Nos vies valent plus que leurs profits

Automobile : barrières douanières, brume électrique et ombres chinoises

Taxer à 25 % les véhicules importés aux États-Unis : de quoi favoriser les constructeurs américains qui produisent, ou du moins assemblent, sur le territoire national, comme Ford (80 %) ou Tesla (100 %) ? Mais, si les États-Unis importent 8 millions de voitures par an (la moitié de ce qui y est acheté), 35 % à 60 % des pièces détachées sont aussi fabriquées à l’étranger, notamment au Canada et au Mexique.

Une hausse des prix qui pèsera sur le client… et le travailleur

En soutien à Trump, le syndicat des travailleurs de l’automobile UAW applaudit la guerre douanière : « Le début de la fin du désastre du libre-échange », « Une victoire pour les travailleurs ». Pourtant, si les hausses de prix sont répercutées en totalité sur les clients, leur voiture sera jusqu’à 10 000 dollars plus chère. Un constructeur comme Toyota annonce qu’il fera peser les coûts supplémentaires sur les sous-traitants, et ces derniers sur leurs ouvriers : « Ce surcoût, nous allons le répercuter à 100 %, car nous n’avons pas d’autre choix », confirme le patron de Valeo. Quant à la création d’emplois, quand Trump s’était opposé à l’ouverture d’une usine Ford au Mexique en 2016, en échange de subventions, Ford les avait empochées : des milliers d’emplois annulés au Mexique, pas un seul créé aux États-Unis.

De l’électricité dans l’air

Trump mène la guerre à tous ses concurrents étrangers, y compris et surtout l’Union européenne et le Japon, seul vrais rivaux sur un marché international saturé. Mais la presse patronale continue à pointer la Chine.

La véritable concurrence avec la Chine est en réalité… sur le marché chinois ! En 2024, 26 millions de voitures y ont été vendues, autant que les États-Unis et l’Europe réunis. Il est le seul en expansion : les ventes y ont progressé de 17 % entre 2022 et 2024. Ailleurs, la « menace chinoise » est – pour le moment – très relative. En 2023, les exportations chinoises s’élevaient à 4,4 millions de véhicules (de marques occidentales, japonaises, coréennes ou chinoises), soit 5 % du marché seulement, loin du tsunami décrit par certains pour justifier licenciements massifs et course aux subventions.

La véritable crainte des constructeurs occidentaux concerne l’électrique, et donc l’avenir promis au secteur : avec 70 % des réserves mondiales de terres et métaux rares, 90 % de l’extraction, des technologies plus performantes dans le domaine et la fin prévue du moteur thermique en Europe, la Chine a elle aussi les moyens d’une politique offensive… à laquelle les pays occidentaux répondent par des taxes douanières et autres normes anticoncurrentielles.

Riposte protectionniste en Europe : punir les ouvriers de tous les pays !

L’Union européenne, qui a exporté 880 000 voitures aux États-Unis en 2024, voit ses constructeurs menacés… surtout par Trump, bien plus que par la Chine. En premier lieu, Volkswagen, le constructeur européen qui vend le plus de voitures aux États-Unis, dont 39 % sont fabriquées en Allemagne et 40 % au Canada ou au Mexique. De son côté, Stellantis, dont la majorité des voitures vendues aux États-Unis y sont produites, mais dont 37 % sont construites au Mexique ou au Canada, a réagi aux annonces de Trump en fermant temporairement deux usines – Jeep au Mexique et Chrysler au Canada – avec 1 000 salariés aux États-Unis laissés sur le carreau. Les premières conséquences du protectionnisme américain sont donc des emplois supprimés… aux États-Unis.

Merci Trump !

Léo Baserli

 

 


 

 

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