
L’horizon politique trouvé par la bourgeoisie pour assurer la Transition dans la continuité a été la monarchie. La loi de succession à la tête de l’État de 1947 remplissait cette fonction : un roi succéderait au Caudillo. Pour cela, Franco a rencontré l’héritier d’Alphonse XIII pour que deux de ses fils, Juan Carlos (le futur roi) et Alphonse, soient éduqués avec lui. Cette monarchie tiendrait sa légitimité de Franco et de la victoire de la contre-révolution dans la guerre civile. Ainsi, en 1969, Juan Carlos fut désigné héritier et prince d’Espagne après avoir prêté le serment suivant : « Mon général, messieurs les ministres, messieurs les procureurs : pleinement conscient de la responsabilité que j’assume, je viens de prêter serment, en tant que successeur, au titre de roi, de loyauté à Son Excellence le chef de l’État et de fidélité aux principes du Mouvement national et aux lois fondamentales du Royaume. Je tiens à dire, avant tout, que je reçois de Son Excellence le chef de l’État et généralissime Franco la légitimité politique issue de juillet 1936 ». La monarchie actuelle de la démocratie espagnole est une création et l’héritière politique de la dictature.
L’étape suivante était de moderniser le régime, de l’adapter aux démocraties libérales, même s’il a fallu attendre la mort du dictateur, qui est survenue le 20 novembre 1975, non sans avoir auparavant exécuté au garrot1 le militant libertaire Salvador Puig Antich en 1974 et, un mois avant sa mort, deux militants de l’ETA2 et trois du Front révolutionnaire antifasciste et patriote (Frap)3.
Cependant, ce processus n’a été ni linéaire ni homogène. Parmi les élites du franquisme, certains minoritaires considéraient nécessaire de maintenir le franquisme, même sans Franco. Restait néanmoins un danger principal pour cette transition : la combativité de la classe ouvrière.
R. O.
1 Le garrot vil, ou lacet étrangleur : système de strangulation traditionnellement employé en Espagne pour les exécutions à mort, à l’aide d’un collier serré par une vis qui étranglait et broyait les vertèbres cervicales du condamné.
2 Pays basque et liberté (Euskadi ta Askatasuna) : principale organisation indépendantiste basque.
3 Organisation marxiste-léniniste espagnole.
Sommaire du dossier
État Espagnol : 50 ans après le mort du dictateur Franco ou la « transition démocratique » vers le maintien du pouvoir des capitalistes
- « Il faut tout changer pour que rien ne change ! »
- Le rôle de la monarchie
- Les années 1960 et la reprise du mouvement ouvrier
- La grève de Vitoria-Gasteiz
- La gauche institutionnelle, béquille du capitalisme
- Le « pacte d’oubli », un déni de justice pour les victimes du franquisme
(Dossier réalisé à partir de la présentation de Rubén Osuna (Izar Madrid) lors des rencontres révolutionnaires du NPA-R 2025)