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Dans les usines de production, l’exploitation s’accentue… mais la colère s’accumule

Réunion publique du NPA Révolutionnaires à Besançon le 2 mai 2024

 

 

Intervention de Bertrand, ouvrier de fabrication à Stellantis Mulhouse, à la réunion publique du NPA du 2 mai 2024 à Besançon

Je m’appelle Bertrand et je travaille depuis 36 ans sur le site de Peugeot à Mulhouse, à la chaîne. Il y a quelques années les groupes Peugeot et Fiat ont fusionné pour créer la multinationale Stellantis.

Donc, à Stellantis Mulhouse, on est actuellement 4200 salariés en CDI ainsi que 1090 intérimaires. On produit quatre véhicules différents et six silhouettes différentes sur la même chaîne, à raison de presque 400 véhicules en sept heures.

Le rythme de travail est tel que même les jeunes intérimaires qui sont jusqu’à 80 % sur les chaînes, ont du mal à tenir les cadences qui sont demandées. Quant aux anciens, ils ont tous des problèmes de santé multiples.

Ces derniers temps, rien que sur les chaînes de montage, c’est encore des dizaines de postes qui sont supprimés. Il y a quelques jours sur BFM, il y avait un salarié de Peugeot Poissy qui était sur le plateau et le journaliste a eu l’air complètement étonné : « Quoi ? Vous êtes en train de dire qu’aujourd’hui les conditions de travail se dégradent en 2024 ? » Oui, les conditions de travail se dégradent ! Tout ça pour dire que ces gens-là sont complètement déconnectés des réalités et du monde du travail.

En plus des cadences qui sont intenables, c’est des pressions pour tout et n’importe quoi : pour un défaut, un arrêt de chaîne ou tout simplement pour avoir regardé son téléphone pendant un arrêt.

Depuis 2021, le taux de fréquence des accidents du travail a augmenté de 30 %, les accidents du travail avec arrêt ont doublé et le taux de gravité a été multiplié par trois. Malgré les pressions pour cacher et ne pas déclarer les accidents pour les intérimaires, le taux de fréquence a été multiplié par trois et il est deux fois supérieur à celui des embauchés.

Alors, c’est l’automobile, mais c’est partout le même constat. En France le nombre de morts au travail pour les mois de janvier et février est de 80, contre 54 au cours de la même période l’année dernière et 47 en 2022.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, autour de moi c’est majoritairement des intérimaires qui viennent des différents quartiers de Mulhouse mais aussi des quatre coins du monde pour fuir les guerres et la misère. Beaucoup d’Afghans, de Soudanais, d’Ukrainiens. Pour eux, en plus des difficultés dues au travail et au déracinement, se rajoute le problème des papiers. Du jour au lendemain, le chef vient te voir pour te dire que tu ne peux pas venir demain, car ta carte de séjour n’est plus valable. Ces choses-là sont fréquentes et la préfecture n’est pas pressée d’envoyer les papiers à temps.

Alors, même si c’est compliqué, il y a quand même de la résistance, avec des intérimaires qui se regroupent pour revendiquer la même prime d’intéressement que les embauchés, pour faire grève contre les rallongements d’horaire quotidiens de dix minutes qui rognent nos pauses. Ou encore certains qui ont participé aux manifestations sur les retraites l’année dernière.

Depuis quelque temps, ils nous ont inventé le travail à la carte : pour réduire les coûts ils ont fortement réduit les stocks entre les différents équipementiers et nous. Depuis quatre-cinq ans, c’est le flux tendu poussé à l’extrême. Presque la moitié de l’année, il faut téléphoner quelques heures avant la prise de poste à un numéro vert, pour savoir si on va travailler. Chaque semaine c’est d’autres pièces qui manquent et c’est donc chômé. On marche sur la tête.

Pour les embauchés c’est des jours à récupérer les samedis ou quand il y en a trop, payés par l’assurance chômage avec des pertes sur le salaire. Mais pour les intérimaires c’est des pertes chaque mois et souvent des payes qui tournent autour de 1000 euros.

Alors Stellantis et sa politique ont aussi des conséquences sur les équipementiers qui sont mis sous pression et là aussi il y a des répercussions sur les salariés de ces entreprises.

Par exemple, depuis le 16 avril chez MA France, un sous-traitant qui travaille à 80 % pour Stellantis, dans la région parisienne, les 300 travailleurs sont en grève contre la fermeture de leur site qui a été décidée par Carlos Tavares. Les salariés réclament une prime de départ de 70 000 euros. Cette grève a pour conséquence de bloquer la production de trois sites du groupe, celui d’Hordain dans le Nord, celui de Poissy en région parisienne et un site en Angleterre. Pour l’instant Stellantis subit la pression des grévistes, puisqu’elle n’arrive pas à faire produire ces pièces ailleurs. C’est une sacrée épine dans le pied pour eux, et c’est tant mieux pour les grévistes.

Ces derniers jours, le salaire de notre PDG a fait la une de la presse avec pas moins de 100 000 euros par jour, soit ce qu’un ouvrier met quatre années à gagner. Alors les médias ne tarissent pas d’éloge pour ce PDG qui serait exceptionnel.

En réalité, en dix ans, c’est 130 000 emplois qui ont été supprimés dans les usines du groupe, dont 22 000 rien qu’en France. Et les menaces pèsent actuellement sur de nombreux sites comme Douvrain, Poissy, Trémery, Metz Borny, mais également sur plusieurs sites en Italie.

Alors, si le salaire de Tavares écœure bien sûr tous les salariés autour de moi, ce n’est pourtant rien, comparé à ce que gagnent ceux dont on ne parle jamais, les vrais dirigeants du groupe, les principaux actionnaires et les 18 millions d’euros qu’ils se mettent dans la poche chaque jour. Vous avez bien entendu, 18 millions chaque jour, pour les familles Peugeot et Agnelli !

Toute cette fortune repose sur des suppressions d’emplois, des fermetures d’usine partout dans le monde, avec leur cortège de drames et de misère et sur une exploitation toujours plus sauvage dans les ateliers et les usines du groupe.

Cette classe parasite a fait son temps, elle ne crée que misère et guerre. Il est temps d’y mettre un terme : urgence révolution !