
Cerné d’un côté par une des quatre voies les plus sillonnées de l’agglomération, et de l’autre par une forêt d’immeubles d’habitation qui lui barre l’horizon, le camping municipal de la Saline a des allures de canard boiteux dans son genre. Il a pourtant ses inconditionnels. À l’année, près de 40 résidents, logés en mobile homes. Et aussi des ouvriers en déplacement, bien souvent à l’arsenal de la Marine, là où Naval Group fabrique des sous-marins nucléaires : du camping, on peut rejoindre le chantier à pied presque plus vite qu’en voiture. Ajoutez des prétentions tarifaires réduites au minimum et la mer à cent mètres : voilà pourquoi certains résidents y vivent depuis des décennies.
Mais que des retraités et des ouvriers précaires se fassent leur coin de paradis où ça leur chante, la préfecture n’en a cure. L’an dernier, appliquant une nouvelle loi, elle a mis en demeure la municipalité de faire des travaux et d’assurer la présence d’un gardien 24 heures sur 24, pour le cas où un accident nucléaire se produirait. Les élus ont fait leurs comptes. En janvier dernier, ils annonçaient la fermeture du camping, renonçant à une dépense qu’ils estiment à 200 000 euros annuels et qu’ils ne voulaient faire supporter ni aux résidents du camping, ni à leurs administrés. Ni le préfet ni le maire ne semblent avoir eu l’idée de présenter la facture à Naval Group. Quand il s’agit d’accueillir les familles de quelques dizaines d’officiers d’une marine de guerre cliente, tout ce beau monde se met en quatre : logements, places en crèche et même ouverture d’une école privée pour les gosses, rien n’est trop beau. Et tant pis si, un revers amenant la perte du contrat comme ça a été le cas avec les douze sous-marins pour l’Australie, tous ces projets finissent à la poubelle du jour au lendemain !
Les résidents ont tempêté, pétitionné, donné des interviews dans la presse locale… Mais à maintenant moins d’un mois de l’échéance, rien ne semble devoir arrêter la fermeture. Quant aux habitants des immeubles tout proches qui n’ont pas, eux, de gardien 24 heures sur 24, ils devront se contenter de croire qu’en cas d’accident nucléaire, le béton arrêtera les radiations.
Pourtant, il y aurait bien une solution à tous ces problèmes, y compris celui de l’emploi à l’arsenal. Ce serait que nous, travailleurs, nous décidions de ce qu’on produit, où et comment, des normes de sécurité et de leur application. C’est aussi à éviter de briser des vies par la fermeture d’un camping que ça servirait, la révolution.
27 avril 2025, Correspondant