
Le 10 septembre, nous nous sommes retrouvés à lutter aux côtés de bien des militants ou sympathisants de la France insoumise. Celle-ci appelle aujourd’hui à continuer la lutte. Tant mieux, mais derrière quelles perspectives ?
Une politique de relance… pour qui ?
Sur le plan économique, Mélenchon dénonce la « politique de l’offre » de Macron et de son prédécesseur Hollande, faite de cadeaux au patronat et d’attaques pour réduire le « coût du travail ». Une politique incapable selon lui de résoudre le problème structurel qui nuirait à l’économie française, à savoir que les capitalistes n’investiraient plus assez dans des investissements productifs. Il s’agirait dès lors pour l’État d’opérer une grande « relance écologique et sociale », faite d’investissements publics ciblés. Rien de très original à vrai dire : des gouvernements, de droite comme de gauche, ont pu à bien des moments pratiquer ces plans de relance pour accourir au secours de leurs capitalistes et remplir les carnets de commande. Aurélie Trouvé, députée LFI, ne le dit d’ailleurs pas autrement : « tout ça va créer beaucoup de prospérité et de stabilité pour les entreprises en réalité ». Nous voilà rassurés pour les profits patronaux, moins pour ce que pourront en tirer les travailleuses et travailleurs. La « relance écologique et sociale » à la sauce LFI serait aussi une manière de retrouver une « souveraineté industrielle » en voie de disparition : comme si l’exploitation patronale avait meilleur goût quand elle était française et que cela empêchait les suppressions d’emplois.
Quant à la politique de soutien au pouvoir d’achat, qui profiterait toujours aussi selon la FI aux entreprises à travers la hausse de la consommation engendrée, une seule question : comment imposer de réelles augmentations de salaire ? Par le bon vouloir de patrons soudainement convertis au mélenchonisme ?
En réalité, en s’échinant à faire croire qu’une bonne politique économique de l’État pourrait être profitable à tous, ces discours cachent surtout l’essentiel : les intérêts contradictoires entre les patrons et celles et ceux qu’ils exploitent. Le patronat tient le gouvernail de l’économie et fait ses choix d’investissement en fonction des profits à se faire : c’est seulement en contestant directement ce pouvoir par nos luttes que l’on pourra imposer nos revendications, sur les salaires, l’âge de départ à la retraite et tout le reste.
À quoi ressemblera « la révolution citoyenne » ?
Jean-Luc Mélenchon s’est gargarisé dans son meeting à la Fête de l’Humanité que la mobilisation de la France insoumise avait permis de renverser deux gouvernements « sans tirer un coup de fusil ». Et propose un modèle pour la suite : il s’agirait de combiner « action populaire auto-organisée » et « action institutionnelle » pour destituer Macron. Nul besoin dès lors que « les insoumis cherchent à prendre la tête » des mobilisations sociales… puisqu’elle reviendrait d’office aux députés LFI. « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » peut bien répéter Mélenchon après Marx, mais c’est pour rajouter directement derrière : travailleur, mobilise-toi mais… pas touche à la politique ! Derrière les accents radicaux de Mélenchon, on retrouve les vieilles illusions électorales convoyées par la gauche de Mitterrand à Hollande : l’arrivée au pouvoir par les urnes d’un vrai homme politique de gauche suffirait à résoudre les problèmes des travailleurs et des pauvres.
Que Macron, ennemi revendiqué des travailleurs, dégage sous la pression d’une mobilisation d’ampleur ? Bon débarras, personne ne le regrettera. Mais pour s’attaquer à la dictature des patrons et des milliardaires sur la société, faire tomber Macron n’y suffira pas. Seule l’intervention directe des travailleurs, organisés démocratiquement dans leurs propres structures de lutte et de pouvoir, pourra la remettre en cause… et non pas une nouvelle voie de garage électorale.
16 septembre 2025, B.L.