
Le projet de loi de finances pour 2026, présenté par Lecornu, prévoit la suppression des APL pour les étudiants internationaux non boursiers qui ne viennent pas de l’Union européenne.
Étudier, c’est une galère et ça coûte encore plus cher quand on n’a pas les bons papiers
Les étudiants étrangers représentent 14 % de la totalité des étudiants seulement (soit un peu plus de 410 000 personnes), et ce chiffre englobe à la fois ceux qui arrivent au moment des études supérieures et ceux qui sont arrivés au collège ou au lycée sans obtenir la nationalité (près de 99 800 personnes). Depuis 2019, les étudiants étrangers extra-communautaires doivent s’acquitter de droits d’inscription différenciés, à hauteur de 2 895 euros pour une année de licence et de 3 941 euros pour une année de master en 2025-2026. C’est la conséquence du plan ironiquement nommé « Bienvenue en France » de 2019, multipliant par 15 les frais d’inscription pour les étudiants hors Europe.
Faire des études reste l’un des moyens d’avoir un visa en France, cela représente un tiers des primo visas accordés. Mais obtenir ce visa coûte cher : les frais de dossier (99 euros pour un visa long séjour) ne constituent que la partie émergée des coûts. Pour solliciter Campus France, il faut fournir : un acte de naissance, un certificat de nationalité, une carte d’identité et un passeport… Des procédures à faire dans le pays d’origine, souvent longues et payantes. Par la suite, il faut aussi souscrire une assurance voyage rapatriement, fournir les justificatifs d’une réservation d’un vol aller-retour, attester d’un hébergement pendant la durée du séjour. Ainsi, rien que pour pouvoir venir étudier en France, il faudra débourser (hors inscription universitaire) près de 10 000 euros pour un visa de 12 mois1. Or, les étudiants étrangers rapportent plus qu’ils ne coûtent à l’État, ne serait-ce que par la TVA !2
Des politiques discriminatoires qui se renforcent
On peut parler d’une politique d’immigration « choisie » par l’État, à travers notamment la mise en place d’exigences pseudo-méritocratiques (niveau de français, résultats aux diplômes, etc.) et financières (frais d’inscription différenciés), afin d’attirer les catégories sociales les plus élevées des étudiants étrangers. Jusqu’en 1979, il était possible de venir faire ses études en France à la condition d’avoir un diplôme dans son pays d’origine. À partir de 1979, se mettent en place des tests de français, conditions de revenus pour les familles envoyant des enfants en France, etc. En 2011, la circulaire Guéant augmentait le seuil de ressources nécessaires au départ, en cherchant à diminuer la délivrance des visas étudiants et en demandant aux préfets de complexifier encore le passage du statut d’étudiant à celui de travailleur.
Donnant dans la surenchère raciste, Darmanin prévoyait dans sa loi Asile et immigration de 2024 de demander aux étudiants étrangers de laisser une caution lors de leur entrée sur le territoire, qu’ils ne pourraient récupérer qu’à leur sortie. Un moyen de décourager les plus modestes qui ne peuvent s’acquitter de cette caution, et de faire un amalgame crasse entre immigration et délinquance, puisque la caution était perdue en cas de condamnation. Le Rassemblement national peut se gargariser de « victoire idéologique » !
Le racisme est parfois assumé sans même qu’il soit inscrit de manière pernicieuse dans des décrets ou circulaires. Parce qu’une étudiante avait été accusée de posts antisémites sur les réseaux sociaux (effacés depuis), les autorités ont suspendu de l’accueil de tous les étudiants palestiniens de Gaza en août 2025, en plein génocide !
La dépendance au visa impose une situation précaire : il y a d’une part le risque de ne pas l’obtenir, mais aussi celui de se le voir retirer au cours de ses études. Enfin, la lenteur volontaire des démarches administratives peut rendre des étudiants « sans-papiers » alors même qu’ils ont fait leurs démarches à temps. Ainsi, même une fois sur place, les difficultés ne s’arrêtent pas : dans la plupart des questionnaires universitaires, les étudiants étrangers disent manquer d’information, rencontrer des difficultés d’intégration, subir des remarques racistes ou xénophobes de la part de leurs camarades de classe, de leurs professeurs et des différentes administrations universitaires et étatiques. Ces difficultés expliquent notamment que les deux-tiers des étudiants internationaux en France ne parviennent pas à obtenir leur licence en trois ans, mais aussi leur surreprésentation dans les dossiers des « sans-facs » déposés à Nanterre, Lille, Lyon, Grenoble ou Metz. Or, les mobilisations annuelles pour exiger leur inscription, ainsi que les mobilisations étudiantes de 2018 à 2020 ayant contraint certaines facs à ne pas appliquer les frais d’inscriptions différenciés montrent qu’il est possible de faire reculer les politiques discriminatoires de l’État !
Uma Daunai
1 Hugo Bréant, Hicham Jamid, « « Bienvenue en France »… aux riches étudiants étrangers », Plein droit 2019/4 no 123, p. 11-14.
2 Campus France, « Au-delà de l’influence : l’apport économique des étudiants étrangers en France », Les Notes, novembre 2014.