Nos vies valent plus que leurs profits

La guerre commerciale de Trump : une guerre impérialiste pour restaurer l’hégémonie américaine

Le 2 avril, en annonçant des droits de douane prohibitifs et généralisés, Trump a lancé une offensive commerciale tous azimuts contre le reste du monde. L’Amérique se fait « arnaquer » par tout le monde, à elle d’arnaquer en premier !

Les dirigeants de la planète ont réagi chacun à leur manière : la Chine en relevant ses propres taxes sur les produits américains, l’Union européenne en menaçant d’une riposte « graduelle » tout en suppliant Trump de négocier, tandis que d’autres ont préféré faire le dos rond. La position incontournable du marché américain permet à Trump de brutaliser sans retenue les autres États et leurs bourgeoisies. C’est l’inquiétude de la bourgeoisie américaine elle-même qui aura imposé une pause à Trump. Une pause partielle, puisqu’une taxe de 10 % s’ajoute toujours aux tarifs antérieurs et que l’escalade se poursuit avec la Chine.

Le coup de force n’a d’autre objectif que de réaffirmer la toute-puissance américaine. Trump et son entourage sont convaincus du déclin américain et veulent restaurer son hégémonie, derrière le slogan « Make America Great Again ». Quoi de mieux qu’un coup de pied dans la fourmilière pour redessiner le système financier et commercial mondial ? Le pari trumpiste est que les États-Unis survivent mieux au chaos provoqué et repartent de plus belle. Une théorie exposée par son chef économiste, Stephen Miran, dans un Manuel pour la restructuration du système commercial mondial1.

Cette stratégie du choc n’est pas sans précédent. En 1971, Nixon accusait déjà le monde d’arnaquer les États-Unis. Après avoir mis fin à la convertibilité du dollar en or sur lequel reposait le système financier mondial, il avait dévalué le dollar de façon drastique, une manière de renchérir les marchandises importées et de rendre plus compétitives les exportations américaines. En 1979, la Réserve fédérale américaine (Fed) avait infligé un second choc avec une hausse fulgurante des taux d’intérêts, provoquant une vague de faillites et un chômage de masse, permettant d’imposer un recul des salaires et des conditions de travail, mais aussi une cascade de crises des dettes dans le monde, ouvrant la voie à une nouvelle mainmise impérialiste, au nom de cette dette, sur les richesses des pays du tiers-monde. Ces chocs avaient fini par restaurer les profits et relancer la machine capitaliste. Un rétablissement payé lourdement par les classes ouvrières américaine et mondiale. Le président de la Fed d’alors, Paul Volker, avait affiché la couleur : « Une désintégration contrôlée de l’économie mondiale est un objectif légitime pour les années quatre-vingt. »

Jusqu’où ira Trump dans le chaos ? La bourgeoisie américaine n’a peut-être pas tellement envie de le découvrir. Mais, si l’avenir est incertain pour elle, il l’est encore plus pour les travailleurs qu’elle envoie au front de cette guerre commerciale, et qui auraient tout intérêt à prendre leur propre avenir en main.

Maurice Spirz

 

 

1  Stephen Miran, A User’s Guide to Restructuring the Global Trading System, novembre 2024.

 

 


 

 

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