Nos vies valent plus que leurs profits

Le ping-pong Macron-Tebboune et leurs victimes

Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, Macron et Retailleau d’un côté, le président algérien Tebboune de l’autre se cherchent des noises. Arrestation à Alger de l’écrivain réactionnaire Boualem Sansal, expulsion par la France d’un « influenceur » pro-régime algérien, puis arrestation d’un agent consulaire algérien ayant trempé dans une tentative d’enlèvement d’un opposant au régime algérien, enfin expulsion réciproque d’employés des ambassades des pays respectifs : je t’enlève ton fou, je te prends ton cheval et on s’échange quelques pions. C’est parait-il les règles de jeu classiques sur les échiquiers de la diplomatie. Si ridicules qu’on pourrait en rire. Sauf que derrière se cachent des affaires de gros sous, et quelques calculs de démagogie politique.

Point de départ des fâcheries : la reconnaissance par Macron, en juillet dernier, de l’appartenance au Maroc de la région du Sahara occidental, où il est en conflit avec le mouvement indépendantiste du Front Polisario soutenu par l’Algérie voisine. Quelques mois plus tard, le 28 octobre, Macron était en visite à Rabat, accompagné de 40 chefs d’entreprise, signant une trentaine d’accords de coopération et contrats. La société française Egis-Rail venait de s’offrir au Maroc le contrat de construction de la ligne grande vitesse Kenitra-Marakech (entre 750 millions et un milliard d’euros). En direction du grand sud, l’Agence française de financement (AFD) a pris sa part du projet de ligne haute tension joignant Casablanca au port de Dakhla, au Sahara occidental, là où Engie investit dans un parc d’éolienne et une usine de dessalement des eaux.

Coté démagogie nationaliste, Tebboune, porté au pouvoir pour mettre fin au Hirak, cherche à se faire une petite pub par l’arrestation de Sansal, puis sa condamnation à cinq ans de prison, ou par ses ripostes à la France. Macron et Retailleau ne sont pas en reste : outre les toutes dernières expulsions, en janvier Retailleau s’en prenait à l’émigration de travailleurs algériens en France, annonçant qu’il allait annuler un accord avec l’Algérie de 1968, prétendument trop favorable à l’émigration algérienne. Il vient de remettre ça sur le tapis, bien qu’en réalité ce vieux texte n’a depuis longtemps plus aucun effet, pendant que son collègue Darmanin clame, lui, qu’il faut carrément retirer l’ambassadeur de France en Algérie. Voilà Marine Le Pen doublée sur son terrain préféré.

Les victimes de ce petit jeu sont toujours les mêmes : ces jeunes Algériens qui, fuyant le chômage, tentent au risque de leur vie de franchir la Méditerranée, ces travailleurs immigrés ici, avec ou sans papiers, que nos gouvernants montrent du doigt et maintiennent dans les situations les plus précaires, pour que le patronat puisse les exploiter à bon marché.

27 avril 2025, Olivier Belin