Nos vies valent plus que leurs profits

Grand débat du Medef : bienvenue sur « qui veut convaincre des patrons »

Stade de Roland-Garros, jeudi 28 août. Pas de tennis au programme, mais un spectacle qui se rapprocherait plus de l’entretien d’embauche voire du festival canin. Pour les six « chefs de parti » invités par le Medef, un objectif : qui fera ses plus belles pirouettes devant le patronat pour le convaincre de la justesse de son programme ?

Pour Gabriel Attal et Bruno Retailleau, pas besoin de forcer leur nature. L’égrenage des attaques antisociales – passées et à venir – suffit à faire recette : hausse du temps de travail, réforme de l’assurance-chômage, suppression de l’ISF, non-remplacement des départs à la retraite des fonctionnaires… Les applaudissements sont nourris à chaque fois.

À Jordan Bardella, le prix de la flagornerie : il faudrait selon lui réapprendre « à aimer ceux qui créent, innovent, prennent des risques » et « arrêter de pointer du doigt les patrons » tout en s’en prenant aux normes administratives qui pèseraient sur les entreprises. Et « pas de tabou » sur le passage à une retraite par capitalisation. De quoi donner quelques frissons de plaisir dans l’assemblée… et dessiller tous ceux qui penseraient encore que le Rassemblement national romprait avec les politiques pro-patronales s’il arrivait au pouvoir.

Pour Marine Tondelier, Fabien Roussel et Manuel Bompard, la tâche s’annonçait plus ardue. Mais personne ne pourra leur reprocher de ne pas avoir mouillé le maillot. On leur doit certes quelques paroles sur les inégalités grandissantes, les neuf millions de personnes sous le seuil de pauvreté ou la gravité des dégradations environnementales. Et tous s’en sont pris à juste titre aux aides mirobolantes (211 milliards d’euros en 2024) versées chaque année au patronat sans aucune contrepartie. Mais ils se sont surtout tous démenés pour montrer en quoi leur programme n’était pas tourné « contre les entreprises », pour reprendre les mots de Manuel Bompard de la France insoumise. Bien au contraire, d’après eux, les investissements étatiques permettraient de remplir les carnets de commande, la planification de réduire l’imprévisibilité économique, des salaires un peu plus élevés de relancer la consommation, le protectionnisme de se protéger de la concurrence… Tout finalement pour faire croire à une bonne politique de l’État, avec eux aux manettes, qui profiterait tant aux patrons qu’aux travailleurs et travailleuses. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il y a un mot que l’on n’aura jamais entendu prononcer : celui de « profits » … à l’image des 131 milliards de bénéfices engrangés par le CAC 40 en 2024. Disparue des radars la lutte des classes, oubliée la logique inhérente du capitalisme qui voit les patrons mener une guerre sociale aux travailleurs pour augmenter leurs profits. Marine Tondelier propose aux patrons « de [leur] tendre la main et de travailler ensemble » pour sauver le « pacte social », seule manière d’éviter « les grèves et les mouvements sociaux » ? Au NPA-Révolutionnaires, c’est précisément tout l’inverse qu’on se propose de faire !

Trônant en haut de la tribune, les représentants du Medef n’avaient que faire des conseils de cette cour. Ils ont leur plan : réduire la taille du gouvernement, supprimer 20 000 communes (sur 30 000 !), réduire considérablement le nombre de fonctionnaires, alléger les impôts – les allègements, considérables, réalisés par Macron les ont rendus gourmands ! –, faciliter les heures supplémentaires… Et de dénoncer la « demande de protection » engendrée par l’existence d’un « taux élevé de propriétaires », par « un accès relativement bon marché aux services publics (santé, éducation, transports), [un] taux élevé de retraités ou de fonctionnaires ». Bref, si Elon Musk m’était conté, version française.

Au moins, les patrons affichent clairement la couleur et, à force d’être « décomplexés », ils réussiront à rendre anticapitalistes les plus modérés !

Boris Leto

 

 


 

 

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