
Marine Le Pen est embarrassée. Handicapée par sa condamnation pour détournement de fonds publics qui lui vaut d’être inéligible, elle ne tenait pas tellement à rompre son alliance tacite avec Macron et préférait attendre les prochaines élections en jouant son rôle d’opposante « responsable ». Elle prévoyait de négocier son soutien à Bayrou : quelques assouplissements de son budget (l’annulation du vol des deux jours fériés ?) en échange de nouvelles concessions faites à l’extrême droite.
Mais le mouvement montant du 10 septembre l’a poussée à faire tomber le gouvernement au plus tôt, pour ne pas se retrouver trop ostensiblement du côté de Bayrou et de Macron.
Si la date du 10 septembre a surgi de façon confuse sur les réseaux sociaux, il s’agit désormais d’un appel clair à mettre le pays à l’arrêt pour bloquer ce budget austéritaire. Une perspective inadmissible pour le RN, qui se démarque donc par avance de la mobilisation du 10 septembre et dénonce le « chaos »… dont Le Pen rend Bayrou responsable. Elle reproche au Premier ministre de ne pas l’avoir appelée cet été pour négocier un accord. Lui rétorque qu’elle n’a pas répondu au téléphone ! Plus qu’une joute parlementaire, c’est un duo de clowns.
Et le cirque n’est sans doute pas terminé : le RN va jouer les équilibristes pour tenter de ménager la chèvre et le chou. Bardella tente de convaincre ses interlocuteurs patronaux qu’il serait meilleur que Bayrou pour en finir avec « l’instabilité »… et qu’après une nouvelle dissolution, un gouvernement du RN aurait le capital politique pour appliquer un plan d’économie drastique. En parallèle, Le Pen présente à son électorat ouvrier la dissolution comme une manière de balayer Macron et sa politique…
Les lepénistes ont donc changé de tactique, mais pas de programme : au plan de Bayrou, ils veulent juste ajouter leur touche xénophobe et souverainiste avec des coupes budgétaires ciblées contre les immigrés et sur la contribution de la France au budget de l’Union européenne (de l’argent européen dont le RN n’a pourtant pas hésité à se servir ces dernières années !).
Mais rien ne dit que l’imposture fonctionnera. Le mouvement de 2023 contre la retraite à 64 ans l’a montré : l’hypocrisie et la démagogie « sociale » du RN se fissurent quand la colère contre Macron et sa politique pro-patronale s’expriment dans la rue. Pas facile en effet de se présenter comme anti-système dans les urnes, quand on est viscéralement contre les travailleurs qui défendent leurs intérêts par leurs propres moyens… Les charognards lepénistes, qui se nourrissent des défaites du monde du travail, ont gros à perdre si la contestation enfle sur le terrain des luttes.
Hugo Weil
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