Nos vies valent plus que leurs profits

Front républicain contre lutte de classe

Le Rassemblement national n’a donc pas eu la majorité au Parlement à laquelle il appelait, et qui pouvait être crainte à la vue de son score au premier tour et du jeu déformant du scrutin uninominal par circonscription. Ce n’est pas que le RN ait perdu des voix entre les deux tours : il en a gagné dans les circonscriptions en jeu.

C’est la logique des désistements (plus généreux de la part de la gauche que de la droite) qui a pris de revers le jeu truqué d’un mode scrutin qui est destiné à donner une prime (voire la majorité) au parti qui a le plus de voix. Même s’il y a certainement beaucoup d’électeurs qui, sans forcément la moindre illusion en ceux qui à gauche donnaient consigne de voter macroniste, ou l’inverse, ont simplement voulu exprimer leur rejet de l’extrême droite et de son racisme par n’importe quel moyen. Au premier tour, le RN et ses alliés ciottistes, arrivés en tête avec 33,15 % des voix n’ont eu au final que 24,8 % des sièges des députés. Le NFP avec 28 % des électeurs a eu 31,5 % des sièges et les macronistes avec un maigre 20 % des voix au premier tour en ont glané 29,1 %.

Le Rassemblement national n’est pas encore au pouvoir. C’est un soulagement pour tous. Mais son influence est toujours là, devant laquelle tous les autres partis courant derrière le pouvoir pourraient bien continuer à se plier, en droitisant de plus en plus leur politique, sous prétexte de couper l’herbe sous les pieds du RN, et surtout pour poursuivre la politique po-patronale d’offensive contre les travailleurs, celle que nous subissons tous les jours et qui, sur le plan politique, a fait le lit du RN.

Pour savoir qui assumera la responsabilité du poste de Premier ministre, avec ses avantages, mais aussi ses inconvénients, car la fonction peut déconsidérer les candidats à 2027, chacun avance ses pions et fait ses comptes.

Premier groupe à l’Assemblée, la gauche groupée dans le NFP affirme que c’est à elle de former le gouvernement. Faure demande tout de suite que le chef en soit socialiste et il se propose, bien que la LFI ait plus de députés que le PS. Celle-ci dit ne pas manquer de candidats au poste entre Mélenchon, Bompard et Guetté, tout en sachant que ses « amis » du NFP tentent de l’écarter. Pendant que Ruffin, Autain et quelques autres prennent leur distances, Tondelier, Roussel et Guedj temporisent, tandis que Hidalgo veut que le gouvernement Attal reste en place jusqu’à la fin des JO. Loin de nous l’idée de faire des pronostics. Mais d’ores et déjà, c’est bien la volonté de gouverner sous la présidence de Macron, c’est-à-dire sous son contrôle et même sous ses ordres en termes de politique internationale, qui est affichée.

Certaines voix s’élèvent au PS ou au PCF pour envisager une « grande coalition » à l’allemande avec un rôle renforcé du Parlement, mais elles restent pour l’instant minoritaires du fait de la première place surprise du NFP au tiercé électoral.

Le « Tout le programme, rien que le programme » de Jean-Luc Mélenchon est déjà dénoncé par ses alliés d’hier. Quel « gauchisme » intolérable ! Pourtant ce « programme » ne va pas chercher bien loin. Sa seule et timide mesure phare, le smic à 1600 euros, serait déjà de trop : il faudrait pour cela une loi rectificative, explique la leader des Verts, et bien entendu le vote en échange d’une aide aux PME pour éviter la « catastrophe » économique. Quant à l’abrogation de la réforme scélérate des retraites, on découvre qu’elle ne pourrait pas être prise par décret mais nécessiterait une loi… donc des mois de palabres et d’ornières parlementaires !

Face à une gauche bourrée de complexes, la droite et les macronistes, pourtant grands perdants des élections, sont décomplexés : Les Républicains revendiquent un Premier ministre, alors qu’ils passent de 61 députés à 39.

Élisabeth Borne, réélue grâce au désistement d’un « insoumis ». se dit partisane de « trouver des majorités pour avancer sur des sujets qui peuvent être partagés par tout l’arc républicain » et voudrait l’élargir du monde des politiciens à celui de la société civile, devant associer les partenaires sociaux, syndicats et Medef à la gestion de l’économie. À rapprocher du communiqué de la CFDT se félicitant de la victoire électorale contre le RN en ces termes : « Plus que jamais, le rôle des partenaires sociaux et de la société civile organisée pour apaiser les relations, écouter et répondre aux attentes des citoyens et des citoyennes sera primordial. Le futur gouvernement devra faire avec la CFDT. »

Apaiser les relations alors que le patronat nous fait la guerre, sur les retraites, sur les salaires, contre nos camarades immigrés qu’ils veulent sans droits, sans papiers pour être corvéables à merci, alors que pleuvent licenciements et restructurations ! Au nom de « l’unité nationale », du « front républicain » qui nous sauverait du RN en menant, avant lui, sa politique ? Non merci.

10 juillet 2024, Olivier Belin

(Article paru dans le numéro 17 de Révolutionnaires)