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Jacaranda : percer le silence

Jacaranda, de Gaël Faye
Grasset, 288 p., 20,90 €

Huit ans après Petit Pays, Gaël Faye, auteur-compositeur-interprète et rappeur franco-rwandais, publie son deuxième roman, Jacaranda, reprenant de manière saisissante le thème du génocide rwandais. C’est par les yeux et le destin d’un jeune Versaillais, Milan, que l’on découvre, entre la petite et la grande histoire, les cicatrices laissées par le génocide des Tutsis en 1994, qui a fait, en quelques mois, 800 000 victimes et a laissé les jeunes générations meurtries par cet héritage sanglant.

Dans Jacaranda, Gaël Faye inverse la trame de son premier ouvrage publiée en 2016, Petit pays, narrant l’histoire de Gabriel, un jeune franco-rwandais, ayant grandi au Burundi et dont le monde va se disloquer du fait de la guerre civile. Cette fois, pour Milan, notre protagoniste en classe de sixième, le Rwanda apparaît d’abord à la télévision française. Sa mère rwandaise refuse d’en parler : avant les images du massacre au journal de 20 heures, pour Milan, le Rwanda n’existait pas.

Et puis, un soir, Claude, un enfant un peu plus âgé que lui, passe le pas de la porte, avec sa grande cicatrice sur le crâne. « Il va vivre avec nous », dit simplement sa mère. Claude ne comprend pas le français, de toute façon il ne parle pas, tout semble opposer les deux enfants et, pourtant, la grande histoire commence. Ne pouvant percer le silence de sa mère, année après année, au travers de la découverte de sa famille et de ses voyages au Rwanda, le jeune homme va percer les secrets cachés à l’ombre des fleurs flamboyantes du Jacaranda.

Étalé sur quatre générations, l’ouvrage nous offre avec une grande simplicité une réflexion poignante sur les racines coloniales du génocide, des exodes imposés, et leurs conséquences actuelles, notamment sur les jeunes générations. On y découvre le fossé de silence entre générations, le tiraillement entre désir de réconciliation nationale et de vengeance : comment, après un génocide, arriver à ce que les enfants des Tutsis et Hutus puissent vivre ensemble ? Gaël Faye interroge à nouveau le lecteur : comment ne pas reproduire l’indicible, si ce n’est justement en le contant ?

Nora Debs