Nos vies valent plus que leurs profits

Canons à vendre !

Vendredi 14 mars, du PDG de Dassault à celui de Thalès, en passant par celui de Naval Group, le gotha des marchands d’armes français était à l’Élysée. Macron les y a incités à « renforcer nos armées le plus rapidement possible » et à « accélérer la réindustrialisation dans toutes nos régions ».

La France est le deuxième exportateur mondial d’armes, certes très loin du premier, les États-Unis. Cinq grands groupes classés dans le top 50 des entreprises d’armement se partagent le marché. Le premier d’entre eux, le secteur Défense d’Airbus (18 % de la production totale d’Airbus), est douzième dans ce classement, avec 12 milliards d’euros de vente en 2024. Loin derrière le premier, l’américain Lockheed Martin, qui en vend cinq fois plus. Derrière, Thales, Safran, Naval Group, Dassault, sont tous classés dans le top 50, suivis de Nexter, le fabricant du canon Caesar dont Macron est si fier, qui ne rejoint les autres qu’avec son allié, le constructeur allemand des chars Leopard : la guerre au sol tue beaucoup mais rapporte moins.

La loi de programmation militaire 2024-2030 a déjà fait beaucoup pour eux, en augmentant le budget avec l’approbation très large des députés et sénateurs (à peine 87 « non » à l’Assemblée et 17 au Sénat) pour atteindre en 2030 le double des dépenses militaires de 2017, l’année de l’arrivée de Macron à la présidence. Et la guerre d’Ukraine a explosé les ventes.

Les patrons de l’armement se sont flattés d’avoir déjà eu les capacités d’accroître les cadences depuis 2022 et ont promis à Macron de faire mieux. Mais « à la condition de signer des commandes fermes », ont-ils précisé selon Le Figaro (qui, soit dit en passant, appartient au groupe Dassault), pas sur de vagues promesses : les fameux 800 milliards ont été annoncés mais pas encore mis sur la table.

Où trouver ce fameux argent ? Dans l’épargne de la population, nous dit Macron. Pas celle des riches : ils investissent déjà pour que ça leur rapporte gros. Dans les économies des petits, celles des livrets A, dont l’État peut disposer pour prêter aux industriels quasiment sans intérêts. Alors, va pour les marchands d’armes, puisque des logements sociaux (auxquels cet argent est supposé servir), on n’en construit presque plus. Pour les magnats du béton il y aura toujours, demain, le marché de la reconstruction en Ukraine.

Faut-il produire des obus pour ne plus être au chômage ?

Et quid de cette « réindustrialisation dans toutes nos régions » ? À Caudan, dans le Morbihan, le PDG du groupe Europlasma s’est frotté les mains à l’idée de transformer la Fonderie de Bretagne, à Caudan, ancien équipementier du groupe Renault ; il compte y fabriquer 24 000 obus par mois. Le groupe en fabrique déjà 6 000 par mois dans une fonderie qu’il a rachetée à Tarbes. Toujours pour ce canon Caesar made in France, fleuron du pilonnage de précision sur 40 kilomètres de distance.

Dans la région Centre-Val de Loire, c’est le président socialiste de la région qui met en musique les appels d’offres pour reconvertir les anciennes usines de sous-traitance automobile et promet de réunir dans les prochains jours les entreprises de l’armement. « On va encore enrichir les gros groupes marchands de canons en demandant des efforts aux travailleurs et en enlevant des budgets au social », commente un responsable CGT de la fonderie Eurocast près de Châteauroux, cité par France 3, le 13 mars dernier.

C’est bien le problème.

Olivier Belin