Nos vies valent plus que leurs profits

Bloquer le pays ? Chiche !

Paris, 2023-01-19. Photothèque Rouge / Copyright : Martin Noda / Hans Lucas.

Les discussions autour du 10 septembre sont nombreuses, que ce soit dans les assemblées générales (AG) militantes qui se sont réunies dans toutes les villes en août ou sur les lieux de travail. Les débats qui animent ceux qui sont convaincus de la nécessité de riposter portent sur les objectifs et la méthode.

Les expériences des précédents mouvements contre Macron et les patrons ont pu laisser un sentiment d’impuissance. Face à la répression des flics, au matraquage médiatique, à la résignation de certains travailleurs qui ont soutenu sans participer et aux manœuvres des directions syndicales qui sont complices du pouvoir, aucun n’est parvenu à réellement bouleverser le rapport de force. Mais tous ont montré, à leur façon, une voie pour l’action : qu’un mouvement combine la détermination des Gilets jaunes de 2018 avec le nombre des manifestants contre les 64 ans de 2023 et la grève reconductible comme dans les transports en 2019 contre la retraite à points, et il sera inarrêtable !

Canaliser la colère dans les urnes ou dégager Macron et les patrons ?

Le fusible Bayrou aura sauté le 8 septembre – sauf miracle pour le protecteur de Betharam. Exit Bayrou, reste le budget antisocial qu’il a concocté en collaboration non seulement avec les partis politiques de gouvernement (du PS aux LR, en toute complicité avec le RN) mais surtout sous la dictée du Medef. Ce n’est pas la politique d’un Premier ministre mais celle du patronat : elle est donc là pour durer. Toute tentative de rapiéçage au Parlement, issue ou non de nouvelles élections législatives, mettra au pouvoir une équipe qui mènera la même politique.

La France insoumise de Mélenchon se démarque de cette « lutte des places » au Parlement en appelant à la « destitution ». La FI surfe sur l’aspiration légitime à dégager Macron, toujours vive depuis ces samedis de décembre 2018 où les Gilets jaunes encerclaient l’Élysée pour « aller le chercher ». Que Macron dégage – c’est bien tout ce qu’il mérite. Mais certainement pas pour enchaîner avec de nouvelles élections présidentielles qui risqueraient d’étouffer la lutte et reviendraient à laisser son sort à un jeu électoral truqué à l’avantage des grands capitalistes qui possèdent la plupart des médias… et, qui, à force, pourrait faire arriver le RN à l’Élysée !

Le mouvement contre ce budget antisocial, mais aussi contre toutes les attaques qu’on a subies depuis des années, le blocage des salaires, les réductions d’effectifs et vagues de licenciements, le recul de l’âge de la retraite, doit désigner ceux qui en sont les premiers responsables et bénéficiaires : les super-riches et les patrons. Ce sont eux qu’il faut faire payer, dégager et exproprier. La chute de leur petit personnel politique n’en serait qu’une conséquence.

Actions ou manifs ?

Les deux bien sûr ! Des années de défilés plan-plan entre Bastille et Nation (pour ne parler que de la capitale) ont entretenu l’idée que « les manifs ne servent à rien. » Notre nombre est pourtant une de nos forces dans la lutte contre les milliardaires et les actionnaires : ils ont les milliards mais nous sommes des millions ! Tous les mouvements qui ont gagné dans l’histoire ont été rythmés par des manifestations de masse – de 1936 à 2019 en passant par 1968 et 1995.

Des manifestations réussies donnent de la force à la contestation : elles effrayent ses adversaires, les forcent à louvoyer face à l’opinion populaire et surtout elles aident ceux qui militent dans le mouvement à se compter et à entrainer leurs proches et leurs collègues dans la lutte. Les manifestations permettent de préparer les suites (actions, grèves, AG…) en étant chaque fois plus nombreux ou plus organisés et de rencontrer d’autres secteurs pour se coordonner.

C’est l’organisation et le nombre qui permettront de résister face à la répression policière et de protéger la masse des participants pour permettre à tous et toutes de s’exprimer.

Blocage ou grève ?

Les travailleurs salariés produisent presque tout dans le pays – ils représentent 90 % de la population active en emploi. Ils ont donc un pouvoir de blocage incomparable qui s’appelle la grève. Une grève générale, c’est-à-dire une grève qui toucherait l’ensemble des secteurs et qui ne serait pas limitée à un jour ou deux, serait une démonstration éclatante que, sans les travailleurs, tout s’arrête. Alors que les patrons et les politiciens pourraient bien disparaître qu’on y verrait que du feu… et à terme que du mieux !

La grève, ce n’est pas croiser les bras, elle permet une activité intense d’organisation sur le lieu de travail, de déploiement pour des actions et de liens avec le reste du mouvement – et de répondre collectivement aux problèmes financiers, avec des caisses de grèves, des repas partagés, etc.

L’essentiel est qu’elle soit dirigée démocratiquement par les grévistes eux-mêmes : comités de lutte pour la préparer, AG et comités de grève pour la mener, coordinations pour la généraliser. Un gréviste = une voix !

Boycotter ou contrôler ?

Certains voudraient tenter des actions d’un genre différent des mouvements précédents. C’est le sens des appels au boycott de la consommation ou de la carte bancaire. Enrayer la machine capitaliste, oui, mais comment ? En tant que consommateurs, même des militants déterminés seront vite restreints dans leurs moyens d’action. Mais pas en tant que travailleurs. Les salariés des banques par exemple, voient passer entre leurs mains toutes les opérations financières qui consistent à vider les poches des pauvres pour remplir celles des riches. Ils auraient les moyens de mettre leurs patrons en « panique » !

Récemment les dockers de Fos-sur-Mer ont bloqué pendant quelques jours un conteneur de matériel militaire français à destination d’Israël, rejoints par leurs collègues de Gênes, Tanger et Barcelone. Si les travailleurs s’organisent, ils ont les moyens de mettre sous leur contrôle collectif toute la production : c’est nous qui travaillons, c’est nous qui décidons !

Raphaël Preston

 

 


 

 

À quelques jours du 10 septembre : les articles parus dans Révolutionnaires no 40