Nos vies valent plus que leurs profits

Au Soudan, la guerre contre le peuple

Le 26 octobre, la population d’El Fasher (nord du Soudan) a été massacrée par la milice paramilitaire des Forces de soutien rapide (FSR). Cette boucherie a été commise suite au siège de la ville, dans le contexte de la guerre civile commencée en 2023 entre les FSR du général Mohamed Hamdan Dogolo, dit Hemedti, et l’armée soudanaise (FAS) du général Abdel Fattah al-Burhan.

La révolution de 2019 et la prise du pouvoir d’al-Burhan

Le 11 avril 2019, après cinq mois de révolte populaire réclamant la baisse du prix du pain et de meilleures conditions de vie, l’armée soudanaise destituait le dictateur Omar el-Bechir, mettant en place un organe de direction du pays, le Conseil militaire de transition, dirigé par al-Bhuran. Mais le soulèvement réclamait également la fin de toute dictature militaire. Les manifestations ont continué, à l’appel de la coalition de l’opposition (FDLC) et du principal syndicat, l’Association des professionnels soudanais (APS). C’est par la forme, entre autres, d’un sit-in permanent devant le QG de l’armée que les manifestants ont continué à faire pression sur l’État. Les 28 et 29 mai, en pleine grève générale, l’armée a finalement réprimé le mouvement. Le 3 juin, les manifestants étaient dispersés à coups de feu et de gaz lacrymogènes. Cet événement, connu comme le « Massacre de Khartoum », a fait 150 morts, des centaines de blessés et plusieurs viols ont été commis : l’œuvre des FSR, une branche de l’armée soudanaise dirigée par le vice-président du Conseil militaire de transition, Hemedti.

Tout pour les profits, des balles pour le peuple

En 2021, les deux généraux avaient écarté les civils du gouvernement, notamment le Premier ministre Abdallah Hamdok. Puis deux ans de tensions entre l’armée régulière et les FSR ont mené, en avril 2023, à la rupture définitive entre le président et son vice-président. Chacun a ses intérêts propres à défendre : pour l’armée, à l’est du pays, le contrôle du commerce de la mer Rouge, des mines d’or et du blé ; pour les FSR, à l’ouest, les mines d’or du Darfour et le contrôle migratoire vers la Libye. Jusqu’à ce jour, chaque armée cherche à gagner du terrain pour prendre le contrôle de tout le pays, avec la participation, directe ou non, de plusieurs États étrangers. L’or du Darfour intéresse particulièrement les Émirats arabes unis, qui ont tissé un large réseau d’alliance entre la Chine, le Tchad, la République centrafricaine, le Soudan du Sud et la Libye de Khalifa Haftar. De l’autre côté, la Russie, l’Iran, le Qatar, la Turquie, l’Égypte se rangent derrière l’armée soudanaise pour son accès à la mer Rouge. L’Union européenne, elle, a financé les FSR, notamment dans le cadre de son programme anti-migration du « processus de Khartoum ». Quant à l’embargo sur les armes, il est contourné par plusieurs entreprises dont KNDS France et Lacroix Défense, qui vendent entre autre le système informatique multitâche pour les véhicules blindés Galix aux Émirats arabes unis qui eux-mêmes fournissent en armes les FSR… Des détournements dont l’État français n’ignore rien. Les appétits de clans militaires rivaux font le jeu des grandes puissances et leur pillage des richesses du continent contre les peuples qui en paient le prix fort.

11 novembre 2025, Arvo Vyltt