Nos vies valent plus que leurs profits

Automobile : l’UE vole au secours des constructeurs et de leurs profits

La Commission européenne a présenté début mars un « plan d’action » pour soutenir le secteur automobile. Pas pour stopper la vague de licenciements, mais pour alléger les contraintes imposées aux constructeurs dans la transition vers l’électrique.

Le lobbying des constructeurs

L’Union européenne (UE) négocie depuis des années une baisse progressive des ventes de véhicules thermiques d’ici 2035 avec le patronat. Pour l’instant, cette échéance n’est pas remise en cause, mais les constructeurs exigent depuis des mois que les paliers intermédiaires de « décarbonation » des ventes soient révisés.

Luca de Meo, le directeur général du groupe Renault, l’a répété : l’objectif fixé pour l’année 2025 était trop ambitieux. Pas tant pour des raisons techniques, mais car les ventes de véhicules électriques sont trop faibles, à cause de leurs prix exorbitants. Et les constructeurs européens de menacer de nouvelles suppressions de postes, qui s’ajouteraient à celles déjà prévues (35 000 dans le groupe Volkswagen, par exemple). Peu importe les milliards de profits engrangés ces dernières années.

Le chantage à l’emploi

Début 2025, deux sites de véhicules utilitaires Renault viraient un millier d’intérimaires : plus de 300 à l’usine de Sandouville (Seine-Maritime) et plus de 700 à celle de Batilly (Meurthe-et-Moselle). Un carnage pour ces travailleurs précaires, et une galère pour les salariés restants, obligés de trimer davantage.

De quoi forcer la main à la Commission européenne en menaçant d’une hécatombe de licenciements en cas d’application de la nouvelle norme ? Miracle : quelques semaines plus tard, le patronat de l’automobile obtenait gain de cause : la réglementation européenne prévue pour 2025 va être assouplie et le plafond autorisé pour les émissions de CO₂ sera calculé sur la moyenne des années 2025, 2026 et 2027. De quoi rassurer les constructeurs, qui n’auront pas à brader leurs chers véhicules électriques pour en augmenter les ventes afin de réduire leurs émissions de CO₂ et de rentrer dans la norme. Tant pis pour l’environnement, au moins leurs profits sont sauvés.

Quant à la casse sociale, elle n’est pas près de s’arrêter. Les intérimaires mis à la porte de Batilly et de Sandouville en savent quelque chose : malgré l’annonce de l’assouplissement des normes européennes, la suppression de leurs postes n’a pas été annulée.

18 mars 2025, Lucien Massa et Hugo Weil