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Après avoir déjà transformé plusieurs zones de Gaza en no man’s lands, tout le long de la frontière et autour des nouvelles routes militaires qui coupent en morceaux la bande de Gaza, jeudi 24 avril l’armée israélienne ordonnait l’évacuation de deux nouvelles zones au nord de Gaza, alors que les bombardements faisaient 55 morts dans la journée. Et l’état-major annonçait son intention d’élargir encore son offensive si les derniers otages israéliens n’étaient pas libérés. Le blocus continue, empêchant toute entrée des secours et des vivres dans Gaza, malgré les protestations de l’UNRWA (l’agence de l’ONU pour les réfugiés) et de plusieurs pays. Blocus appuyé par les États-Unis, dont l’ambassadeur en Israël somme le Hamas de signer un accord s’il veut « que l’aide humanitaire puisse entrer à Gaza ».
En Israël même, les manifestations contre Netanyahou se sont multipliées depuis la rupture de la trêve, il y a un peu plus d’un mois. Longtemps limitées à la revendication du retour des otages, elles concernent désormais aussi des appelés ou réservistes qui cherchent à ne pas partir.
Les protestations dont les médias ont le plus parlé sont celles de hauts gradés, entre autres la lettre signée par des pilotes de l’armée de l’air, des officiers des divers corps d’armée. Ils tiennent eux-mêmes à fixer les limites de leur protestation : « Cela n’est pas un mouvement de désobéissance […] Notre texte est très simple : il faut maintenant un accord pour faire libérer les otages. » Cette agitation converge avec l’opposition à Netanyahou d’une partie de la classe politique. Une gauche et un centre qui s’étaient tus pendant un an et demi de massacres à Gaza, s’enhardissent à lui reprocher aujourd’hui son entêtement, davantage que la guerre elle-même. Il en va de même du conflit qui a éclaté entre le gouvernement et le chef du Shin Bet, les services de renseignement intérieur du pays, que Netanyahou vient de destituer : ce n’est qu’une épine dans le pied du gouvernement israélien.
Bien plus marquantes sont ces manifestations, encore très minoritaires, qui brandissent des photos d’enfants de Gaza tués et des pancartes dénonçant le génocide, ou des gamelles vides pour protester contre la famine que Tsahal organise. Ces protestations-là sont intolérables pour le régime au point qu’il a promulgué l’interdiction de brandir dans la rue des photos d’enfants palestiniens. « Je ne pense pas que nous puissions nous souvenir de nos souffrances sans reconnaître celles de Gaza, la mort de dizaines de milliers d’enfants, la famine qui sévit en ce moment même et dont nous sommes en partie responsables », déclarait une femme âgée (citée par le journal The Guardian), née dans le ghetto de Varsovie et venue contre-manifester avec une poignée d’autres rescapés de son âge. Le jour où le gouvernement israélien présidait les traditionnelles cérémonies commémoratives de la Shoah, le 24 avril.
L’inquiétude monte, face au jusqu’au-boutisme de Netanyahou, y compris dans une partie des élites politiques sionistes qui l’ont jusque-là soutenu. Macron s’agite aussi et parle de restaurer une « solution à deux États » – en réalité, au vu de la situation, de trouver une façon de gérer un ghetto à Gaza. Inquiétude également du côté des gouvernements arabes voisins, d’Égypte ou de Jordanie, de voir l’expulsion de Palestiniens vers leur pays. Craintes de tous ces soutiens à Netanyahou que l’horreur sans fin de cette guerre ne soulève la révolte des autres exploités et opprimés de la région. C’est bien cette sympathie, cette solidarité de classe qui s’est exprimée dans le monde entier qui pourraient vraiment changer le sort du peuple palestinien. Nous continuerons à manifester pour dénoncer : « État d’Israël, État criminel ; États impérialistes, États complices ! »
Olivier Belin