Nos vies valent plus que leurs profits

De l’art de prendre le train en marche… ou pas

Paris, mars 2023. Carré de tête de l’intersyndicale. Photothèque Rouge / Copyright : Martin Noda / Hans Lucas.

Si Bayrou a attendu le 15 juillet pour préciser en détail ses attaques, les grandes lignes en étaient connues dès le printemps. Les 40 à 50 milliards d’euros de prétendues économies à faire sur le dos des seuls travailleurs auraient pu – et dû – amener les directions syndicales à alerter et préparer la lutte. Mais non, rien. Et pas grand-chose de plus après le 15 juillet. Ce silence a rendu d’autant plus audibles les appels à tout bloquer lancés par de parfaits inconnus. Ils exprimaient ce que des millions fulminaient chacun dans son coin.

Certains dirigeants syndicaux, comme le cégétiste Laurent Brun, ont eu comme réaction immédiate d’accuser les initiateurs d’un « blocage du pays » le 10 septembre d’être des ennemis. Comme si tout ce qui bouge hors des syndicats et de leur contrôle était nécessairement piloté au périscope par des sous-marins d’extrême droite. Cela n’est pas passé auprès de militants et autres « cadres intermédiaires » syndicaux – l’expérience du mouvement des Gilets jaunes, que certains regrettent d’avoir tardé à rejoindre, a pesé. D’où des volte-face syndicales salutaires ! Des appels de syndicats voire d’intersyndicales locales, et parfois de fédérations comme SUD-Rail, se sont multipliés à mesure que la pause estivale s’achevait.

Du côté des confédérations, Solidaires puis la CGT se sont décidées à rejoindre les appels, cette dernière en prenant son temps, le 27 août. Mais deux jours plus tard, coup de théâtre : une intersyndicale regroupant les huit confédérations appelle à la mobilisation le… 18 septembre, sans même mentionner le 10 septembre ! Pour mieux le supplanter ? C’est clairement la stratégie de la CFDT, qui vient d’inviter Bayrou à son université d’été. Que les centrales autoproclamées « combatives » comme la CGT ou Solidaires signent cet appel traduit leurs atermoiements et, au fond, leur crainte de perdre le contrôle d’une situation qui pourrait leur échapper. Elles veulent pouvoir dire qu’elles en sont sans renoncer à leur rôle d’interlocuteur du pouvoir et du patronat (rappelons les mois de conclave récent sur les retraites).

De toute façon, le succès de la mobilisation en cours ne dépend pas des communiqués au sommet, et c’est tant mieux. Car la formule devenue rengaine « la grève partout où c’est possible » n’aide en rien à convaincre que c’est justement le moment d’y aller.

Cela va donc dépendre des militants et militantes, des vétérans comme ceux pour qui la lutte est chose nouvelle, de l’énergie mise par chacun à relayer les appels de papier et les transformer en lutte réelle. Cela va dépendre du répondant que nous allons trouver dans toute la société.

C’est en nous, et nous seuls – travailleurs, en emploi stable ou non, ou chômeurs, jeunes qui ne veulent devenir ni chair à canons ni chair à patrons, retraités radicalisés – que réside la force. C’est à nous de construire notre mouvement, de lui donner une direction qui, émanant d’assemblées générales, de coordinations de luttes, centralisera les forces et permettra de vaincre.

Mathieu Parant

 

 


 

 

À quelques jours du 10 septembre : les articles parus dans Révolutionnaires no 40