Nos vies valent plus que leurs profits

À l’hôpital, un harcèlement organisé pour supprimer des postes et fermer des lits

Ça fait longtemps qu’on sait qu’à l’hôpital, c’est comme à France Télécom : un système bien rôdé de harcèlement généralisé pour faire accepter des conditions de travail déplorables. Ce qui est nouveau, c’est que la presse commence à le dire aussi. Suite aux nombreux suicides de soignants, la plainte collective qui vient d’être déposée, contre le ministre de la Santé notamment, pour « harcèlement moral » et « homicides involontaires », a remis sur le devant de la scène la responsabilité de l’État dans cette politique criminelle. Une gestion austéritaire qui promet d’empirer : la Cour des comptes propose cette semaine des pistes pour obtenir 5 milliards d’euros d’économies par an dans la santé jusqu’en 2029…

Harceler pour mieux faire craquer

La stratégie des directions hospitalières est bien rodée : dire qu’on n’arrive pas à recruter, soumettre ceux qui restent à des plannings et une charge de travail intenables, des pressions constantes, des convocations disciplinaires absurdes… jusqu’à ce qu’ils partent d’eux-mêmes. Ensuite, il suffit de constater « objectivement » qu’il n’y a plus assez de monde pour faire tourner les services. Conclusion ? On ferme des lits. Pas un mot sur la maltraitance organisée en amont, évidemment.

À bas bruit, des suppressions de postes massives

En 2023, plus de 4 900 lits d’hospitalisation ont été fermés en France. Avec des conséquences drastiques. Ici, c’est un service d’hépato-gastro qui passe de 32 à 8 lits, là ce sont des services qui, au prétexte de « fusionner », perdent un tiers de leur effectif… Mais officiellement ce ne sont pas des fermetures délibérées, juste de petits « ajustements » faute de personnel. Selon la Drees, depuis 2013, les établissements de santé ont perdu 43 500 lits d’hospitalisation complète, soit près de 10 %. Une destruction méthodique de l’offre de soins, que l’État et les directions hospitalières présentent comme simple conséquence d’une « pénurie » subie… Alors même qu’ils en sont les premiers responsables !

La pénurie n’est pas une fatalité, c’est une politique

La réalité, c’est qu’on fabrique la pénurie à coups de burn-outs, de conditions de travail exécrables et de management ultra-violent – sans compter le peu de places en formation, les refus de titulariser ou encore d’embaucher les contractuels… Et pendant ce temps, les directions peuvent tranquillement affirmer qu’elles font « au mieux avec les moyens du bord ». France Télécom avait ses quotas de départs. L’hôpital a ses lits en moins. Même logique – en blouse blanche cette fois.

Correspondants

 

 


 

 

À l’hôpital, sous couvert de pseudo-laïcité, la chasse est ouverte

Espérant sans doute détourner l’attention du sous-effectif chronique et des réorganisations permanentes, certaines directions hospitalières ont un nouveau hobby : la chasse aux couvre-chefs. Sous couvert de laïcité, les cadres traquent bonnets, bandeaux et charlottes – surtout quand ils sont portés par des collègues issues de l’immigration ou à patronyme à consonance arabe. On atteint des sommets dans l’absurde : bandeaux mesurés à la règle, perruques recommandées ici, interdites ailleurs. Et parfois, c’est un directeur qui affiche Jésus dans son bureau qui mène la croisade contre les bandeaux. Résultat : harcèlement à coups de sanctions pour les pousser à se soumettre… ou à dégager.

Dans le contexte actuel, saturé de propos racistes dont bien des représentants politiques font leur fonds de commerce, cette chasse au textile est insupportable, et la référence à la laïcité ridicule : en quoi le port d’une charlotte médicale est-elle prosélyte ? Ironique, pour un gouvernement qui met en berne les drapeaux français pour la mort du pape.