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Kanaky — Au sommet de Bougival, l’extrême droite loyaliste se sent en position de force

Macron a convoqué les représentants des partis de l’archipel à un « sommet sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie » qui se tient à huis clos à Bougival, en région parisienne.

Macron s’affiche donc en pompier, après avoir été le pyromane qui a mis le feu aux poudres le 13 mai 2024 en annonçant un dégel du corps électoral qui aurait rendu les Kanak encore plus minoritaires sur leurs terres : c’est cette annonce qui avait déclenché des émeutes dans tout l’archipel. Les provocations de Macron se sont donc soldées par 13 morts, des centaines de blessés, des centaines de maisons, d’entreprises, d’infrastructures détruites – le gouvernement chiffre les destructions à 2,2 milliards d’euros.

Lors d’un précédent huis clos à Deva en mars dernier, au cours duquel il avait proposé un accord de « souveraineté avec la France », Valls, le ministre des Outre-mer, s’était heurté au refus catégorique des « loyalistes », c’est-à-dire l’extrême droite calédonienne dirigée par la présidente de la région Sud, Sonia Backès. Le 25 juin, lors d’un meeting tenu à Païta, dans le Grand Nouméa, Nicolas Metzdorf, député loyaliste de Nouvelle-Calédonie, se vantait d’avoir « fait capoter le projet d’indépendance-association de Valls », tandis que Sonia Backès ajoutait : « On ne veut plus être pollués en permanence par des gens qui n’ont pas le même projet de société. » Comment ? « La seule façon de s’en sortir, c’est de refaire venir du monde en Nouvelle-Calédonie et de leur donner le droit de vote », a expliqué Gil Brial, un proche de Sonia Backès. La position des loyalistes est donc simple : derrière leur revendication de « fédéralisme », ils prônent la reprise de la colonisation pour permettre demain la partition : aux colons la partie la plus riche de l’archipel, dont la capitale, Nouméa, aux indépendantistes le reste.

Les indépendantistes veulent partir de la proposition de Valls, reprise de fait par Macron qui a évoqué un « État associé ». Avec une répression coloniale qui ne faiblit pas dans l’archipel, malgré la remise en liberté de quelques dirigeants indépendantistes, on peut comprendre que les indépendantistes tentent de trouver un compromis avec les représentants de l’État face à une extrême droite aujourd’hui forte de l’appui des flics détachés sur place et d’un appareil judiciaire qui a la main lourde quand il fait face à des Kanak.

En réalité, à Bougival, la partie se joue entre les représentants de l’État et les ultras qui se tiennent derrière Sonia Backès. L’extrême droite se sent en situation de force en campant dans son refus. Tout dépendra donc du montant des aides que l’État français mettrait sur la table pour permettre aux riches colons de reprendre le cours de leurs affaires : leur intransigeance est aussi une façon de faire monter les enchères. Si la mise de l’État est suffisante, ils feront des concessions « politiques » sur l’avenir de l’archipel : Macron ne leur a-t-il pas lui-même démontré l’an dernier qu’on peut toujours s’asseoir sur un accord dont les échéances sont au long cours !

8 juillet 2025, Jean-Jacques Franquier