Nos vies valent plus que leurs profits

La victoire de Mamdani ne suffira pas à apporter les changements nécessaires

Discours de Mamdani après son élection. Source : CBS News

Nous reproduisons ci-dessous la traduction d’un article de nos camarades américains de Speak Out Now publié sur leur site le 6 novembre 2025.

Mardi dernier, Zohran Mamdani a été élu maire de New York. Il a largement distancé son principal rival, Andrew Cuomo, avec 50 % des voix contre 41 %. Tout comme lors des primaires démocrates plus tôt cet été, cette victoire a suscité des critiques indignées à droite, mais un sentiment électrique de joie et d’espoir pour les progressistes. Un résultat qui illustre plusieurs points importants.

L’élection de Mamdani, comme le soutien record qu’il a reçu, montrent que des millions de personnes aspirent au changement, plus précisément à ce qu’elles croient être un véritable changement. Contrairement aux mensonges et au pessimisme qui accompagnent de nombreuses campagnes politiques, les gens ont préféré soutenir un candidat extraordinairement optimiste. À l’opposé de la haine, du racisme et du sexisme éructés par Trump et ses partisans, les gens ont préféré apporter leur soutien à un message d’inclusion et de respect de l’autre. Ce qui prouve que, lorsqu’on leur en donne l’occasion, ils préfèrent soutenir des idées positives plutôt que les messages qui attisent la division, la haine, la peur, comme c’est si souvent le cas dans les campagnes aux États-Unis.

Plus d’un million de personnes ont donc choisi de soutenir un candidat qui a ouvertement déclaré sa volonté de contester le règne des plus riches sur notre monde et sur la politique à New York. Ils en ont assez des Trump, Bloomberg, Ackman, Lauder et autres milliardaires qui s’enrichissent sur le dos des travailleurs et rendent des villes comme New York invivables pour qui n’est pas de leur monde. Ce qui revenait à prendre le contrepied de la volonté de ces derniers que rien ne change.

En tout cas, on a pu voir que les puissances de l’argent ne l’emportent pas toujours ! Contrairement à ce à quoi on a assisté ces dernières décennies aux États-Unis, cette élection a clairement montré qu’un nombre même relativement restreint de personnes, pour peu qu’elles soient bien organisées et œuvrent à un objectif commun, peut l’emporter sur la concentration des richesses. Plus de vingt milliardaires new-yorkais ont dépensé pas moins de 40 millions de dollars pour tenter de vaincre Mamdani. Des sommes dépensées pour promouvoir des diatribes hystériques sur la façon dont Mamdani transformerait New York en désert, l’accusant d’être communiste, incapable de gouverner, affirmant qu’il appelle de ses vœux un autre 11 septembre, et ainsi de suite. Mais cela n’a pas réussi à étouffer son message optimiste et à enrayer la vaste machine électorale qu’il a pu bâtir avec des dizaines de milliers de bénévoles.

Mamdani a été le premier candidat à la mairie depuis 1969 à recueillir plus d’un million de voix. Grâce à la participation massive des communautés musulmanes, d’Afrique de l’Est et d’Asie du Sud – une première. Il a reçu un soutien total d’une jeunesse pressurée par des loyers et un coût de la vie à New York pratiquement impossibles à assumer. Il a donné de l’élan aux syndicalistes les plus à gauche. Il a même obtenu de nombreuses voix dans des districts où Trump et les Républicains avaient obtenu de bons résultats lors des dernières élections : de nombreux électeurs de Trump aspirent aussi au changement, mais ont été trompés par les mensonges sur la façon dont cela se produirait. Mamdani leur a proposé une alternative, et certains en tout cas ont choisi de voter pour lui.

Il a remporté plus d’un million de voix en mettant essentiellement en avant les vrais problèmes qui affectent la vie des gens : le coût du logement, le prix de denrées de première nécessité, le coût des transports, des gardes d’enfants. La combinaison de son intérêt pour les préoccupations quotidiennes des travailleurs, de son optimisme indéfectible et de ses appels à l’inclusion et à la solidarité explique facilement l’ampleur de son soutien. L’espoir en quelque chose de meilleur était susceptible de mobiliser les gens pour qu’ils soutiennent activement sa campagne, et cela a fonctionné. Cela montre que, si une alternative meilleure, optimiste, leur est proposée, beaucoup choisiront cette voie.

Mais, comme nous l’avons écrit début octobre, le programme de Mamdani fera face à de sérieux défis. Il est possible, voire probable, qu’il ne soit en mesure d’accomplir qu’une fraction de ce qu’il dit vouloir réaliser. Les obstacles qui se dressent devant lui sont immenses, et il ne sera probablement pas en mesure de les surmonter. En tout cas, pas sans un mouvement plus large avec une perspective de classe.

Nous avions conclu en octobre :

Pour atteindre les objectifs que [Mamdani] met en avant, il faudrait une véritable mobilisation des travailleurs qui aille bien au-delà du soutien qu’il a rassemblé jusqu’à présent pour des élections, pour de modestes réformes. Ce qu’il faut, c’est un véritable mouvement social, s’organisant pour bloquer la réaction, croissante aux États-Unis, et lutter pour le progrès social sur tous les fronts. Il faudrait un mouvement social qui ne s’arrête pas aux urnes, ne se contente pas d’un soutien à des politiciens intégrés dans ce système oppressif. Il faudrait un mouvement social qui aille au-delà des questions de personne des politiciens, qui fasse le lien entre le capitalisme et la plupart des souffrances qui sont partout subies. Aucun politicien, aucune campagne politique ne peut se substituer à un mouvement de masse organisé, capable d’exercer un pouvoir réel dans la société.

En fait, même si la ville de New York joue un rôle important dans les économies nationale et mondiale, il est essentiel pour ses habitants qu’il y fasse bon vivre. La ville a beau être grande, elle n’en est pas pour autant autonome : son économie et ses habitants sont indissolublement liés au reste du monde. Les grands problèmes ne seront pas résolus ville par ville. Comme tout un chacun dans le monde, les New-Yorkais sont exposés aux risques de catastrophe climatique, de guerre nucléaire, de pandémie. Il faut une politique qui s’attaque à toutes les crises auxquelles nous sommes confrontés.

Que ce soit à New York ou dans le reste du monde, le type de mouvement dont nous avons besoin suppose que les travailleurs s’organisent sur leur lieu de travail pour tenir tête aux managers, aux directeurs, aux propriétaires. Il faut s’organiser pour faire grève afin de contester la propriété des capitalistes, leur monopole sur la production – de nourriture, de vêtements, de logements – dont tout le monde a besoin. Cela signifie que la classe ouvrière devrait s’unir par-delà les barrières raciales et ethniques, qu’on soit immigré ou non, par-delà les frontières nationales. Cela suppose aussi que les organisations ouvrières forment des comités pour défendre non seulement leurs membres, mais tous les travailleurs, y compris les immigrés qui sont à leurs côtés. Cela signifie que des quartiers ouvriers, voire des villes entières, résistent aux raids et aux attaques contre les travailleurs qui visent à nous diviser et à nous intimider. Cela signifie des marches de masse dans les rues des grandes villes, mais aussi une résistance de masse organisée dans des cités plus petites à travers les États-Unis et ailleurs. Il faut des grèves qui, à partir de quelques entreprises, s’étendent. Il faut que les travailleurs se croisent les bras à grande échelle, bloquent le système, cessent de générer les profit qui alimentent le système dont les capitalistes dépendent.

Aucune campagne électorale ne peut faire cela. Aucun politicien non plus. Surtout pas dans une seule ville, sous la menace intérieure et extérieure de forces hostiles. Le mieux que Zohran Mamdani et ses semblables puissent faire est de gérer le système capitaliste de façon moins brutale, en minimisant peut-être la souffrance qui l’accompagne. La campagne de Zohran Mamdani a reflété les difficultés de millions de travailleurs new-yorkais, leurs craintes face à leurs conditions de vie, mais aussi leur frustration face aux politiciens, Démocrates comme Républicains, qui les ignorent. Pour avoir un réel espoir dans l’avenir, nous devons nous organiser nous-mêmes, sans compter sur les politiciens des partis Démocrate et Républicain, quel que soit leurs discours ou l’apparente bienveillance dont ils font montre à notre égard.