Du 6 au 8 février 2024 se sont déroulées les élections des représentants étudiants dans les conseils d’administration (CA) des Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous). Ces organismes historiquement gèrent principalement les bourses, les logements étudiants, les aides sociales et la restauration (restaurant universitaire, cafet, etc.) pour 2,8 millions d’étudiants.
Une participation en forte hausse
Le taux de participation à ces élections est de 8,77 %, ce qui peut paraitre faible. Mais comme l’indique les Crous « il s’agit du plus haut niveau de participation à ces élections depuis plus de dix ans ». En effet, à la surprise générale, 199 766 étudiants et étudiantes ont voté. Surprise générale, car depuis plus de dix ans la participation ne cessait de baisser. En 2021, on comptait 84 133 votes (il nous manque les résultats de Nice-Toulon – ainsi que les votes blancs). Si l’on retire Nice et les votes blancs, la participation 2024 est de 191 525. Le nombre de voix est multiplié fois 2,3 d’une élection à l’autre !
Le taux de participation se calcule sur le nombre total d’étudiantes et d’étudiants inscrits, mais nous savons qu’un nombre important abandonnent leurs études en cours de route. Si l’on comparait à la présence réelle dans les facs (en prenant par exemple le chiffre des présents et présentes aux examens) le taux de participation serait plus élevé, tout en restant minoritaire chez les étudiants, qui ne voient pas tous l’intérêt de participer à ces élections.
L’extrême droite à l’offensive
Ces élections ont été marquées par une tentative d’apparition importante de l’extrême droite étudiante. L’UNI (issue de la droite traditionnelle, a fait campagne pour Le Pen et Zemmour depuis 2022) et la Cocarde étudiante (antenne étudiante du Rassemblement national − directement biberonnée par Jordan Bardella qui l’utilise comme moyen pour s’implanter dans la jeunesse) se présentaient dans de nombreuses académies. Cette dernière, alors qu’elle ne s’était présentée que dans deux académies en 2021, s’est présentée cette année dans quatorze des vingt-six académies !
Le gouvernement nourrit l’extrême droite, reprenant de plus en plus ses idées, en les retranscrivant en loi ou annonces (loi immigration, réarmement démographique, annonce toute récente sur le droit du sol à Mayotte). Elle déverse quotidiennement son venin réactionnaire sur les plateaux télé et radio. C’est cela qui leur a donné la force politique de déposer davantage de listes que précédemment.
Malgré cet atout, l’extrême droite a pris une veste. L’UNI perd trois élus par rapport à 2021 et la Cocarde n’obtient aucun élu sur les 14 académies. Et ce malgré des règles électorales faites pour favoriser les petites listes. Heureusement, un torrent de voix contre l’extrême droite les ont noyés. De plus, ils semblent ne pas avoir trop osé montrer leur tête, se contentant de montages vidéos sur les réseaux. Dans une fac, ils ont même offert des bières « une voix, une bière »… Cerise sur le gâteau, le premier jour des élections, l’un de leurs principaux dirigeants à Lyon a été arrêté et mis en prison sur le tas pour avoir agressé au couteau plusieurs jeunes la semaine précédente. En bref, une belle semaine pour la Cocarde.
Un signal clair contre l’extrême droite et le gouvernement
Du côté des syndicats étudiants composés de militants de gauche et d’extrême gauche, la victoire est claire. 38 élus pour l’Unef, 64 pour l’Union étudiante, 1 pour Solidaires étudiants. La Fage (organisation corporatiste) perd une quinzaine d’élus pour atteindre les 56. Pour la première fois depuis plusieurs élections, la progression d’élus et de voix est du côté de la gauche et non de la Fage (anciennement macroniste, aujourd’hui dans « l’opposition » de type CFDT). C’est aussi la première fois que les camarades de l’Unef-Tacle (tendance lutte de classe dans l’Unef animée par des militants d’extrême gauche) participent à ces élections et obtiennent des sièges à Versailles, Lille, Grenoble et en Lorraine.
Ce résultat montre la construction militante des organisations syndicales, pour la première fois elles ont réussi à déployer des militants et des militantes partout. Celles-ci se sont construites ces dernières années. Mais il traduit également, d’une manière déformée certes, la politisation croissante des étudiants et étudiantes « à gauche » et notamment dans les organisations de jeunesse qui investissent des syndicats. Attaqués depuis des années, que cela soit par le renforcement de la sélection, l’explosion de la précarité, et toutes les réformes réactionnaires du gouvernement, une partie des étudiants ont exprimé électoralement le rejet de ces politiques. Ce vote s’explique aussi par la forte opposition à la présence de l’extrême droite. Mais ce ne sont pas la grosse centaine d’élus syndicalistes qui vont permettre au milieu étudiant d’en finir avec les politiques antisociales et battre les réacs, mais bien les luttes sociales.
Et maintenant ? Construisons la riposte du mouvement étudiant !
L’augmentation du nombre d’élus syndicalistes est un signal clair pour Macron et ses amis les patrons, mais, de notre côté, soyons clairs : ce ne sont pas dans les instances pseudo démocratiques du Crous (ou même des facs) que va se jouer la confrontation avec le gouvernement. En effet, dans tous les CA des Crous, les étudiants et étudiantes sont clairement minoritaires : sur les 29 élus membres de chaque CA, seuls 7 sont étudiants ou étudiantes… et même s’ils l’étaient, les élus ne vont pas débloquer le budget national de l’enseignement supérieur ou stopper les plans du gouvernement.
Macron casse les budgets, supprime les APL, renforce la sélection à l’université, encourage le développement du privé et déploie un programme nationaliste avec le SNU et la généralisation de l’uniforme à l’école. D’énormes attaques contre la jeunesse, le tout dans un contexte d’attaque contre tous les travailleurs, qui nécessitent qu’on prépare dès maintenant les prochaines journées de mobilisation pour imposer une défaite à ce gouvernement ! Une partie de la jeunesse nous indique sa volonté de ne pas se laisser faire, à nous de l’aider à faire ses armes !
Victor Mendez et Barth Ruz