Le Charlisme
Daniel Schneidermann
Seuil, 2025, 144 p., 18 €
Un des inventeurs de la critique des médias, le journaliste Daniel Shneidermann, fondateur de l’émission Arrêt sur image, nous livre un petit essai stimulant sur ce qu’il tente de définir comme le « charlisme ». Un glissement lent d’un esprit issu de 1968 (liberté de ton, blagues graveleuses et critique des puissants) vers un esprit du temps empreint d’une idéologie réactionnaire (anti-islam et pro-impérialiste).
Pour incarner ce glissement et sa soudaine accélération après le 7 janvier 2015, le journaliste réalise une galerie de portraits (de monstres) saisissante. Aucun des actuels dignitaires de ce courant n’est épargné. On en apprend beaucoup sur le fonctionnement en réseau des Val, Riss, Fourest, Aram, Enthoven, etc. La nausée nous prend lorsqu’il rappelle les dessins racistes de Riss ou Coco (Aylan, Boko Aram, la présidente de l’Unef) qu’on aurait aimé oublier.
La thèse est finalement un peu évidente, Charlie a eu plusieurs vies. La résurrection des années 1990 sous l’égide de Val, non seulement donnait des atours beaucoup plus « sérieux » au titre mais préparait de facto des carrières médiatico-politiques.
Puis le journaliste nous évoque une « persistance rétinienne » qui lui a empêché de mesurer la déviation de Charlie. Les preuves étaient pourtant nombreuses pour dénoncer certaines prises de position du journal. Moins après le départ de Val et la promotion de Charb, certes, mais faisant sien le « je n’ai pas vu le ver dans le fruit » de Cavanna, l’auteur fait finalement amende honorable.
Philippe Cavéglia