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De l’extrême droite à la gauche, au fond, tous d’accord, pour l’Europe des barbelés

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, membre du parti conservateur chrétien-démocrate allemand, a fait aboutir en mai 2024 le projet de Pacte sur la migration et l’asile. Un pacte salué par l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen. Ce pacte prévoit de tripler le nombre de gardes-frontières de l’agence européenne Frontex, portant leur effectif à 30 000. Il prévoit aussi de durcir le droit d’asile en rendant obligatoire aux frontières extérieures le filtrage qui consiste à enfermer les migrants dans des camps le temps des procédures.

La soupe démagogique au service de l’exploitation renforcée

Le patronat a besoin des travailleurs immigrés pour les boulots les plus durs et précaires. Et même les démagogues d’extrême droite s’y plient sans sourciller !

En Hongrie, Viktor Orbán a pris des mesures d’assouplissement de l’immigration à la demande du patronat de l’automobile.

Le gouvernement grec, pourtant de la droite dure, a suivi la même tendance. Là-bas, le patronat a besoin de 180 000 travailleurs agricoles chaque année. Ni une, ni deux, une nouvelle loi a été votée : les travailleurs sans-papiers disposant d’un contrat de travail peuvent obtenir un permis de séjour de trois ans. Oui mais voilà : ils doivent immédiatement quitter le territoire s’ils perdent leur emploi. Et, récemment, c’est Meloni en Italie, admirée par Le Pen en France, qui a fait voter des mesures similaires.

La gauche n’est pas en reste. Au Danemark, Mette Frederiksen, membre du Parti social-démocrate, s’est fait réélire en 2022 en présentant l’immigration comme un danger. En Espagne, le socialiste Pedro Sanchez loue l’immigration comme « une chance pour le pays », traduire : un moyen d’organiser l’exploitation des travailleurs saisonniers marocains. C’est le même socialiste qui, le 10 octobre dernier, a demandé d’avancer d’un an l’entrée en vigueur du Pacte sur la migration. En Allemagne, le social-démocrate Olaf Scholz a décidé récemment de rétablir le contrôle aux frontières.

Voilà à quoi servent les discours et lois anti-immigrés : précariser toujours plus une partie des travailleurs. En contrôlant plus durement les déplacements sur la planète, le patronat veut sélectionner au mieux la force de travail dont il a besoin.

Dans l’usine mondiale qu’est le capitalisme, chaque travailleur doit être mis à sa place, selon une seule préoccupation : maximiser les profits.

Les camps de la honte

L’Europe, par le biais de Frontex et des polices aux frontières, enferme les migrants dans des camps ou centres de rétention le temps d’effectuer les procédures d’asile. En Grèce, il existe au moins huit camps officiels. En Italie, quatre camps sont dédiés aux arrivées par la Méditerranée. L’Espagne gère plus de cinq camps. La France n’a qu’un camp officiel à Briançon, mais plusieurs camps informels se sont formés à Calais, Dunkerque et Paris. Les dirigeants politiques se targuent de les « évacuer » pour montrer leur fermeté. Une démagogie de plateau télé qui masque une violence honteuse : des centaines de flics envoyés au petit matin pour lacérer les tentes, confisquer toutes les affaires et violenter tout le monde. Les ordres donnés sont clairs et vont même jusqu’à interdire de donner de l’eau aux bébés sur place.

L’Europe délègue, entre autres à la Turquie (trente camps), à la Libye (treize camps) et à la Tunisie (huit camps) la gestion des migrants. Les camps libyens sont souvent contrôlés par des milices paramilitaires (brigades Al-Nasser, Brigade 301, Brigade d’Abou Salim), qui, outre l’esclavage et la torture, demandent des rançons en échange de la liberté. En Turquie, environ 142 000 migrants ont été déportés depuis octobre 2023 avec l’approbation de l’UE, dont le logo apparaît sur les bus et les systèmes de contrôle.

La sous-traitance du sale boulot

En 2016 puis 2020, l’UE a signé un accord avec la Turquie, d’une valeur de 6 milliards d’euros, afin que le pays prenne en charge les réfugiés, notamment syriens. En réalité, la Turquie pratique des refoulements massifs. En juillet 2023, un accord a été signé avec la Tunisie après des négociations tripartites entre Kaïs Saïed, Meloni et l’UE. Il prévoyait une aide de 105 millions d’euros pour lutter contre l’immigration irrégulière, ainsi qu’une aide budgétaire de 150 millions d’euros pour l’État tunisien.

Depuis 2013, l’UE finance le Maroc pour la gestion des flux migratoires, à hauteur de 300 millions d’euros. La police marocaine protège la frontière de Ceuta, une enclave espagnole au nord du pays. L’Espagne finance cette collaboration (30 millions d’euros en 2022) tout en autorisant une immigration saisonnière pour le ramassage des fruits et légumes.

L’UE et ses dirigeants ne veulent pas se salir les mains et préfèrent sous-traiter le sale boulot à coup de milliards qui manquent ailleurs. Voilà la mesure de leur courage politique : durs contre les pauvres parmi les pauvres, mais à genoux devant les puissants de ce monde capitaliste.

29 octobre 2024,  Arvo Vyltt

 

 


 

 

Cet article est paru dans un dossier de Révolutionnaires no 21.

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