
La Françafrique dans ses œuvres. En Afrique de l’Est, TotalEnergies illustre de nouveau le cynisme de l’impérialisme français avec son projet d’hydrocarbures à 23 milliards d’euros. Pour défendre son site de production face à la menace djihadiste dans la région, le pétrolier a fondé une unité paramilitaire, qui aurait tué une centaine de civils.
Alors que TotalEnergies espère relancer au plus vite son projet de gaz naturel liquéfié au Mozambique, la plainte d’une ONG allemande pointe sa responsabilité dans le chaos semé dans la région, énième exemple de la politique de l’impérialisme français en Afrique. Le géant pétrolier est accusé de « complicité de crimes de guerre, torture et disparitions forcées », via sa filiale locale, Mozambique LNG. En mars 2021, une attaque terroriste d’un groupe affilié à l’État islamique (al-Shabaab) fait 1 400 morts au nord du pays, à proximité du site pétrolier en construction. Cet attentat, l’un des plus meurtriers du XXIe siècle, s’inscrit dans un contexte terroriste latent dans la région depuis plusieurs années. Face à la menace grandissante, TotalEnergies avait renforcé la sécurité de son site en construction quelques mois plus tôt avec 7 500 soldats de l’armée mozambicaine et des gardes de sociétés de sécurité privées. Mais l’entreprise française s’était bornée à évacuer son personnel, laissant les sous-traitants et la population à la merci du risque terroriste. Lors de l’attaque de mars 2021, Total a refusé de fournir du carburant à un hélicoptère au moment de la fuite des sous-traitants et civils.
Mercenaires au service du capital français
À la suite de cet attentat, Mozambique LNG suspend son projet, par ailleurs dénoncé pour son caractère ultra-polluant. La filiale cherche à produire massivement du gaz naturel liquéfié dans le nord du Mozambique, en Afrique de l’Est. L’accès au littoral y offre une ouverture privilégiée sur l’océan Indien vers l’Asie. Pour protéger le site pendant cette pause forcée, la multinationale a fondé les « Joint Task Force » (JTF), des forces paramilitaires nées d’un accord avec l’État du Mozambique. Ces soldats se sont livrés à des actes de barbarie, s’en prenant aux civils qui s’approchaient trop près du site. Comme ces deux pécheurs retrouvés morts les mains liées dans le dos. Ou cette dizaine d’hommes qui, fuyant la milice djihadiste avec leurs familles, ont sollicité les JTF. Ces derniers les ont séquestrés dans des conteneurs à l’entrée du site, maintenus affamés et torturés pendant trois mois pour certains. Des journalistes font état d’une centaine de morts et 26 personnes disparues, au minimum. Bien que des documents internes de Total montrent que l’entreprise connaissait ces agissements depuis avril 2021, la coopération avec les JTF s’est poursuivie jusqu’en octobre 2023.
La reprise à tout prix, malgré la menace terroriste
Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a jugé en mai dernier que la situation s’était « fortement améliorée », et que le risque terroriste ne justifiait plus cette suspension. Pourtant, cet été, près de 60 000 civils ont été déplacés en deux semaines à cause des attaques dans la région. Encore en septembre, une nouvelle attaque terroriste faisait quatre morts. Mais le pétrolier veut reprendre les affaires au plus vite, pour un début de production espérée d’ici 2030. Alors pour éviter l’accès terrien, jugé trop dangereux, Mozambique LNG veut acheminer les travailleurs par les airs ou la mer et les confiner à l’intérieur du site. Total ne peut se résoudre à abandonner ce projet à 23 milliards d’euros, soit plus du PIB annuel du pays africain.
Lamine Siout