Naïma Moutchou, la ministre des Outre-mer, est arrivée en Kanaky lundi 10 novembre. Avec pour objectif de faire avancer la mise en place des accords de Bougival qui font la part belle aux « loyalistes » – le parti des colons d’extrême droite dirigé par la présidente de la Région Sud, Sonia Backès.
Ces accords, récusés par les indépendantistes du FLNKS, ne font que des concessions symboliques à ces derniers – création d’une « nationalité calédonienne » qui vient s’ajouter à la nationalité française, transfert à la Nouvelle-Calédonie de certaines prérogatives dans les relations internationales – entendez par là représentations diplomatiques –, mais sans aucune autonomie, l’État français se réservant tous les domaines « régaliens » : armée, diplomatie, etc.
À l’inverse, ces accords de Bougival accordent aux « loyalistes » une représentation plus nombreuse de la Région Sud – la plus riche, où sont concentrés les colons –, dans les instances locales, report des élections régionales (validé par le Conseil constitutionnel) qui devaient avoir lieu en novembre et élargissement du corps électoral à de nouveaux colons, mesure qui avait déclenché le soulèvement de 2024.
Naïma Moutchou a rencontré lundi les dirigeants des institutions locales qui ont insisté sur le fait qu’il fallait aller au-delà des accords de Bougival et que rien ne pourrait se faire sans le FLNKS. Elle a aussi rencontré Sonia Backès qui a non seulement réclamé des aides financières pour les entreprises dirigées par les colons et mises à mal par le soulèvement de l’an dernier, mais a hypocritement affirmé son « ouverture à la discussion avec le FLNKS », précisant que « le camp non-indépendantiste a fait beaucoup de concessions » – on se demande bien lesquelles ! Sonia Backès et le député « loyaliste » Nicolas Metzdorf préconisent désormais une consultation anticipée sur les accords de Bougival : « Une fois que les Calédoniens se seront prononcés pour l’accord, que pourra dire le FLNKS ? Ce sera la démocratie, l’ensemble du peuple calédonien qui aura décidé », a affirmé ce dernier. Une drôle de démocratie où Christian Tein, le président du FLNKS, a pu sortir de prison, mais en liberté conditionnelle et toujours cantonné dans l’Hexagone avec plusieurs autres dirigeants indépendantistes. Et des dizaines de jeunes Kanak restent enfermés dans les prisons françaises, à 17 000 kilomètres de chez eux. Une « démocratie » qui a lâché sur l’archipel des milliers de gendarmes et de soldats qui ont clairement été envoyés pour parer à toute volonté des Kanak de protester.
Après avoir réclamé un report des élections provinciales par peur du poids du FLNKS, les « loyalistes » se disent aujourd’hui partisans d’une consultation anticipée : les sondages indiquent en effet que les accords de Bougival seraient ratifiés à une très grosse majorité, l’État colonial ayant réussi à diviser le camp indépendantiste – pour exemple, le Palika, qui vient de quitter le FLNKS, a approuvé les accords de Bougival. Mais la position des chefs du Palika semble contestée au sein même de ce parti, c’est sans doute pourquoi les loyalistes veulent faire vite, forts qu’ils se croient de la présence des forces de répression.
Naïma Moutchou a affirmé : « Je ne veux pas faire sans le FLNKS »… C’est aussi ce que conseille Manuel Valls, le précédent ministre des Outre-mer, l’organisateur des accords de Bougival. Mais rien n’est moins sûr ! Elle a rencontré des représentants du FLNKS comme du Palika mardi. Les « discussions » avec le FLNKS se sont passées sans la présence de son principal dirigeant – les représentants du FLNKS réclament le retour en Kanaky des exilés –, mais bien en présence des flics coloniaux. Mais ce qui les inquiète, ce n’est pas tant la position du FLNKS que le fait que les populations kanak, en particulier cette jeunesse qui a pris tout le monde de court en déclenchant le soulèvement de 2024, n’acceptent pas les tractations qui se préparent sur son dos.
Jean-Jacques Franquier