui avait provoqué une nouvelle grève record de 463 jours —, Gaël Quirante reste en effet un représentant syndical, comme l‘a d’ailleurs confirmé la cour d’appel de Versailles dans un arrêt rendu le 19 janvier 2019. Et à ce titre, il continue les prises de parole et les interventions sur les sites de la Poste.

Des agents d’Issy classés selon un document interne

Ce jeudi, le secrétaire départemental de Sud Poste 92 a ainsi profité de la conférence de presse pour dévoiler ce qu’il a présenté comme un document interne au groupe relatif à la réorganisation du centre d’Issy-les-Moulineaux. Les agents du site y sont classés selon deux axes gradués : la synergie et l‘antagonisme.

Sur celui de l‘antagonisme, le plus docile, selon le document présenté, qui « se ralliera sans difficulté, même s’il n’en pense pas moins » est qualifié de « conciliant ». Le plus rebelle, lui, entre dans la catégorie des « irréconciliants ». « S’oppose par tous les moyens et ne se ralliera jamais » précise le document.

Contactée, la direction de la Poste n’a pas souhaité s’exprimer. Ni sur l‘affaire qui s’apprête à être jugée le 12 juin prochain au tribunal de Paris. Ni sur l‘étonnant classement des agents du site d’Issy.

David Livois (Le Parisien)