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À Rennes, les conséquences des lois racistes se font sentir

Jeudi 23 octobre 2025, à l’aube, la police et les services de la ville de Rennes sont intervenus sur le campement installé dans le parc de Maurepas, dans le nord-est de la ville. Plus de 180 personnes (111 adultes et 72 enfants) y vivaient dans des conditions précaires depuis cet été. Ce qui est présenté comme une « mise à l’abri » par les autorités s’apparente pourtant bien à une expulsion déguisée : prélude à la dispersion, à l’isolement, et à la plus grande précarité. La canicule, le froid, la pluie, les tentes alignées sur la pelouse, sans sanitaires dignes, avec beaucoup de promiscuité pouvant engendrer une variété de problèmes. Les occupants étaient en proie aux agressions extérieures et à la pédocriminalité. « Venez-vous mettre à notre place, c’est inhumain », disait l’un des habitants du camp.

Mis à la rue par les politiques racistes

Dès le printemps 2025 et en partie suite aux expulsions successives de plusieurs occupations de bâtiments publics, le parc de Maurepas est devenu un refuge improvisé pour des centaines de personnes exilées, « sans solution », dont de nombreuses familles avec enfants et des mineurs isolés. Certaines personnes en situation régulière ou de nationalité française ont rejoint le campement au cours de l’année faute d’avoir trouvé un logement abordable, même si la plupart des habitants du campement sont maintenus dans ces conditions par les politiques anti-immigration racistes de plus en plus rudes. Les gouvernements successifs ont verrouillé toute possibilité d’obtenir des papiers lorsqu’on est arrivé en France par l’immigration, notamment avec la loi Darmanin et les dernières circulaires Retailleau, qui avait déclaré en mai 2025 : « En 1984, le Conseil d’État avait d’ailleurs indiqué que devenir français par la voie de la naturalisation était une chance et non un droit. Lorsque l’on veut devenir français, on doit montrer qu’on est capable de faire des efforts, que l’on n’a pas enfreint le droit, que l’on n’est pas entré irrégulièrement sur le territoire, que l’on connaît la langue. »

Le durcissement en matière d’immigration et de régularisation s’inscrit dans une logique de « méritocratie » de l’accès à la nationalité ou au séjour, qui se traduit pour les personnes concernées par un allongement des délais et donc l’interdiction d’accès au droit de travailler et de se loger. Le gouvernement de Macron mène la politique raciste de l’extrême droite sans qu’elle n’ait encore été élue de manière bien efficace ! Le dispositif prévu dans la loi Darmanin avait pour but de « faciliter la régularisation via les métiers en tension », mais a surtout durci les conditions de régularisation qui sont devenues très encadrées et deviennent conditionnées à la bonne volonté des préfets. La circulaire Retailleau a fait passer la durée de présence exigée de cinq à sept ans pour pouvoir solliciter une régularisation, rendant l’accès plus long. On ne parle d’ailleurs pas ici d’obtention de la nationalité française mais bien de titres de séjour qu’il faut sans cesse renouveler. Ces textes renforcent en plus le pouvoir d’appréciation des préfets, ce qui peut conduire à des refus plus fréquents ou à des délais plus longs.

L’hiver approche, la dignité recule

Au moment où la trêve hivernale se profile et où déjà 19 écoles de Rennes acceptent de loger les familles à la rue des enfants scolarisés, cette évacuation est un signal : oui, les flics peuvent intervenir quand ils veulent, mais non, personne ne garantira de suivi. Certains ont été relogés dans des hôtels, d’autres à Fougères, Quimperlé, Brest, Vannes…, pour quelques jours seulement, isolés de leurs repères et des réseaux de solidarité et laissés sans nourriture. La plupart sont retournés à Rennes. La stratégie de la mairie et de la préfecture était claire : disperser, isoler, démanteler, empêcher le regroupement, briser le collectif, afin de réduire la visibilité de cette crise créée par l’État lui-même. La plupart des habitants du campement regroupés en collectifs comme celui des mineurs isolés de Rennes l’ont bien compris et se sont regroupés à Rennes pour organiser l’occupation d’un Espace social commun du conseil départemental.

Les socialistes à la tête de la mairie et du conseil départemental mènent, occupation après occupation, la même politique d’évacuation et ne mettent pas à disposition leurs nombreux bâtiments vacants pour trouver des solutions pérennes. Ils prévoient déjà une nouvelle évacuation par les forces de police après avoir tenté d’opposer les usagers de leur service social et les occupants, alors même que les travailleurs sociaux du lieu ont affirmé plusieurs fois pouvoir continuer l’accueil du public pendant l’occupation.

Contre les lois racistes !

Les occupants et leurs soutiens s’organisent pour trouver un logement mais surtout pour revendiquer leurs droits et changer cette société et ils ont bien raison !
Ils revendiquent que soient réquisitionnés les logements vacants accessibles et mobilisés tous les moyens publics pour ne plus tolérer que des familles et des enfants dorment sous tente dans un parc urbain, ou dans les écoles.

La date du 18 décembre, journée internationale des Migrants, se prépare dans un grand nombre de ces collectifs, où il est question d’une journée nationale de grève et de mobilisation des sans-papiers qui sera l’occasion d’imposer toutes ces revendications. La grève et la lutte sont les seuls moyens d’obtenir des droits et de faire pression sur le patronat et le gouvernement qui divisent les travailleurs à coup de racisme. La situation à Rennes est la preuve qu’on ne peut rien attendre des institutions, puisque, de gauche comme de droite, elles continueront de mener des évacuations et de ne pas proposer de solutions, et les droits seront toujours remis en question. Il faudra lutter pour imposer la régularisation de tous les sans-papiers, la liberté de circulation et d’installation de tous et toutes !

Correspondante